« L’ONU s’acharne sur Israël et ne fait presque rien contre la Chine » selon l’avocat international David Matas

Par David Vives et Ludovic Genin
25 octobre 2023 20:04 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

David Matas est un avocat international canadien spécialisé dans les droits de l’homme, co-auteur, en 2006, de la première  enquête sur les prélèvements forcés d’organes en Chine. Il intervient à travers le monde sur les questions de droits de l’homme, par exemple les persécutions touchant les Palestiniens à Gaza, les Tamouls au Sri Lanka ou encore les pratiquants de Falun Gong. De passage à Paris le 21 octobre 2023 pour la diffusion d’un documentaire sur la véritable source des organes transplantés en Chine, il a répondu à nos questions sur le conflit entre Israël et le Hamas et sur la question des droits de l’homme en général.

EPOCH TIMES : Un Haut Commissaire aux Nations Unies a déclaré disposer de preuves de crimes de guerre perpétré par le Hamas dans l’attaque commise le 7 octobre, mais aussi par Israël dans le blocus imposé sur la bande de Gaza. Une enquête devrait avoir lieu pour déterminer de possibles violations des lois internationales régissant les conflits armés. Qu’en pensez-vous ?

DAVID MATAS: Le problème n’est pas celui des Nations Unies en général, car les Nations Unies sont une grande variété d’institutions et de personnels. Le problème, c’est cette enquête en particulier. Son mandat et son personnel ne sont pas appropriés.

Les personnes qui en sont chargées ont l’habitude de condamner Israël de manière unilatérale et en portant des œillères. Ils ont déjà participé à des campagnes de délégitimation et de diabolisation, alors ce n’est tout simplement pas une enquête crédible.

En France, des députés de l’aile gauche continuent d’évoquer une occupation illégale par Israël de territoires supposés revenir aux Palestiniens. Un narratif qui semble justifier une base morale pour attaquer Israël et repris par les mouvements pro-Palestiniens. Que répondez-vous à ce type de discours ? 

La réponse claire est qu’il n’y a pas d’occupation. Le Hamas lui-même a déclaré qu’il n’y avait pas d’occupation. Les Israéliens avaient des troupes à Gaza avant 2005 et se sont retirés. Il se peut qu’ils y retournent pour poursuivre les terroristes qui ont tué les civils israéliens. Mais on ne peut pas parler d’occupation, s’il n’y a pas de forces d’occupation.

Ce type de récit en France me préoccupe vraiment. Des Israéliens innocents ont été attaqués, ils essaient de se protéger et de réagir. Il y a cette réaction pas seulement en France, mais aussi dans beaucoup d’endroits disant que « tout est de la faute d’Israël qui essaie de se maintenir en vie ».

Je pense que cela doit changer. Israël n’a pas besoin de changer, c’est le discours en France qui doit changer. Il faut cesser de parler d’occupation, tout comme les Nations Unies devraient cesser leur enquête prenant comme base que les deux parties sont fautives de manière égale, d’une façon ou d’une autre.

Il faut commencer à regarder la réalité en face : il y a des tueurs génocidaires qui veulent tuer des juifs simplement parce qu’ils sont juifs, et il faut les arrêter.

En ce qui concerne les lois internationales s’appliquant aux réfugiés, un domaine sur lequel vous travaillez depuis longtemps, quelle est votre analyse sur la situation des Palestiniens fuyant les opérations militaires ? Quelles sont leurs options ?

Tout d’abord, la Convention sur les réfugiés ne traite pas des Palestiniens. Il existe un régime distinct, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, qui s’occupe d’eux.

La loi sur les réfugiés stipule qu’il existe trois solutions durables pour les réfugiés. La réinstallation, l’intégration locale et le rapatriement. Le Hamas empêche la réinstallation et l’intégration locale. Le Canada a proposé une réinstallation aux réfugiés palestiniens et les Canadiens ont été menacés. Des politiciens ont été menacés de mort simplement parce qu’ils proposaient une solution pour les réfugiés.

Le Hamas maintient les Palestiniens en captivité afin de susciter des invectives contre Israël en utilisant une persécution qu’il provoque lui-même. Quand Israël dit : « Le Hamas est au nord, allez au sud », les Palestiniens se rendent dans le sud et le Hamas les accompagne.

