Malheur à l’humanité : l’IA en tant que composante de l’anti-humanisme

Par Joel Kotkin, RealClearInvestigations et Samuel J. Abrams
28 juillet 2023 19:31 Mis à jour: 28 juillet 2023 19:31

L’avenir de l’humanité devient de moins en moins humain. Les capacités stupéfiantes de ChatGPT et d’autres formes d’intelligence artificielle font peur et semblent sonner l’avènement possible d’une ère des machines qui laisserait peu de place à la créativité ou à l’emploi des humains. Même les concepteurs de ce meilleur des mondes tirent la sonnette d’alarme. Sam Altman, président-directeur général d’OpenAI, qui a développé ChatGPT, a récemment mis en garde contre le « risque existentiel » que représente l’intelligence artificielle pour l’humanité et a averti le Congrès que l’intelligence artificielle « peut très mal tourner ».

L’histoire est jalonnée de prédictions apocalyptiques, mais celles-ci sont différentes car elles s’inscrivent dans un contexte culturel qui suggère que les êtres humains ont perdu la foi en eux-mêmes et leurs liens avec l’humanité en général.

Cette nouvelle vision du monde est une sorte d’anti-humanisme qui tourne le dos à l’idée que les êtres humains puissent être des créatures inventives, socialement connectées et capables de créations merveilleuses – les écritures religieuses, les pièces de Shakespeare, la musique de Beethoven, la science d’Einstein. Au contraire, elle considère les gens, la société et la vie humaine elle-même comme un problème. Au lieu de considérer la société comme un outil permettant aux individus de se construire et de s’épanouir, elle insiste sur la nécessité de limiter les dégâts que l’humanité pourrait causer au monde.

De nombreux militants du changement climatique, par exemple, estiment que l’extinction de l’humanité pourrait être un avantage net pour la planète Terre. L’euthanasie autorisée par l’État, qui était considérée il y a quelques années encore comme une atteinte radicale au caractère sacré de la vie, devient une pratique courante dans de nombreux pays occidentaux, accessible non seulement aux malades en phase terminale, mais aussi à ceux qui en ont tout simplement assez de vivre.

Tout cela se produit alors que les recherches en sciences sociales révèlent que les gens se coupent de plus en plus les uns des autres. Les piliers traditionnels de la communauté et du contact – la famille, les amis, les enfants, l’église, le voisinage – se sont affaiblis, favorisant une existence quotidienne définie par la solitude pour de nombreuses personnes. La notion que les êtres humains sont au cœur d’un projet collectif plus vaste, avec un objectif commun, a été remplacée par une forme d’individualisme solipsiste, qui nie les valeurs libérales classiques que sont l’autodétermination et les libertés individuelles, dans une vision du monde qui réduit à néant les sociétés que celles-ci ont bâties.

Ces tendances, qui ont été étudiées en grande partie de manière isolée, pourraient être amplifiées par la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Alors que l’humanité est aux prises avec de nouvelles technologies puissantes, de plus en plus de recherches semblent indiquer que les êtres humains n’ont peut-être pas envie de construire un monde qui prenne compte de leur propre héritage.

Dieu comme Gaïa

L’antihumanisme a une longue histoire, qui remonte au moins à Thomas Malthus, qui a averti en 1789 que la surpopulation était la plus grande menace pour la prospérité de l’humanité. Bien que l’économiste et religieux britannique n’ait pas été hostile à l’humanité et que ses sombres prédictions ne se soient jamais réalisées, son affirmation selon laquelle le genre humain est un problème a servi de cri de cœur au mouvement écologiste moderne. En 1968, le biologiste Paul Ehrlich a publié un best-seller intitulé « La bombe démographique », dans lequel il exprimait son horreur face à la prolifération des êtres humains et prophétisait que l’augmentation continue de la population conduirait à une famine de masse. Ehrlich et ses acolytes préconisaient des mesures extrêmes pour éviter le désastre, notamment l’ajout de stérilisants dans l’approvisionnement en eau pour empêcher la reproduction humaine.

