L’ONU veut contrôler la liberté d’expression en ligne

L'ONU intensifie sa guerre contre les «théories du complot» et la «désinformation» en créant un «internet de confiance».

Par Alex Newman
2 décembre 2023 06:39 Mis à jour: 2 décembre 2023 06:39

L’UNESCO a révélé vouloir réglementer les réseaux sociaux et les échanges en ligne, et réprimer tout contenu relevant des « fausses informations » et des « théories du complot », au grand dam des défenseurs de la liberté d’expression et des élus.

Dans son rapport de 59 pages publié ce mois-ci, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la culture et la science (UNESCO) a présenté une série de « mesures concrètes qui doivent être mises en œuvre par toutes les parties prenantes : les gouvernements, les autorités de régulation, la société civile et les plateformes elles-mêmes ».

Cette approche prévoit l’imposition de politiques mondiales, par l’intermédiaire d’institutions telles que les gouvernements et les entreprises, conçues pour arrêter la propagation de diverses formes d’expression tout en promouvant des objectifs de « diversité culturelle » et d’« égalité des sexes ».

L’agence des Nations unies vise notamment à créer un « Internet de confiance » en ciblant ce qu’elle appelle la « mésinformation », la « désinformation », les « discours de haine » et les « théories du complot ».

Parmi les exemples d’expressions signalées figurent les préoccupations relatives aux élections, les mesures de santé publique et les « incitations à la discrimination ».

Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, témoigne à distance lors d’une audition de la commission judiciaire du Sénat sur « la censure, la suppression et les élections de 2020 », à Washington le 17 novembre 2020. (Bill Clark-Pool/Getty Images)

Selon les opposants à de telles mesures, les allégations de « désinformation » et de « théories du complot » sont un prétexte de plus en plus souvent utilisé par des forces puissantes au sein des gouvernements et des grandes entreprises.

Ce mois-ci, la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis a publié un rapport dans lequel elle dénonce les allégations de désinformation.

La commission a constaté que cette « pseudo-science » a été « militarisée » par ce que les législateurs appellent le « complexe industriel de la censure », l »objectif étant de réduire la liberté d’expression, principalement quand celle-ci concerne les conservateurs.

« La pseudo-science de la désinformation est aujourd’hui – et a toujours été – rien de plus qu’une ruse politique dirigée le plus souvent contre des communautés et des individus dont les opinions sont contraires aux récits dominants », indique le rapport du Congrès, « L’armement des pseudo-experts et des bureaucrates de la ‘désinformation' »

De façon intéressante, nombreuses de ces politiques que préconise l’UNESCO sont déjà en place sur les plateformes américaines, souvent à la suite de requêtes émanant de l’administration Biden, comme le montre clairement le dernier rapport du Congrès.

Le directeur adjoint de l’UNESCO Xing Qu (2e à droite) regarde des manuscrits anciens le 31 mars 2021. (MICHELE CATTANI/AFP via Getty Images)

Au Capitole, des législateurs ont fait part de leur inquiétude.

« J’ai critiqué publiquement et à plusieurs reprises la décision malavisée de l’administration Biden de rejoindre l’UNESCO, qui coûte aux contribuables américains des centaines de millions de dollars », a déclaré Michael McCaul (Parti républicain – Texas), président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, à Epoch Times, à propos du projet.

Qualifiant l’UNESCO d’« entité profondément défectueuse », M. McCaul s’est dit particulièrement préoccupé par le fait que l’organisation « promeut les intérêts de régimes autoritaires, dont le Parti communiste chinois ».

En effet, l’UNESCO, comme beaucoup d’autres agences de l’ONU, compte de nombreux membres du Parti communiste chinois (PCC) dans ses rangs, notamment son directeur général adjoint Xing Qu, comme l’a rappelé Epoch Times dans son édition en anglais.

À de nombreuses reprises, le PCC a clairement indiqué que, même lorsqu’ils travaillent dans des organisations internationales, ses membres sont appelés à se conformer aux ordres émanant du Parti.

Un certain nombre d’élus américains cherchent à réduire le financement de diverses agences de l’ONU qui, selon eux, utilisent l’argent des contribuables de manière inappropriée.

Le gouvernement américain a quitté l’UNESCO à deux reprises – sous les administrations Reagan et Trump – reprochant à  l’agence son extrémisme, et son hostilité face aux valeurs américaines.

L’administration Biden a réintégré le groupe plus tôt dans l’année, malgré les objections des élus.

Vue aérienne d’une sculpture au siège de l’UNESCO à Paris, le 25 juillet 2023. Joe Biden a réintégré les États-Unis à l’UNESCO après que le président Donald Trump ait quitté l’agence en 2018. (BERTRAND GUAY/AFP via Getty Images)

Le plan de l’UNESCO

Présenté comme un plan de défense de la liberté d’expression, le nouveau projet de l’UNESCO appelle à une censure internationale par des régulateurs « indépendants », « à l’abri des intérêts politiques et économiques ».