L’Égypte a également rencontré des problèmes similaires avec les Frères musulmans, qui sont liés au Hamas. L’Égypte craint que le Hamas ne fasse en Égypte ce qu’il fait aujourd’hui à Gaza. Ils entreront avec les réfugiés en se déguisant en Palestiniens, et utiliseront les Palestiniens comme boucliers humains.

La seule solution, la seule véritable solution, est d’éradiquer complètement le Hamas.

En ce qui concerne les prélèvements d’organes, la première version de votre rapport d’enquête a été publiée, il y a maintenant 17 ans. Depuis, vous avez passé beaucoup de temps à parler de ces questions dans le monde entier. Pouvez-vous nous dire pourquoi est-ce si important pour vous ?

En ce qui me concerne, la nécessité de lutter contre toutes les violations des droits de l’homme est importante pour moi. Je consacre beaucoup de temps au Falun Gong, mais aussi aux Tamouls au Sri Lanka, aux Tigréens en Éthiopie, aux Érythréens et aux Cubains qui ont fui leur gouvernement, ainsi qu’aux Ukrainiens attaqués par les Russes.

Je m’occupe des violations des droits de l’homme, un cas après l’autre. C’est important pour moi, en partie parce que je suis juif et que, même si ni moi ni ma famille n’avons été touchés personnellement par l’Holocauste, je me rends compte que si les nazis avaient gagné la Seconde Guerre mondiale, ni moi ni aucune personne juive ne serions en vie aujourd’hui. Des gens aujourd’hui sont toujours tués de manière insensée à cause d’une haine irrationnelle, c’est ce que je constate avec le Falun Gong et avec toutes les autres victimes.

J’ai essayé de tirer les leçons que j’ai pu de l’Holocauste. L’une d’entre elles est à quel point il est nécessaire pour les gens du monde entier, de s’élever contre les violations des droits de l’homme, où qu’elles se produisent. Afin qu’elles cessent.

Je suis avocat, chercheur et écrivain. En ce qui concerne le Falun Gong et sa persécution en Chine, je constate que cela demande énormément de recherches pour en cerner les contours. C’est une persécution qui ne saute pas aux yeux.

Vous savez, pour certaines persécutions, il suffit de voir une photo de victimes, des photos de cadavres empilés et cela devient évident. Mais avec le Falun Gong, les corps sont incinérés, les victimes ne survivent pas, les témoins sont tous complices du crime, les archives ne sont pas disponibles. Il faut faire beaucoup de recherches pour aller au fond des choses.

J’ai senti que c’était une tâche qu’il m’était possible d’accomplir.

La remarque d’un expert ayant travaillé sur ce dossier est qu’un génocide froid est actuellement en cours en Chine. Partagez-vous cet avis ?

C’est une persécution déguisée, et même aujourd’hui, les gens n’en parlent pas.

Il y a actuellement un narratif dicté par le Parti communiste pour contrer la réalité des faits. Les gens ne connaissent pas nécessairement la Chine, le communisme, et ils ne connaissent pas le Falun Gong. Vous savez, j’ai parlé à des gens qui me disaient qu’ils n’étaient pas convaincus, mais après toutes les recherches publiées maintenant sur le sujet, ils commencent à comprendre.

On m’a dit : « Il m’a fallu un an pour tout parcourir, maintenant je sais ». La plupart des gens ne peuvent pas se consacrer à des recherches pendant une année simplement pour arriver à cette conclusion. C’est un problème quand il s’agit de faire connaître les faits. Ce n’est pas insurmontable, je pense qu’il y a des progrès, mais ils sont très lents.

Vous parliez de l’ONU et d’Israël, le fait que l’ONU se ligue contre Israël. Alors que la Chine est tout à fait à l’opposé, ils traitent la Chine avec des pincettes. Israël, de mon point de vue, ne fait rien de mal, alors que la Chine fait tout ce qu’il ne faut pas faire.

Pourtant, l’ONU s’acharne sur Israël et ne fait presque rien contre la Chine. L’ONU elle-même est dysfonctionnelle.