Ces points de vue n’ont pas disparu. Le rapport du Club de Rome, financé par les plus grandes entreprises et publié en 1972, proposait un véritable programme d’austérité et de réduction des dépenses, avec pour but d’éviter la famine et le chaos à l’échelle planétaire, à moins que la population se soit contrôlée. L’humanité a toujours cherché à garantir sa sécurité et son confort, en s’engageant notamment sur la voie du progrès et de la prospérité, mais désormais une telle aspiration est vue comme une menace mortelle.

D’autres ont défendus des idéologies anti-humaines de manière moins politique. En 1991, l’océanographe Jacques Cousteau déclarait que « pour stabiliser les populations mondiales, nous devrions éliminer 350.000 personnes par jour ». Aujourd’hui, c’est une mentalité qui imprègne de nombreux militants du changement climatique qui, comme l’a fait remarquer l’écrivain Austin Williams, pensent que les êtres humains sont « le plus gros problème de la planète », et en aucun les « créateurs d’un avenir meilleur ». Plus de 11.000 scientifiques ont signé une déclaration d’urgence en 2019 indiquant que la réduction de la population devrait devenir une priorité.

Dans un article paru en mai dans le New Yorker sur le livre de Peter Frankopan, professeur à l’université d’Oxford, intitulé « The Earth Transformed », Jill Lepore, professeur à Harvard, note : « Dans sa conclusion pas du tout réjouissante, qui envisage un avenir peut-être pas si lointain dans lequel les humains ne parviendraient pas à lutter contre le changement climatique et en viendraient à disparaître, Frankopan écrit : ‘Notre perte sera un bienfait pour les autres animaux et les autres plantes' ». Et Jill Lepore d’ajouter : « Voici un côté positif ! ».

Les manifestes tels que celui de Frankopan sont emblématiques de la vision apocalyptique des défenseurs du climat, qui considèrent que le genre humain est hautement toxique. Plus de la moitié des jeunes du monde entier pensent déjà que la planète va mourir. Bien que peu de gens considèrent le climat comme leur principale préoccupation, les inquiétudes qui s’y rapportent sont sous-tendues par une vision anti-humaine du monde qui veut appauvrir une grande partie de la population. De nombreuses entreprises, ainsi que leurs alliés parmi les militants écologistes, ont adopté la notion de « décroissance », une forme étrange de féodalisme autarcique dans lequel les gens vivent dans des endroits exigus, se nourrissent chichement et renoncent à toute possibilité d’ascension sociale. Le mouvement des « mini-maisons » en est un exemple. On ne saurait trop insister sur le fait qu’il s’agit là d’une rupture radicale avec les croyances de longue date qui lient le progrès à l’augmentation du niveau de vie, et à la création d’une descendance.

Une telle approche semble exiger un engagement quasi-religieux qui, s’il ne se réclame pas de Dieu, agit comme le bras droit de Gaïa et d’une science soi-disant sanctifiée. Deux écologistes, écrivant dans le magazine Time en avril dernier, ont soutenu que la Journée de la Terre devrait être désignée comme une « fête religieuse » au même titre que Pâques ou la Pâque juive.

La famille en déclin

Contrairement aux fêtes religieuses traditionnelles, les festivités sacralisées de la Journée de la Terre ne célébreront probablement pas la famille ou la natalité. Partout dans le monde, les liens entre les parents, les enfants et la famille élargie s’affaiblissent manifestement, sapant ainsi les liens qui unissent les sociétés humaines depuis les temps les plus reculés.