« Les systèmes de gouvernance nationaux, régionaux et mondiaux devraient être en mesure de coopérer et de partager leurs pratiques », explique le rapport.

Lors d’un récent examen de la situation aux États-Unis, un comité des droits de l’homme de l’ONU a suggéré que la Constitution américaine soit modifiée et que le gouvernement fasse davantage pour arrêter et punir les « discours de haine ».

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Parti démocrate – Californie), avec des membres de l’Asian Pacific American Caucus, à Washington, le 18 mai 2021. (Kevin Dietsch/Getty Images)

Le rapport de l’UNESCO indique qu’une fois qu’un contenu qui doit être restreint est trouvé, les plateformes de réseaux sociaux doivent prendre des mesures qui vont de la suppression par algorithme (shadow banning) et de l’avertissement aux utilisateurs sur le contenu, jusqu’à sa démonétisation, ou sa suppression.

Toute plateforme numérique dont il s’avère qu’elle ne « traite pas les contenus en question » devrait « être tenue pour responsable » et faire l’objet de « mesures coercitives », indique le rapport.

La directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, l’ancienne ministre de la culture sous le gouvernement socialiste de François Hollande, a tenté de justifier la mise en place d’un plan international.

La Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, prononce un discours au siège de l’UNESCO à Paris, le 8 novembre 2023. (GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images)

« La technologie numérique a permis d’immenses progrès en matière de liberté d’expression », a-t-elle déclaré dans un communiqué. « Mais les plateformes de réseaux sociaux ont également accéléré et amplifié la diffusion de fausses informations et de discours de haine, posant des risques majeurs à la cohésion sociétale, la paix et la stabilité. »

« Pour protéger l’accès à l’information, nous devons réglementer ces plateformes sans délai, tout en protégeant la liberté d’expression et les droits de l’homme », a souligné Mme Azoulay, qui a succédé à Irina Bokova, dirigeante de longue date du Parti communiste bulgare, à la tête de l’agence.

Dans l’avant-propos du nouveau rapport, intitulé « Lignes directrices pour la gouvernance des plateformes numériques », Mme Azoulay estime qu’il n’est « pas contradictoire » de mettre fin à certaines formes d’expression pour préserver la « liberté d’expression ».

Mettre fin à certaines formes d’expression pour préserver la ‘liberté d’expression’ n’est ‘pas une contradiction’.
— Audrey Azoulay, Directrice générale de l'UNESCO

Citant une enquête qu’elle a elle-même commanditée, l’UNESCO a affirmé que la plupart des gens sur la planète soutiennent leur programme.

Selon eux, le rapport et les lignes directrices de leur projet ont été élaborés grâce à un processus de consultation comprenant plus de 1500 soumissions et plus de 10.000 commentaires de « parties prenantes » telles que les gouvernements, les entreprises et les organisations à but non lucratif.

L’UNESCO a fait savoir qu’elle collaborerait avec les gouvernements et les entreprises pour mettre ce système en place dans le monde entier.

« L’UNESCO ne propose pas de réglementer les plateformes numériques », a indiqué un porte-parole, qui a demandé à ne pas être nommé, dans une message à Epoch Times.

« Nous sommes toutefois conscients que des dizaines de gouvernements dans le monde sont déjà en train d’élaborer des législations en ce sens, dont certaines ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme et pourraient même mettre en péril la liberté d’expression », a déclaré le président de la Commission européenne.

« De même, les plateformes elles-mêmes prennent déjà des millions de décisions quotidiennes, tant humaines qu’automatisées, quant à la modération et à la curation des contenus, selon leurs propres politiques », a précisé le porte-parole.

L’administration Biden a rapporté qu’elle ne participait pas à l’élaboration de ce plan.

« Nous réserverons nos commentaires jusqu’à ce que nous ayons fini d’étudier attentivement le plan », a affirmé le département d’État américain dans un courriel.

Les atteintes à la liberté d’expression suscitent de plus en plus d’inquiétudes

Sarah McLaughlin, chercheuse à la Fondation pour les droits individuels et l’expression (FIRE : Individual Rights and Expression), a fait part de son inquiétude.

« FIRE reconnaît que le nouveau plan d’action de l’UNESCO pour les réseaux sociaux prend en compte la valeur de la transparence et la nécessité de protéger la liberté d’expression, mais nous restons profondément préoccupé par ses efforts pour réglementer la ‘désinformation’ et le ‘discours de haine’ en ligne », a indiqué Mme McLaughlin à Epoch Times.

Des personnes participent à un rassemblement « Exigeons la liberté d’expression » sur la Freedom Plaza à Washington, le 6 juillet 2019. Les manifestants demandent la fin de la censure par les entreprises de réseaux sociaux. (Stephanie Keith/Getty Images)

« Comme nous l’avons vu ces dernières semaines, l’application de la loi européenne sur les services numériques, par exemple, a créé encore plus d’incertitude quant aux politiques de modération de contenu des plateformes et à la capacité des utilisateurs à s’exprimer librement en ligne », a-t-elle déclaré. « Les restrictions et les normes juridiques locales peuvent en fin de compte influencer le fonctionnement des plateformes à l’échelle mondiale. »

« Alors que plusieurs pays accentuent les contraintes en termes de liberté d’expression sur Internet, les utilisateurs se trouvent de plus en plus visés ».

