Le sauvetage des banques chinoises commence

Par Christopher Balding
8 octobre 2023 02:58 Mis à jour: 8 octobre 2023 02:59

Alors que les banques chinoises grincent et gémissent sous le poids des demandes de prêts et des niveaux importants de créances douteuses non déclarées, ce n’était plus qu’une question de temps avant que les sauvetages bancaires par le gouvernement ne commencent. Eh bien, justement ils ont commencé.

Malgré les hyperboles des experts sur les risques sans précédent qui pèsent sur le système financier chinois, en réalité le système bancaire chinois chancelle depuis longtemps et les sauvetages des banques chinoises ne sont pas une nouveauté. Déjà, au début des années 2000, la Chine était confrontée à une marée montante de créances douteuses qui menaçait de submerger son système bancaire. De 2004 à grosso modo 2006, la Chine a lancé une recapitalisation massive de son système bancaire qui a concerné toutes les banques.

La recapitalisation s’est faite par deux voies principales. Tout d’abord, Pékin a créé quatre « mauvaises banques », appartenant à l’État et capitalisées avec l’argent de l’État, qui ont ensuite racheté les créances douteuses des autres banques. Ces quatre banques, c’est peu dire, ont une valeur toute relative. Certains de ces prêts ont finalement pu être remboursés, car la Chine a connu une croissance rapide entre 2005 et 2020. En revanche, une grande partie de ces prêts n’ont jamais été remboursés et ne le seront probablement jamais, même à des taux très réduits, et sont connus sous le nom d’ « actifs zombies ». Aujourd’hui, ces mauvaises banques sont soit officiellement en faillite, soit au bord de la faillite.

Deuxièmement, de nombreuses collectivités locales sont intervenues sur le marché et ont acheté des actifs aux banques pour éviter qu’elles ne s’effondrent. Voici comment se déroulaient généralement ces opérations. Les collectivités locales achetaient une grande partie ou la totalité des créances douteuses, de sorte que les banques en question n’avaient plus de créances douteuses dans leurs livres de compte et pouvaient continuer à accorder des prêts à très long terme à des taux faibles, voire nuls. La banque se chargeait ensuite de rembourser les prêts en fonction d’objectifs ou d’événements spécifiques, tels qu’une introduction en bourse ou un rachat de créance douteuse par tranches.

Étant donné qu’une grande partie de ces créances douteuses était liée à des projets publics et que le gouvernement avait besoin que les banques continuent à accorder des prêts, il y avait une symbiose entre les deux parties. L’inconvénient d’une telle démarche est que les dettes n’ont jamais été dépréciées et que les actifs n’ont jamais été cédés, car le gouvernement ne s’est jamais attaqué au problème sous-jacent des créances douteuses. Ainsi, la banque remboursait ses créances douteuses ou les rachetait, mais la nature toxique de ces créances était inchangée.

A man walks by the head office of China's largest private lender, Minsheng Bank, in Beijing, on Feb. 25, 2002. (AFP/Getty Images)
Un homme passe devant le siège de la plus grande banque privée de Chine, la Minsheng Bank, à Pékin, le 25 février 2002. (AFP/Getty Images)

La Chine a pu s’attaquer à une grande partie de ses créances douteuses passées en les dépassant tout simplement, et non en ajustant les évaluations, en réduisant ou en annulant les prêts, ou en modifiant les pratiques bancaires. Le dépassement des créances douteuses est peu courant au niveau individuel et même extrêmement rare au niveau macroéconomique.

La Chine espère répéter cet exploit, et a commencé à s’attaquer à ce type de créances dans le secteur bancaire, moins de 20 ans après sa dernière tentative de recapitalisation des banques par Pékin.

Tout récemment, la banque Shengjing, cotée à Hong Kong, a annoncé avoir vendu 176 milliards de yuans, soit 24 milliards d’euros, de créances douteuses au gouvernement de la province de Liaoning, dans le nord-est du pays. Toutefois, un examen plus approfondi de la transaction révèle beaucoup de mouvement et très peu de substance.

L’accord entre Shengjing et Liaoning est simple et ne sert qu’à masquer et à retarder la résolution du problème fondamental. Aucun argent ne change réellement de mains dans cette transaction. Liaoning Asset, qui relève des collectivités locales, reçoit simplement un ensemble de prêts et d’investissements et émet ensuite des billets à 15 ans pour les 176 milliards de yuans à l’intention de Shengjing, avec un taux d’intérêt de 2,25 %. En fait, Shengjing cède ses créances douteuses au gouvernement local, espérant être remboursée dans 15 ans tout en acceptant un paiement d’intérêts bien inférieur au taux officiel.