De plus en plus, l’idée même de famille est attaquée, en particulier par les universités et les médias qui critiquent ouvertement la monogamie et la famille nucléaire tout en vantant un large éventail d’alternatives, y compris le polyamour et une certaine forme d’éducation collective des enfants. Un chroniqueur du New York Times, qui craignait la semaine dernière que « les êtres humains soient bientôt éclipsés » par l’IA, a également expliqué dans une autre publication en 2020 que « la famille nucléaire était une erreur ». Cette personne, qui n’est pourtant pas un fanatique de l’égalité des sexes, s’est curieusement fait l’écho du groupe Black Lives Matter, qui a fait de l’opposition à la famille nucléaire un élément central de sa plate-forme initiale, alors même que l’éclatement de la famille frappe surtout les jeunes Afro-Américains. Une éminente féministe préconise la « maternité de substitution intégrale » afin de remplacer la famille traditionnelle.

Certes, de nombreux enfants sont élevés sans leurs deux parents. Le nombre d’enfants vivant dans des foyers monoparentaux a plus que doublé au cours des 50 dernières années. Aux États-Unis, le taux de monoparentalité est passé de 10 % en 1960 à plus de 40 % aujourd’hui.

Alors qu’autre fois, les pays occidentaux étaient des nations constituées de familles, elles sont devenues de simples groupes d’êtres humains autonomes et des ménages sans enfants. Comme l’ont fait remarqué certains chercheurs, dont Richard Reeves, l’affaiblissement de la famille se fait le plus sentir chez les personnes les plus pauvres, et en particulier chez leur enfants. « Parmi tous les faits sociologiques les mieux documentés, c’est probablement celui que personne ne veut voir », a fait remarquer la démographe Mary Eberstadt.

Les liens entre les dysfonctionnements familiaux et la criminalité sont clairs depuis au moins les années 1970. Cette rupture s’est aggravée car les dirigeants de beaucoup de grandes villes occidentales font désormais preuve d’une grande tolérance à l’égard des sans-abri, des marchés de la drogue et de la petite délinquance. Et c’est un autre aspect de l’antihumanisme : rejeter l’idée que les gens sont capables d’avoir une vie productive et épanouissante. Au lieu de considérer les gens comme des membres d’une communauté ayant des obligations les uns envers les autres, on encourage une sorte d’individualisme qui conduit à l’isolement, au désespoir et à la colère.

Les gens n’ont pas d’amis

Le déclin de la famille n’est qu’un aspect d’un ordre social de plus en plus déshumanisé. Aux États-Unis, il a été constaté que 28 % des ménages ne comptaient qu’une seule personne en 2020. En 1940, ce chiffre n’était que de 8 %. Dans une enquête récente menée les chercheurs ont constaté que près de 80 % des adultes âgés de 18 à 24 ans déclaraient se sentir seuls. En 2018, avant même le début de la pandémie de COVID-19, une étude a montré que 54 % des gens avaient l’impression que personne dans leur vie ne les connaissait bien. L’atomisation de la société, étudiée pour la première fois il y a 20 ans par Robert Putnam dans des ouvrages tels que « Bowling Alone », s’est tout simplement « accélérée dans la mauvaise direction », selon la journaliste Jennifer Senior.

Alors que la pandémie s’achevait au printemps 2022 et que beaucoup cherchaient à reprendre une vie aussi normale que possible, une enquête a révélé que de nombreuses personnes trouvaient qu’il était désormais plus difficile de nouer des relations avec les autres et qu’un quart des adultes se sentaient anxieux à l’idée d’avoir des relations sociales. La principale source d’anxiété, partagée par 29 % des personnes interrogées, était de « ne pas savoir quoi dire ou comment interagir ». Comme le fait remarquer le commentateur social Arthur Brooks, « beaucoup d’entre nous ont tout simplement oublié comment être amis ».

Mais ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la vague de solitude. Les chiffres indiquent que les jeunes sont beaucoup plus seuls et isolés que leurs aînés. Par exemple, 44 % des personnes âgées de 18 à 29 ans déclarent se sentir complètement seules au moins parfois, contre seulement 19 % des personnes âgées de 60 à 70 ans. Plus inquiétant encore, 22 % des jeunes Américains déclarent qu’ils ont « rarement » ou « jamais » quelqu’un vers qui se tourner en cas de besoin. Pour les gens plus âgés, ce chiffre n’est que de 5 %.