En effet, dans toute l’Europe, les règles relatives au « discours de haine » sont utilisées non seulement pour faire taire les gens sur des questions telles que le mariage, l’immigration, la sexualité et la religion, mais aussi pour les poursuivre en justice.

Ce mois-ci, le Dr Päivi Räsänen, membre du Parlement finlandais et ancien ministre de l’intérieur, a finalement gagné son procès après des années de poursuites pour « incitation à la haine » suite à son discours en ligne qui soutenait la compréhension biblique de l’homosexualité et du mariage.

En Pologne, plusieurs membres du Parlement européen sont accusés de « discours de haine » pour avoir diffusé des spots politiques contre l’immigration musulmane en Europe.

Ce qui est encore plus troublant c’est que le concept de « discours de haine » a été introduit dans le système des Nations unies par l’Union soviétique, qui qualifiait régulièrement les discours anticommunistes de « discours de haine », selon Jacob Mchangama, dans un document de 2011 pour la Hoover Institution de l’université de Stanford.

Patrick Wood, fondateur et président de Citizens for Free Speech. (citizensforfreespeech.org)

Patrick Wood, fondateur et président de Citizens for Free Speech, souligne que le plan de l’UNESCO sera utilisé pour réduire au silence ceux qui critiquent son programme.

« Lorsque l’UNESCO fait des déclarations du type ‘le résultat de vastes consultations mondiales et d’une enquête d’opinion globale’, vous avez déjà tout compris », a déclaré M. Wood à Epoch Times.

« Dans ce cas, un déluge de programmes mondiaux sera mis en place pour censurer les propos jugés contraires à son agenda. »

Ces inquiétudes ne sont pas nouvelles, et se sont même accentuées ces dernières années, d’autant plus qu’un grand nombre d’États membres de cette agence sont connus pour être autoritaires avec leur propre population.

L’agence a également dévoilé un plan de lutte contre ce qu’elle a décrit comme des « théories du complot » et de la « désinformation ».

Selon l’organisation, les « théories du complot » peuvent « réduire la confiance dans les institutions publiques » et causer des problèmes, tels que la diminution du désir des gens de « réduire leur empreinte carbone ».

Des personnes manifestent contre les restrictions liées au coronavirus et la politique gouvernementale à Berlin, en Allemagne, le 29 août 2020. (Sean Gallup/Getty Images)

Les exemples de « théories du complot » concernent le « déni du changement climatique », la « manipulation des élections », mais également des notions plus farfelues et marginales telles que « la terre est plate » ou « Michelle Obama est en fait un lézard ».

L’année dernière, la sous-secrétaire générale de l’ONU, Melissa Fleming, s’est exprimée lors d’un événement organisé par le Forum économique mondial et s’est vantée du « partenariat » signé avec Google.

Dans un podcast du Forum économique mondial d’octobre 2020 intitulé « Chercher un remède à l’infodémie », Mme Fleming s’est vantée d’avoir enrôlé plus de 100.000 volontaires pour amplifier les points de vue de l’ONU tout en étouffant les récits concurrents qu’elle qualifie de « désinformation ».

Cette révélation fait suite à des années d’efforts déployés par les Nations unies et les gouvernements pour mettre fin à « l’extrémisme » ou à la « désinformation » sur Internet.

En 2016, le Conseil de sécurité des Nations unies a lancé un « projet » pour lutter contre « l’extrémisme » en ligne, pour combattre les « idéologies » susceptibles de conduire à la violence. Le communisme ne faisait pourtant pas partie des idéologies visées.

L’UNESCO défend le plan

Le porte-parole de l’UNESCO a défendu le nouveau plan, le présentant davantage comme un effort déployé pour protéger la liberté d’expression et non pour la limiter.

Le siège de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris, le 12 octobre 2017. L’agence a récemment révélé un plan visant à réglementer les réseaux sociaux et les communications en ligne. (JACQUES DEMARTHON/AFP via Getty Images)

« La protection de la liberté d’expression est au cœur de toutes les initiatives de l’UNESCO visant à promouvoir les meilleures pratiques en matière de communication, et ce principe sous-tend notre approche », a déclaré le porte-parole.

La déclaration fait également référence au respect de la « procédure légale régulière » à suivre en matière de « discours d’incitation à la haine ».

« Il est clairement indiqué que les lignes directrices doivent être considérées dans leur intégralité, plutôt que d’être choisies et sélectionnées », selon le porte-parole de l’UNESCO, qui précise que les lignes directrices permettront en fait de « développer » la liberté d’expression.

L’organisation n’a pas fourni de calendrier de mise en œuvre, mais d’autres réunions sont prévues avant le sommet des Nations unies de septembre 2024 à New York.

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