Les pratiquants du Falun Gong racontent les 24 années terrifiantes qu’ils ont passées à résister à la persécution du PCC

Pour les pratiquants, des années de persécution brutale simplement pour avoir conservé leur foi ont été comme "vivre en enfer"

Par Eva Fu
20 juillet 2023 16:22 Mis à jour: 20 juillet 2023 16:34

En 34 ans, Doria Liu n’a presque jamais vu sa mère pleurer, pas même lorsque celle-ci racontait avoir subi d’atroces tortures aux mains des autorités chinoises dans le but de briser sa foi.

Mais lors d’un appel vidéo le 6 mai, lorsque Mme Liu a montré à sa mère une photo d’elle et de son mari tenant leur fils de 8 mois, Meng Zhaohong, âgée de 68 ans, a commencé à s’essuyer doucement les yeux. La photo montre le couple rayonnant, vêtu d’une tenue jaune vif, lors d’une célébration de la Journée mondiale du Falun Dafa, qui marque l’introduction publique de leur pratique spirituelle, le Falun Dafa, également connu sous le nom de Falun Gong.

Depuis San Francisco, à l’autre bout de l’océan, Mme Liu était à court de mots.

La mère et la fille sont très proches, surtout depuis que Mme Liu a perdu son père à l’âge de 10 ans, mais elles ne se sont pas vues depuis que Mme Liu a fui la Chine il y a huit ans. En Chine, le fait de porter la même tenue jaune vif, portant les mots « Falun Dafa est bon » ainsi que « vérité, compassion, tolérance » – les trois principes fondamentaux du Falun Dafa – peut déclencher une arrestation.

Doria Liu avec son mari et son fils demandant la libération de sa mère détenue, Meng Zhaohong, le 15 juillet 2023. (Avec l’aimable autorisation de Doria Liu)

Aussi inoffensifs soient-ils, ces mots sont un anathème pour le régime communiste chinois, qui pendant près d’un quart de siècle a mené une guerre féroce contre le groupe religieux.

Mme Liu a encouragé sa mère, également pratiquante du Falun Gong, à fuir la Chine : « Quand tu en auras l’occasion, viens tout de suite ».

« D’accord », a répondu sa mère. Il était tard dans la nuit aux États-Unis et le bébé dormait profondément, Mme Meng s’est donc dépêchée de mettre fin à l’appel pour ne pas le réveiller.

Mme Liu pensait qu’elles se reparleraient le lendemain, mais cela ne s’est jamais produit. L’anxiété l’a saisie alors que ses appels téléphoniques sont restés sans réponse pendant plus d’un mois. Elle a finalement appris que sa mère avait été arrêtée pour avoir parlé aux clients d’un marché fermier du Falun Gong et de la persécution.

Au cours d’un interrogatoire, la police a giflé Mme Meng plus de 20 fois, puis l’a torturée dans une cellule souterraine sombre, la prison locale refusant de l’accepter, après qu’un examen de santé eut révélé une tuberculose, une hypertension artérielle et d’autres problèmes.

Pour Mme Liu, c’était la septième fois en 24 ans que sa mère était arrêtée, simplement parce qu’elle persistait à pratiquer sa foi.

Le 20 juillet 1999, le régime chinois a lancé sa campagne d’éradication sanglante du Falun Gong, une pratique méditative comprenant des enseignements spirituels et des exercices doux. Avant cette date, on estimait à 100 millions le nombre de pratiquants dans tout le pays. Le parti communiste au pouvoir avait d’abord soutenu cette pratique, mais a fini par juger sa popularité intolérable, la considérant comme une menace pour le contrôle du régime sur l’ensemble de la société.

Depuis 24 ans, des dizaines de millions de Falun Gong sont devenus la cible d’une persécution généralisée de la part des autorités, qui ont eu toute latitude, et ont été encouragées, à leur infliger un maximum de souffrances physiques, financières et sociales.

Dans tout le pays, les pratiquants ont subi des arrestations arbitraires, des détentions dans des camps de travaux forcés et des camps de concentration, des surveillances, des tortures (devant leurs enfants, viols systématiques etc), des lavages de cerveau et même des prélèvements forcés et à vif d’organes ; depuis 1999, le PCC n’exclut aucun moyen dans sa tentative d’éradiquer totalement les Falun Gong.

Des Falun Gong lors d’une reconstitution de la pratique du Parti communiste chinois de prélèvement forcé d’organes sur les pratiquants du Falun Gong, au cours d’un rassemblement à Taipei (Taiwan), le 23 avril 2006. (PATRICK LIN/AFP via Getty Images)

Dans le cadre de sa campagne, le régime communiste a diffusé dans les médias, les manuels scolaires et sur Internet des informations dénigrant cette pratique, afin de dresser l’opinion publique contre les Falun Gong.

