Les migrants d’Asie centrale, des cibles idéales de la propagande jihadiste

2 novembre 2017 19:58 Mis à jour: 2 novembre 2017 19:58

Quatrième attentat commis par un Ouzbek cette année, l’attaque de New York met en lumière, au-delà de la montée de l’islam radical en Asie centrale, la vulnérabilité de ses émigrés face à la propagande des jihadistes, estiment les experts.

Sayfullo Saipov, qui a tué huit personnes en fonçant mardi sur des piétons et des cyclistes à Manhattan à bord d’une camionnette, était arrivé en 2010 aux États-Unis après avoir obtenu un titre de séjour permanent.

Il serait le quatrième citoyen ouzbek, ou ouzbek ethnique, à être l’auteur d’un attentat meurtrier au cours des derniers mois.

Abdoulkadir Macharipov, l’auteur présumé de l’attentat revendiqué par le groupe terroriste État islamique contre une boîte de nuit d’Istanbul ayant fait 39 morts la nuit de la Saint-Sylvestre, est de nationalité ouzbèke.

C’est aussi le cas de Rakhmat Akilov, arrêté par la police suédoise après avoir lancé un camion sur la foule d’une rue piétonne très fréquentée de Stockholm, tuant cinq personnes.

S’il est né au Kirghizstan et possédait la nationalité russe, Akbarjon Djalilov, l’auteur présumé de l’attentat dans le métro de Saint-Pétersbourg qui a fait 14 morts en avril, était pour sa part ethniquement ouzbek.

L’Ouzbékistan, qui a vu émerger dès les années 1990 un mouvement islamiste radical, fait donc figure de bouc émissaire tout désigné. Mais les experts mettent en garde contre une interprétation trop rapide.

« La plupart des assaillants viennent de milieux peu religieux et ont eu tendance à se radicaliser dans leur pays de destination », souligne Yan Matusevich, du Centre international pour le développement des politiques migratoires, une institution adossée à l’OSCE et basée à Vienne.

Pour cet expert, si ces attaques ont un « facteur centre-asiatique » commun, elles relèvent d’une « forme plus globale et plus large de radicalisation ».

« Les situations de vie des assaillants étaient très diverses », ajoute-t-il.

Dans un communiqué publié mercredi, l’Ouzbékistan, le plus peuplé des cinq pays d’Asie centrale avec 32 millions d’habitants, a d’ailleurs tenu à rappeler que rien n’indique que Sayfullo Saipov ait eu des idées religieuses extrémistes quand il vivait encore dans son pays d’origine.

Celui qui était devenu un chauffeur Uber et vivait dans le New Jersey a été décrit « dans des termes très positifs » par ses anciens voisins de la capitale Tachkent, assure le communiqué publié par une agence de presse proche du régime ouzbek.

« Ses parents suivaient l’islam traditionnel et n’ont jamais été liés avec aucune faction extrémiste », ajoute ce communiqué.

 « Le seul élément commun que nous pouvons évoquer au sujet de Saipov et Macharipov est qu’ils étaient des Ouzbeks vivant en dehors de leur pays, ayant accès à la propagande de l’EI », rappelle Deirdre Tynan, directrice pour l’Asie centrale du centre d’études International Crisis Group.

Prévenant qu’il est « trop tôt » pour dire si Sayfullo Saipov a eu des contacts avec l’EI, celle-ci ajoute que l’organisation jihadiste a l’habitude de « délivrer ses message en russe et dans les langues d’Asie centrale via une multitude de plateformes ».

La propagande de l’EI à destination des pays d’Asie centrale –Turkménistan, Tadjikistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan–, des républiques musulmanes laïques, est apparue au grand jour en 2015, quand un enfant identifié comme kazakh a exécuté dans une vidéo de propagande un homme présenté comme un espion russe.

Une autre vidéo, publiée peu après, a présenté l’ancien chef des forces spéciales tadjikes, qui venait de faire défection pour rejoindre l’EI.

Des techniques de recrutement qui ont fait leurs preuves, alors que les sombres perspectives économiques et la corruption dans la région ont déjà poussé beaucoup de jeunes hommes à l’exil, principalement en Russie.

Les régimes autoritaires d’Asie centrale ont accentué depuis plusieurs années la répression contre tout ce qu’ils considèrent comme des manifestations de l’islam radical.

En Russie, les autorités annoncent régulièrement le démantèlement de cellules terroristes au sein des communautés de ressortissants d’Asie centrale.

« On a l’impression que certaines de ces arrestations ont un but politique, pour identifier (auprès du public) un ennemi commun », estime Svetlana Gannouchkina, une célèbre militante de défense des droits de l’Homme qui s’occupe notamment des ressortissants d’Asie centrale venus chercher du travail en Russie.

« Et qui sont les ennemis de la Russie? L’ennemi extérieur, c’est les États-Unis, et les migrants d’Asie centrale sont les ennemis de l’intérieur ».

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