L’héritage de Jiang Zemin: promouvoir la croissance économique de la Chine «aux dépens» des autres nations

Par Emel Akan
4 décembre 2022 19:18 Mis à jour: 4 décembre 2022 19:18

Immédiatement après le décès de l’ancien dirigeant du Parti communiste chinois Jiang Zemin, de nombreux médias occidentaux ont commencé à louer ses efforts pour ouvrir l’économie chinoise au monde extérieur et faire de la Chine un « poids lourd économique mondial ».

Ils ont cité comme preuve de sa réussite la croissance économique rapide durant les dix ans de son mandat dans l’ère post-Tiananmen.

Toutefois, on parle peu de la façon dont la croissance fulgurante de la Chine s’est faite aux dépens des entreprises et des travailleurs occidentaux après son admission à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001.

Selon la Banque mondiale, l’économie chinoise a connu une croissance de plus de 1200% (en dollars américains d’aujourd’hui) depuis son adhésion à l’OMC, ce qui en fait la deuxième plus grande économie du monde, le plus grand exportateur et la première puissance industrielle.

Jiang Zemin, secrétaire général du Parti communiste de 1993 à 2003, s’est souvent vanté du rôle qu’il a joué dans l’adhésion du pays à l’OMC.

Cependant, la croissance des relations commerciales avec la Chine a été particulièrement dévastatrice pour les travailleurs américains. À partir de 2009-2010, la production manufacturière chinoise a dépassé celle des États-Unis, et l’écart s’est encore creusé depuis, entraînant la perte de millions d’emplois manufacturiers américains.

L’Economic Policy Institute (EPI), par exemple, a estimé que la croissance du déficit commercial des États-Unis avec la Chine a éliminé 3,7 millions d’emplois américains entre 2001 et 2018.

Même si certains considèrent Jiang Zemin comme un héros, « il n’était pas propice à l’Amérique ou au reste du monde libre », selon Clyde Prestowitz, un ancien conseiller présidentiel qui a dirigé la première mission commerciale américaine à Pékin en 1982.

Le dirigeant chinois Xi Jinping (à g.) et son prédécesseur Jiang Zemin lors la clôture du XIXe Congrès du Parti communiste au Grand Hall du peuple à Pékin, le 24 octobre 2017. (Wang Zhao/AFP via Getty Images)

Jiang Zemin « a négocié de main de maître pour faire entrer la Chine dans l’OMC et a utilisé l’OMC comme un élément disciplinaire pour revitaliser l’économie chinoise », explique Clyde Prestowitz à Epoch Times.

« Sa grande réussite a été d’utiliser le débat de l’OMC pour convaincre l’Occident que la Chine empruntait la voie du capitalisme et du libre-échange, alors qu’en réalité, il faisait de l’OMC un outil de la politique industrielle de l’État chinois. »

Bill Clinton, qui était président à l’époque, a négocié l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001. Il a déclaré aux Américains que cette manœuvre allait permettre au régime « d’importer une des valeurs les plus chères à la démocratie, la liberté économique », ce qui aurait « un impact profond sur les droits de l’homme et la liberté » en Chine.

Néanmoins, les relations chaleureuses avec le régime ont commencé avant même l’administration Clinton. Le président Richard Nixon a été le premier président américain en exercice à se rendre en Chine continentale en 1972. Les administrations successives ont encouragé les relations commerciales des États-Unis avec la Chine, dans l’espoir que la mondialisation entraînerait des réformes démocratiques dans le pays communiste.

Cependant, la Chine n’a pas respecté ses obligations en matière de commerce équitable au cours des vingt dernières années, et n’en a pas l’intention.

L’essor de la Chine « s’est fait aux dépens de la démocratie, de la sécurité et du bon sens occidentaux », selon Keith Krach, ancien sous-secrétaire d’État et président du Krach Institute for Tech Diplomacy.

« Nous avons trop souvent fermé les yeux et évité de parler directement de leur manque de transparence, de réciprocité et de normes environnementales ; de leurs violations des droits de l’homme et de leur recours à l’esclavage ; ainsi que de leurs innombrables violations des accords antérieurs et du droit international », explique-t-il à Epoch Times.

De nombreux observateurs s’accordent avec Keith Krach pour dire que Pékin n’est pas simplement coupable de violations involontaires des conditions d’adhésion. Il s’agit bien plus d’une volonté à tenir tête aux règles et des principes fondateurs de l’OMC dans sa façon même de concevoir le commerce et le travail.

Dîner d’État à la Maison Blanche l’honneur de Jiang Zeming, le 29 octobre 1997.  En partant de la droite: le dirigeant chinois Jiang Zemin, le Président américain Bill Clinton, la Première Dame Hillary Clinton et l’épouse de Jiang Zemin, Wang Yeping. (Luke Frazza/AFP via Getty Images)

Fausses promesses

L’année dernière, l’Information Technology and Innovation Foundation (ITIF) a publié un document intitulé False Promises II [Fausses promesses II], expliquant l’écart entre les engagements pris par la Chine au sein de l’OMC et ses pratiques au cours des vingt dernières années.

Par exemple, la Chine s’est engagée auprès des membres de l’OMC à ce que son gouvernement n’influence pas, directement ou indirectement, les décisions commerciales des entreprises d’État. Selon le rapport, cela n’a pas été le cas. Selon le droit national, toutes les entreprises d’État ou entreprises privées chinoises disposent d’une cellule du Parti communiste chinois qui exerce une influence sur leur gestion.