Le matin où la persécution à grande échelle a commencé, Mme Liu, qui avait 10 ans à l’époque, est allée méditer avec une douzaine de personnes sur un site d’exercice local du Falun Gong, dans un bureau de police de la province du Heilongjiang, dans le nord de la Chine.

Quelques heures plus tard, lorsqu’ils ont allumé la télévision chez eux, ils ont réalisé que les croyances auxquelles ils adhéraient, comme des dizaines de millions d’autres personnes, étaient devenues l’objet d’une propagande haineuse diffusée dans tout le pays.

« Vivre en enfer »

L’hostilité a été omniprésente et instantanée.

Sur la côte sud-est de la Chine, Feng Liping, propriétaire d’une pharmacie dans le centre industriel de Shenzhen, a vu des dizaines de policiers l’encercler, ainsi que d’autres Falun Gong, et prendre des photos alors qu’ils pratiquaient les exercices dans un parc. Peu après, des voitures de police ont commencé à tourner autour de l’immeuble de Mme Feng et sa licence de pharmacienne lui a été retirée.

En octobre, elle s’est rendue à Pékin pour demander aux dirigeants du PCC de mettre fin à la persécution. Elle a été arrêtée et placée dans un centre de détention, où elle a été contrainte de fabriquer des milliers de fleurs en plastique chaque jour et d’endurer les insultes des gardiens en raison de sa foi. Mme Feng a fait une fausse couche pendant son séjour dans ce centre.

Même après sa libération, la surveillance et le harcèlement policier ont été quotidiens. Quatre mois après avoir donné naissance à un fils en 2001, Mme Feng s’est enfuie de chez elle après que la police l’a menacée d’une peine de deux ans d’emprisonnement si elle ne signait pas des documents attestant qu’elle renonçait à sa croyance. Mais les autorités l’ont retrouvée et, en 2002, l’ont condamnée à trois ans de camp de travail.

Feng Liping et son fils à Shenzhen, en 2005. (Avec l’aimable autorisation de Feng Liping)

Mme Feng n’a jamais eu de grandes ambitions. Elle voulait une famille, un endroit où vivre et un travail qui lui permette de subvenir à ses besoins, mais tout a soudainement disparu du jour au lendemain. Au camp de travail, après avoir été brutalement battus, les gardiens lui ont remis des documents de divorce produits par sa belle-famille. Ils l’ont rendu public devant une foule de centaines de personnes pour l’humilier, puis lui ont dit qu’ils pourraient « l’aider » si elle « coopérait » avec eux et cessait de pratiquer le Falun Gong.

Elle a refusé de faire l’un ou l’autre. Après des pressions continues et de nouvelles arrestations, la santé de Mme Feng s’est détériorée et les problèmes cardiaques qu’elle disait avoir disparus après avoir pratiqué le Falun Gong ont refait surface. Avec l’aide de pratiquants étrangers, Mme Feng s’est échappée en 2008 vers la Thaïlande pour retrouver son mari, qui avait fui un an plus tôt. Son plan avait été tenu secret, même pour ses parents, qui ne l’ont appris qu’après son arrivée en Thaïlande.

Jusqu’à sa fuite, dit-elle, elle avait « vécu l’enfer ».

Mais l’ombre de la persécution persiste. Au cours des 11 dernières années, Mme Feng n’a pas pu voir son fils aîné, aujourd’hui âgé de 23 ans. Son deuxième fils, né aux États-Unis et âgé aujourd’hui de 10 ans, n’a jamais rencontré son frère.

Feng Liping médite à Union Square pour célébrer la Journée mondiale du Falun Dafa à New York, le 10 mai 2018. (Larry Dye/Epoch Times)

Ses parents étaient à la fois tristes et soulagés de savoir qu’elle ne serait plus en Chine.

« Sais-tu que pendant toutes ces années, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps ? », a dit sa mère à Mme Feng lorsqu’elle l’a appelée de Thaïlande. « Chaque fois que mon appel n’aboutissait pas, je me demandais si tu n’étais pas de nouveau en prison quelque part et persécutée ».

Des familles déchirées

Si l’on estime qu’une personne sur treize en Chine pratiquait le Falun Gong en 1999, il est difficile d’imaginer les conséquences de cette terrible persécution sur les familles.

Xia Deyun, qui était alors ingénieur pour le producteur de pétrole Shengli Oil Field, dans l’est de la Chine, parle encore aujourd’hui d’un sentiment de culpabilité à l’égard de son fils, qui était entré au lycée depuis un mois lorsque la police l’a enfermée dans un camp de travail et a fait une descente dans leur maison.