Shengjing a entrepris cette cession d’actifs afin « d’améliorer la qualité des actifs de la banque ». Mais à première vue la démarche étonne, si l’on accepte l’authenticité des documents publiés par Shengjing. Selon le rapport semestriel de la banque, son ratio de prêts non productifs était de 3,17 % cette année, soit une baisse par rapport aux 3,22 % enregistrés en 2022. En outre, la banque était censée avoir des provisions pour créances douteuses de 4,5 %, ce qui signifierait que, pour couvrir ces risques, elle aurait mis de côté 1,5 fois le montant de ses créances douteuses.

De même, le montant de la vente semble surprenant. Cette vente d’actifs de 176 milliards de yuans représente 16 % de l’ensemble des actifs de la banque, et la part des prêts consentis représente plus de 20 % de l’ensemble des prêts octroyés. En d’autres termes, Shengjing se débarrasserait de plus de cinq fois le montant des créances douteuses que ce qu’elle a déclaré, alors même qu’elle fait état d’un grand nombre de provisions pour gérer ces créances.

Le problème est en fait plus profond et plus caché que les rapports financiers officiels ne le laissent paraître. Jusqu’à la fin de 2022, le principal actionnaire de Shengjing et l’un de ses principaux clients était Evergrande, le promoteur immobilier. En fait, fin 2022, Shengjing a intenté une action en justice contre Evergrande pour plus de 32 milliards de yuans de prêts impayés.

Ces 32 milliards de yuans de prêts impayés sont importants et vont au-delà du fait qu’Evergrande ne remboursera pas ces prêts de sitôt. Dans ses résultats financiers du premier semestre, Shengjing n’a indiqué que 3,7 milliards de yuans de pertes sur prêts et n’avoir que moins de 20 milliards de yuans de prêts irrécouvrables au total. Ainsi, Shengjing ne peut pas prétendre recouvrer plus de 32 milliards de yuans auprès d’un client en défaut de paiement et en faillite, alors même qu’elle n’aurait officiellement que 20 milliards de yuans de créances douteuses dans l’ensemble de son portefeuille.

Le sauvetage de la banque Liaoning-Shengjing comporte quelques points essentiels. Tout d’abord, cette structure de base est le modèle historique des renflouements de banques chinoises. Peu ou pas d’argent change de mains, les actifs douteux sont transférés à une autre entité juridique et rien n’est fait pour remédier à la valeur des actifs sous-jacents ou aux pratiques bancaires. Tous les futurs sauvetages de banques s’inscriront dans ce cadre général.

Deuxièmement, même avec une croissance rapide, de grandes quantités de dettes et d’actifs subsistent depuis le dernier sauvetage des banques chinoises, il y a près de 20 ans, à une époque où la Chine connaissait une croissance inégalée dans l’histoire de l’humanité. Il est très peu probable que la Chine ait à nouveau cette chance, ce qui signifie que davantage d’actifs douteux s’accumuleront dans le système financier et dans les bilans des gouvernements. Même avec un taux d’intérêt fortement réduit, le Liaoning aura du mal à rembourser cette dette en 15 ans, quelle que soit la réduction de la valeur de ses actifs. S’il s’agit d’actifs immobiliers et d’infrastructures publiques, le groupe le plus probable de créances douteuses vendues, cela n’a fait que reporter le jour du bilan à un coût plus élevé.

Troisièmement, toute cette affaire montre directement pourquoi les investisseurs chinois et internationaux ne croient pas aux données économiques et financières publiées par les banques chinoises et qu’ils savent que le gouvernement continuera de soutenir les grands investisseurs. Les résultats financiers de Shengjing sont loin d’être compatibles avec ses propres problèmes financiers, et Pékin renfloue une banque quand elle en a désespérément besoin. Les investisseurs ne croiront pas à l’authenticité des données financières et économiques qui seront publiées, mais ils continueront à penser que le gouvernement viendra toujours à la rescousse des banques.

Les banques chinoises continuant à avoir besoin d’aide, ce n’est que le début d’un processus qui sera certainement énorme, long et coûteux.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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