Vous pouvez changer cela en changeant l’esprit des gens, un par un, Les informations se s’accumulent et, avec un peu de chance, les gens finissent par se rendre compte de la vérité.

En France, deux députés ont tenté de proposer un projet de loi au parlement afin de reconnaître les prélèvements illégaux d’organes, mais leurs tentatives n’ont pas abouti. De l’autre côté, nous voyons qu’il y a d’autres initiatives, comme le “China Tribunal” au Royaume-Uni.

Pensez-vous qu’il y ait un élan de la part des personnes de la haute société, qui pourrait conduire à plus de sensibilisation au parlement, avec des législateurs qui pourraient voter une loi définitive rendant illégal les prélèvements d’organes forcés en Chine.

Bien sûr, cela aidera.

Mais je ne pense pas que les choses se fassent d’elles-mêmes. Je pense qu’il faut plaider, informer, persuader, contacter, rencontrer. Il faut continuer à faire circuler l’information.

Vous avez dit que l’un des principaux problèmes est qu’il est difficile de croire aux prélèvements forcés d’organes en Chine, même aujourd’hui. Avez-vous vu un espoir venant d’enquêtes ou d’investigations de la part de gouvernements dans le monde ? Ou y a-t-il une réaction homogène dans tous les pays d’Europe ?

Eh bien, je dirais qu’Israël ont été très bons dans ce domaine. Ils ont promulgué une loi qui commence à s’appliquer concernant la réglementation du tourisme de transplantation en Chine. Un certain nombre de médecins israéliens ont fait des recherches de bonne qualité dans ce domaine.

Taïwan a aussi été très utile, car elle sait mieux que quiconque ce qu’il se passe en Chine. Ils nous ont beaucoup aidés. Il y avait autrefois beaucoup de trafic d’organes entre Taïwan et la Chine, mais ils ont fait beaucoup pour y mettre fin. Ils ont mis en place des bons systèmes de surveillance.

Il existe aussi désormais un traité du Conseil de l’Europe, qui n’existait pas auparavant. Ainsi, 20 pays disposent d’une législation contre le tourisme de transplantation en Chine ou d’une législation extraterritoriale. Le Canada a fait de même.

Il y a donc un mouvement, il y a une certaine prise de conscience, la situation n’est pas totalement figée comme c’était le cas lorsque nous avons commencé. Pourtant, les choses évoluent très lentement, mais ce n’est pas parce que les choses ont évolué lentement au cours des 17 dernières années qu’elles évolueront lentement au cours des 17 prochaines années.

Je veux dire qu’à terme, il y aura suffisamment de personnes, de sensibilisation et d’activités pour que les choses s’accumulent au point de s’accélérer.

Que vous disent les gouvernements et les différentes administrations lorsque vous leur parlez ? 

Il n’y a pas qu’une seule réponse. Les différents gouvernements vous disent des choses différentes. Il est évident que lorsque vous avez affaire à un responsable des affaires chinoises au sein du ministère des Affaires étrangères d’un gouvernement, il connaît bien la situation.

Pour certains d’entre eux, c’est, bien sûr, un problème qui concerne la diplomatie. Certains diplomates deviennent captifs intellectuellement des gouvernements avec lesquels ils travaillent. Quelqu’un qui est en Chine depuis 5 à 10 ans en tant que diplomate, a tendance à développer des opinions favorables à la Chine, cela arrive mais pas toujours.

Et ces gouvernements n’agissent pas seuls lorsqu’ils ont affaire à la Chine. Il y a des réunions, des consultations, des consensus, des procédures, une hiérarchie. Je ne peux pas les rencontrer et leur dire: « Je veux que vous fassiez ceci » et ils répondront: « Oui, nous allons le faire », parce qu’ils doivent parler à d’autres personnes. Il s’agit alors simplement de faire passer les bonnes informations pour qu’elles contribuent à faire avancer les choses.

Le défi le plus difficile à relever est de faire passer l’information à des niveaux plus élevés, mais cela ne viendra pas nécessairement du gouvernement, car dans les démocraties, cela peut venir aussi des électeurs. S’il y a suffisamment de gens qui veulent quelque chose dont leur vote va dépendre, alors le gouvernement va bouger.

Propos recueillis par David Vives

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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