L’adolescent était tellement désemparé qu’il a sombré dans la dépression et a cessé d’aller à l’école pendant toute l’année où Mme Xia était derrière les barreaux. Il passait la plupart de ses journées dans sa chambre et évitait de voir qui que ce soit. Parfois, il vomissait sans raison apparente, selon Mme Xia, qui s’est réfugiée à New York en 2021. Son fils vit désormais au Canada.

Xia Deyun participe à un défilé du Falun Gong pour commémorer le 24e anniversaire de la persécution de la pratique spirituelle en Chine, dans le quartier chinois de New York, le 15 juillet 2023. (Samira Bouaou/Epoch Times)

La première fois qu’il l’a vue après sa libération, il l’a serrée contre lui sans dire un mot.

Dans cette étreinte, c’était comme s’il libérait beaucoup de choses qui avaient été refoulées, a déclaré Mme Xia.

Une assiette de boulettes

En 1999, Mme Liu était encore à l’école primaire, trop jeune pour comprendre tout ce qui se passait.

« Tout le monde pratiquait [le Falun Gong], que ce soit dans les parcs ou à l’école, tout allait bien. Pourquoi déclaraient-ils tout à coup que ce n’etait pas bon ? », se souvient-elle.

L’hiver dans sa ville natale de Tahe, un comté situé à l’extrême nord de la province la plus septentrionale de Chine, Heilongjiang, était d’un froid insoutenable. Cet hiver-là, elle et ses grands-parents ont préparé des boulettes de pâte à partir de rien et ont emporté des vêtements chauds pour rendre visite à sa mère emprisonnée, qui, comme Mme Feng, avait été arrêtée pour avoir adressé une pétition aux dirigeants chinois au sujet du Falun Gong. La police s’est moquée de la nourriture et a refusé catégoriquement de les laisser rencontrer Mme Meng. Ils n’ont pas non plus accepté de lui apporter quoi que ce soit.

Meng Zhaohong avec sa famille à Heilongjiang, en Chine, au début des années 1990. (Avec l’aimable autorisation de Doria Liu)

Il a fallu plus d’une décennie à la mère de Mme Liu pour révéler les sombres détails qu’elle avait gardés pour elle. Elle a appris que sa mère avait été nourrie deux fois par jour de soupe froide au chou chinois alors qu’elle était enfermée pendant deux mois dans une cellule dont la fenêtre était brisée.

Poursuivre le combat

Mme Liu a vécu en Chine sous le couvert de la persécution pendant 16 ans. Pendant cette période, elle et sa mère n’ont pas été ensemble plus de cinq ans au total. Plus de la moitié du temps, Mme Meng était en prison, et lorsqu’elle ne l’était pas, elle essayait souvent d’esquiver les poursuites incessantes des autorités.

Pendant sa détention, Mme Meng a été nourrie de force avec de l’eau saline concentrée, a été déshabillée et a été battue alors qu’elle était attachée à une chaise métallique ; son bourreau lui a cassé l’annulaire. En 2012, après quatre années de torture en prison, Mme Meng ne pesait plus que 77 livres et ne pouvait pas se lever du lit sans soutien. Son amie emprisonnée dans le même établissement n’a pas survécu.

Lorsque Mme Liu aidait sa mère à se laver, elle était peinée de voir les blessures et les cicatrices qui couvraient son corps.

« Je ne parviens pas à comprendre comment elle a pu survivre », a déclaré Mme Liu.

Des Falun Gong lors d’une reconstitution de la persécution des pratiquants en Chine, à Melbourne, en Australie, le 17 novembre 2006. (WILLIAM WEST/AFP via Getty Images)

Récemment, Mme Liu n’a pas pu dormir avant 3 heures du matin. Un sentiment d’impuissance l’envahit régulièrement, car elle vit toujours dans l’ombre des persécutions en cours, quelle que soit la distance qui la sépare des côtes chinoises. La semaine dernière, le 14 juillet, les autorités ont arrêté une autre Falun Gong qui avait trouvé un avocat pour sa mère détenue.

Mais Mme Liu promet de faire tout ce qu’elle peut depuis les États-Unis pour obtenir la liberté de sa mère et mettre fin aux abus.

En attendant, elle espère que sa mère « tiendra bon ».

Le petit gabarit de sa mère, 1,57 m, « a tellement résisté », dit-elle.

« Chaque jour, je m’inquiète de savoir si je pourrai lui parler à nouveau. »

Mme Liu continue d’utiliser sa voix et sa liberté aux États-Unis pour sensibiliser l’opinion publique au mal qui sévit en Chine, y compris le génocide perpétré contre les Falun Gong.

Elle explique que la dénonciation des abus ne concerne pas uniquement sa famille ou les pratiquants de sa foi ; aujourd’hui, la cible est les Falun Gong, mais demain, ce pourrait être quelqu’un d’autre.

« Il s’agit de lutter pour les droits de chacun », dit-elle. « La persécution n’est jamais très loin. »

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