Les professionnels de la petite enfance inquiets face au recrutement du personnel sans diplômes

Par Emmanuelle Bourdy
11 janvier 2023 02:18 Mis à jour: 11 janvier 2023 02:18

Entre le personnel manquant, le personnel peu ou pas diplômés et le manque de moyens pour former ce dernier, le secteur de la petite enfance connaît de grandes difficultés. Depuis 22 ans déjà, les établissements d’accueil du jeune enfant peuvent embaucher du personnel n’ayant aucune formation dans ce domaine, mais cette solution ne règle pas vraiment le problème.  

En raison de la pénurie dont souffre le secteur de la petite enfance, des arrêtés ont été pris pour que des personnes n’ayant pas de diplômes dans ce domaine puissent être embauchées malgré tout. Une enquête de la Caisse nationale des allocations familiales révèle que 50% des crèches manquent de personnel en France. Elles feraient face à une pénurie représentant entre 6,5% et 8,6% de leur effectif total, rapporte BFMTV.

Dans le meilleur des cas, ces personnes ont déjà un pied dans l’établissement

Un premier arrêté, relatif aux personnels des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, remonte au 26 décembre 2000. Il mentionnait qu’ « à titre exceptionnel, des dérogations aux conditions de diplôme ou d’expérience » pouvaient être accordées « en faveur d’autres personnes, en considération de leur formation ou de leur expérience auprès des enfants et du contexte local ».

Dans l’article 1 d’un autre arrêté, daté du 29 juillet 2022, figure la liste des personnes pouvant être recrutées sans diplômes, pour pallier cette pénurie. Parmi elle se trouvent les titulaires d’un baccalauréat professionnel accompagnement, soins et services à la personne, ou d’un CAP accompagnant éducatif petite enfance ainsi que d’un brevet d’animateur technicien de l’éducation populaire et de la jeunesse.

Plusieurs directeurs de la petite enfance ont donc eu recours à ce type de personnes non diplômée, sachant qu’elles ne doivent pas excéder 15% des effectifs, toujours selon l’arrêté. Ces dernières sont en général formées sur le terrain. Dans le meilleur des cas, ces personnes ont déjà un pied dans l’établissement et en connaissent son fonctionnement (stagiaire ou personne occupant un autre poste).

Et il faut former ces personnes n’ayant aucune connaissance du jeune enfant

Mais ce n’est pas ainsi pour chaque embauche. Ainsi que le souligne à nos confrères Sabrina Martel, ancienne directrice petite enfance et administratrice à la CAF de Seine-Saint-Denis, ces personnes n’ont souvent « strictement aucune culture de la petite enfance ». Opposée à cet arrêté, Sabrina Martel qui accompagne et forme les assistants de vie aux familles, a d’ailleurs lancé une pétition en demandant son retrait.

« Dans beaucoup de structures, c’est déjà compliqué » car « les équipes travaillent déjà en flux tendu », se désole également auprès de BFMTV Véronique Escames, co-secrétaire générale du Syndicat national des professionnels de la petite enfance. Elle craint que cette situation ne dégénère au détriment des enfants. « En plus, on nous demande de former des personnes qui n’ont aucune connaissance du jeune enfant, aucune base », ajoute-t-elle.

« On évite toute la journée des drames »

Certains directeurs de crèches se plaignent de ce personnel sous qualifié mais expliquent ne pas avoir d’autre choix que d’y avoir recours. Une directrice de crèche située en région Provence-Alpes-Côte d’Azur a quant à elle préféré quitter son poste. « On évite toute la journée des drames », a-t-elle assuré, confiant avoir « la trouille » qu’il se passe quelque chose de grave et citant plusieurs incidents qui auraient pu virer au drame.

De surcroît, l’arrêté demande aux établissements de mener, pour ces personnes non diplômées recrutées, « au moins une action de formation certifiante ou qualifiante dans le domaine de l’enfance ». Une mission « impossible » pour Sabrina Martel, étant donné qu’il n’y a pas de fonds pour les former, personne pour les remplacer, et qu’une formation coûte « plusieurs milliers d’euros ».

De son côté, le ministère des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, en charge du dossier, a souligné à BFMTV vouloir faire des métiers de la petite enfance « une priorité », en privilégiant la formation, la revalorisation salariale, l’organisation du travail, précisent nos confrères. Ils indiquent que « le ministre a ouvert la voie aux négociations salariales, l’État est prêt à répondre présent », notamment en dégageant pour ce secteur la somme 2 millions d’euros en 2023.

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