En outre, la croissance du secteur des entreprises d’État, tant en termes de marché que de nombre total d’entreprises, est un exemple clair de la violation par la Chine des règles de l’OMC, selon l’ITIF.

Parmi les autres violations des règles de l’OMC figurent les subventions gouvernementales massives et les exigences en matière de transfert de technologie et de coentreprises forcées.

« En raison de notre naïveté, nous avons cédé une propriété intellectuelle inestimable en autorisant l’accès à nos institutions de recherche les plus prisées. Nous leur avons également donné des procédés techniques sophistiqués pour certains de nos produits et technologies les plus précieux en construisant des usines ultramodernes en Chine », explique Keith Krach.

Au fil du temps, les États-Unis sont devenus dépendants de la Chine « en externalisant la fabrication, ce qui leur a permis de mettre à sac les petites et moyennes entreprises du Midwest industriel avec leurs armes de production de masse », ajoute-t-il.

Les entreprises chinoises ont ouvertement détourné la propriété intellectuelle de leurs concurrents étrangers, un comportement qui n’a fait que s’aggraver malgré l’indignation. Selon l’ITIF, la Chine se livre à des vols de propriété intellectuelle avec la complicité de l’État dans tous les secteurs, de la biotechnologie à l’aérospatiale en passant par les télécommunications.

En outre, le vol informatique, le travail forcé et de nombreuses autres politiques industrielles chinoises ont faussé les règles du jeu au détriment des entreprises américaines et européennes.

Réunion des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies le 7 septembre 2000 à New York. À partir de la droite: le premier ministre britannique Tony Blair, le président américain Bill Clinton, le dirigeant chinois Jiang Zemin, le président français Jacques Chirac et le président russe Vladimir Poutine. (Georges Gobet/AFP via Getty Images)

Deux poids, deux mesures

Alors que les sociétés chinoises rencontrent peu d’obstacles pour faire des affaires aux États-Unis et en Europe, les entreprises occidentales ne sont pas particulièrement bien accueillies en Chine en raison de la protection injuste et des faveurs financières dont bénéficient ses entreprises d’État.

En Chine, les entreprises nationales ont un meilleur accès aux capitaux et aux matières premières, selon les observateurs. Les traitements différents comprennent également des protections gouvernementales en cas de litiges, des prêts bancaires et des subventions. Par conséquent, les entreprises étrangères opérant en Chine sont confrontées à un désavantage concurrentiel.

« En plus de cela, nous leur avons permis d’accéder à nos marchés de capitaux à faible coût sans avoir à se conformer aux pratiques comptables standard ou à la possibilité d’être audités, ce qui a financé leur surveillance et leur renforcement militaire », selon Keith Krach.

Pendant plus d’une décennie, les entreprises chinoises ont profité des marchés de capitaux américains tout en opérant selon d’autres normes.

Pékin a refusé d’autoriser les inspections d’audit de ses sociétés cotées en bourse aux États-Unis, invoquant des lois relevant du secret d’État. Par conséquent, les entreprises chinoises n’ont pas suivi les mêmes exigences de divulgation que leurs homologues américaines, ce qui a créé un risque important pour les investisseurs.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement américain a pris des mesures pour renforcer la surveillance des sociétés chinoises cotées aux États-Unis.

Chine-Taïwan

Au cours de son mandat, Jiang Zemin a considérablement influencé les relations économiques et politiques de la Chine avec Taïwan, qui se poursuivent à ce jour.

Sur le plan économique, les échanges entre la Chine et Taïwan ont augmenté à un rythme sans précédent pendant son mandat.

« Initialement, lorsque l’économie chinoise s’est ouverte, les entreprises de Taïwan ont afflué avec des produits commerciaux moins chers », explique Rupert Hammond-Chambers, président du Conseil des affaires américano-taïwanais, pour Epoch Times. Au fur et à mesure que l’économie chinoise progressait, les produits à bas prix ont progressivement cédé la place à des produits technologiques plus sophistiqués en provenance de Chine, poursuit-il.

Selon Rupert Hammond-Chambers, cela faisait partie d’une stratégie visant à contrôler l’île autonome par le biais de l’interdépendance économique, et Jiang Zemin l’a développée de manière plus approfondie.

Sur le plan politique, la popularité de Lee Teng-hui, alors président de Taïwan, a chuté à Pékin pendant le premier mandat de Jiang Zemin.

Une crise a éclaté entre la Chine et Taïwan lorsque Lee Teng-hui s’est rendu aux États-Unis pour assister à une réunion à l’Université Cornell où il avait étudié. La décision d’accorder un visa américain à Lee Teng-hui a renversé plus de 25 ans de diplomatie américaine.

Cela a déclenché la crise des missiles qui a suivi en 1995 et 1996, note Rupert Hammond-Chambers.

« Une démonstration de la colère de la RPC [République populaire de Chine]. Les États-Unis ont envoyé plusieurs groupes de combat dans la région de Taïwan et l’armée chinoise a reculé. »

L’incident est considéré comme le point de départ de la modernisation de l’armée chinoise, un effort visant à garantir que l’Armée populaire de libération ne soit pas mise dans une position similaire à l’avenir.

Les relations entre la Chine et Taïwan n’ont pas vraiment changé au cours des 25 années qui ont suivi cet incident, selon Rupert Hammond-Chambers.

« C’est l’histoire de deux histoires : une convergence économique couplée à une recrudescence des tensions politiques et militaires concernant la souveraineté de Taïwan. La contradiction entre les deux situations reste vraie aujourd’hui. »

Cathy He, Rita Li et Michael Washburn ont contribué à cet article.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.