Alors, qu’est-ce qui remplace les relations humaines ? La solution est de plus en plus souvent avancée est qu’il faut s’aimer soi-même, c’est-à-dire que l’individu, même s’il est imparfait, doit être célébré en dehors de tout autre lien humain. Selon une enquête récente, 44 % des personnes pensent que l’amour de soi est un aspect essentiel de la santé mentale. Pour certains, comme la chanteuse américaine Lizzo, l’amour de soi signifie accepter même des caractéristiques telles que l’obésité, quand bien même celles-ci représentent une menace évidente pour la santé de l’individu.

Dans cet avenir dominé par la technologie, même les contacts humains directs les plus agréables sont supplantés par des stimuli artificiels. De nombreux jeunes tombent dans ce que les chercheurs ont qualifié de « récession sexuelle ». Les relations sexuelles artificielles se multiplient et de nombreux rapports montrent que la consommation de pornographie peut avoir un impact négatif sur l’intimité conjugale et réduire la satisfaction de la relation. Les jeunes générations ont moins de rapports sexuels et connaissent une instabilité relationnelle beaucoup plus grande, ce qui se traduit par une diminution du nombre de mariages et une plus grande atomisation. Au Japon, environ un tiers des hommes entrant dans la trentaine sont vierges et un quart des hommes de plus de 50 ans ne se marient jamais. Près d’un tiers des Japonais dans la trentaine n’ont jamais eu de relations sexuelles.

La psychologue Maytal Eyal, qui écrit dans le magazine Time, cite Alexandria Ocasio-Cortez, une élue à la Chambre des représentants, selon laquelle le fait de s’aimer soi-même est « l’unique fondement de tout ». Elle cite également Nicole LaPera, une psychologue clinicienne suivie par 6,4 millions de personnes, pour qui « l’amour de soi est notre état naturel », reprenant une phrase de la chanteuse Miley Cyrus, qui proclame dans son récent tube « Flowers » : « Je peux m’aimer mieux que tu ne le peux. »

La vie, la mort et l’évolution des mentalités

Comme le reflète le soi-disant « amour de soi », l’antihumanisme repose sur un système de croyances qui remplace le caractère sacré de la vie humaine par une nouvelle idéologie centrée sur les désirs et les souhaits de l’individu autonome. Cela va jusqu’à modifier les points de vue sur les événements les plus fondamentaux de l’existence humaine, la naissance et la mort.

Les attitudes à l’égard de l’euthanasie sont de plus en plus permissives et étendues. Aujourd’hui, une majorité d’Américains (54 %), selon Gallup, pense que le suicide assisté par un médecin est moralement acceptable. Dix états américains autorisent aujourd’hui l’euthanasie. Plusieurs autres, dont le Massachusetts et le Vermont, souhaitent également étendre le recours aux procédures de « fin de vie ».

Au Canada, l’euthanasie est accessible même aux personnes qui ne sont pas en phase terminale. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’euthanasie en 2016, le nombre de personnes qui y ont recours a été multiplié par dix. Des professionnels de la santé canadiens auraient incité des patients en phase terminale à mettre fin à leur vie plus tôt, en partie pour couvrir les frais d’hospitalisation. Le gouvernement envisage même d’autoriser le suicide assisté pour les mineurs sans le consentement des parents.

Ces tendances sont également observées dans certains pays européens, comme la Suisse, où les personnes qui ne sont pas en phase terminale peuvent orchestrer leur propre mort. En Espagne, un meurtrier reconnu coupable a opté pour le suicide avant même d’être condamné. La Belgique a autorisé le suicide assisté d’une jeune femme de 23 ans souffrant de dépression, ce qui a suscité une vive controverse. Au Japon, la question de savoir si cette population qui vieillit rapidement devrait instituer l’euthanasie pour les personnes âgées, même celles qui ne sont pas malades ou mourantes, est largement débattue. L’année dernière, le pays a connu deux fois plus de décès que de naissances.

Les changements observés ici et à l’étranger révèlent une diminution de la valeur accordée à la vie humaine. Un avocat spécialiste des droits civiques du Connecticut, ancien fervent partisan de la libéralisation des lois sur l’euthanasie, rapporte que des médecins ont préconisé l’aide au suicide pour des patients handicapés, même ceux capables de vivre plus longtemps et de s’épanouir.

Des attitudes similaires à l’égard de la vie sont au cœur du débat de plus en plus controversé sur l’avortement. Lorsque Bill Clinton se présentait à l’élection présidentielle de 1992, son programme présentait l’avortement comme quelque chose qui devait être « sûr, légal et rare ». Aujourd’hui, les plus grands défenseurs de l’avortement du pays – tout comme leurs homologues du mouvement pro-vie – ne laissent aucune place au compromis. Les dirigeants pro-choix considèrent souvent l’avortement comme un « droit de l’homme » incontestable, et nombreux sont ceux-ci qui estiment que limiter les avortements aux viols et à l’inceste est trop extrême. De même, les gens s’opposent à des délais trop stricts. L’avortement est maintenant perçu, non plus comme quelque chose de regrettable, mais au contraire quelque chose qui devrait être célébré. Et cette attitude n’a fait que s’intensifier après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade.

(…)

Technologie et déshumanisation

Après s’être éloignés de la famille, de la communauté et des amitiés, les gens cherchent de plus en plus leur salut dans la technologie, avec des résultats parfois très négatifs. En donnant plus de pouvoir aux individus, les ordinateurs, les smartphones et le reste ont semblé réduire le besoin de liens humains. De plus en plus, les gens en viennent à se voir les uns les autres de la même manière que les machines nous voient – comme des points de données à introduire dans des algorithmes. « La science en tant que telle », a déclaré le grand rabbin britannique Jonathan Sacks, « n’a pas de place pour l’empathie ou le sentiment d’appartenance ».

Avec le développement de l’intelligence artificielle, la perspective du remplacement des humains par des machines semble de plus en plus imminente. Au Japon, où la pénurie de main-d’œuvre est particulièrement forte, des robots sont mis au point pour s’occuper de la population vieillissante et tenir compagnie aux jeunes, de plus en plus rares, comme dans le roman dystopique de science-fiction de Kazuo Ishiguro, « Klara et le soleil ». De plus en plus, même la prostitution pourrait être dominée par des formes de vie artificielles.

Alors que les gens confient leurs relations les plus intimes à des machines, les concepteurs de la nouvelle réalité anti-humaine épousent l’idée qu’avec le temps, la plupart des humains seront économiquement superflus et inutiles. Le chercheur Gregory Ferenstein, qui a interrogé 147 fondateurs d’entreprises technologiques, a constaté que pour la plupart d’entre eux une « part de plus en plus importante de la richesse économique sera générée par une tranche plus réduite de personnes très talentueuses ou originales. Tous les autres vivront d’une combinaison de travail à temps partiel et d’aides gouvernementales. »

Plutôt que de considérer la plupart des humains comme des atouts pour la société et l’économie, de nombreux dirigeants du secteur technologique, y compris des pionniers de l’IA comme Sam Altman, envisagent d’offrir aux masses ce que Karl Marx appellerait « une aumône prolétarienne », un revenu garanti leur permettant de ne pas être stressés mais de s’impliquer à la marge dans le fonctionnement de la société. C’est le point de vue de nombreux autres oligarques de la technologie – Mark Zuckerberg, Elon Musk, Travis Kalanick (ancien dirigeant d’Uber), en plus de Sam Altman.

Pourtant, l’expérience des dernières années nous montre que cette « autocratie computationnelle », comme l’appelle Rony Abovitz, n’est pas sans danger. Jonathan Haidt, professeur à l’université de New York, note que les personnes nées après 1995 présentent des taux extraordinairement élevés d’anxiété, de dépression, d’automutilation, de suicide et de fragilité ». Depuis 2010, note-t-il, les adolescentes ont vu leur taux de dépression augmenter de 145 %, tandis que celui des hommes a bondi de 161 %. Des tendances similaires, y compris les hospitalisations pour suicide, ont augmenté dans l’ensemble de la société occidentale.

Les travaux de Jean Twenge, professeur de psychologie à l’université de San Diego, révèlent l’ampleur des symptômes dépressifs chez les élèves de la maternelle à la terminale. Aujourd’hui, la moitié des élèves américains (50 %) déclarent qu’ils « ne sont pas capables de faire quoi que ce soit de bien » et qu’ils « n’aiment pas la vie » (49 %). Pire, 44 % d’entre eux affirment que leur « vie n’est pas utile », un constat que l’on retrouve également dans les universités. Selon Rebecca Rialon Berry, professeur au département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’université de New York, « les sons intenses, les couleurs et les mouvements rapides du contenu numérique peuvent le rendre beaucoup plus immersif et captivant que le monde réel, et donc beaucoup plus difficile à quitter ».

L’émergence d’un ordre mondial post-humain

Pour certains, la technologie pourrait peut-être fournir, comme la religion l’a fait par le passé, le mécanisme permettant de réinventer la race humaine. Pour Masayoshi Son, fondateur du célèbre fonds de capital-risque Softbank, l’intelligence artificielle va jeter les bases du « surhomme ». Depuis un demi-siècle, les scientifiques nourrissent des rêves similaires et certains se réjouissent peut-être du soutien du gouvernement américain à la mise en place d’un nouveau projet scientifique qui veut « écrire des circuits pour les cellules et programmer la biologie de manière prévisible, de la même manière que nous écrivons des logiciels et programmons des ordinateurs ». Mais les mises en garde contre les tentatives de création d’un « meilleur humain » abondent : Il suffit de penser aux promoteurs scientifiques de l’eugénisme américain du début du XXe siècle, ainsi qu’aux exemples de l’Union soviétique et de l’Allemagne nazie.

L’objectif ultime de l’élite technologique va consister de plus en plus à faire fusionner l’homme et la machine. Le « transhumanisme » repose sur l’idée, défendue par l’ancien directeur scientifique de Google Ray Kurzweil, que nous pouvons « transcender les limites de nos corps et de nos cerveaux biologiques », en prenant le contrôle de « nos destins » et de notre mortalité. La nouvelle religion technologique considère la mortalité non pas comme un élément normal de la vie, mais comme un « bug » à corriger par la technologie.

Bien qu’il ressemble à une secte, le transhumanisme a gagné des adeptes dans la Silicon Valley, notamment Sergei Brin, Larry Page et Ray Kurzweil (de Google), Peter Thiel et le gourou de l’IA Sam Altman, dont le Y Combinator développe une technologie permettant de télécharger le cerveau d’une personne et de le préserver sous forme numérique. L’objectif est de « développer et promouvoir la réalisation d’une divinité basée sur l’intelligence artificielle ».

Cette nouvelle religion est une étape vers la création d’une société scientifiquement ordonnée, détachée de la famille, de la religion et du sens général de la communauté. Le philosophe Yuval Noah Harari imagine un avenir où « une petite élite privilégiée d’humains améliorés » utilisera le génie génétique pour consolider le statut supérieur de sa progéniture – une petite caste de ce qu’il appelle les Homo deus, semblables à des dieux, qui pourront régner sur les Homo sapiens moins doués sur le plan cognitif.

« Vous voulez savoir comment des cyborgs super-intelligents pourraient traiter des humains ordinaires en chair et en os ? » demande Harari. « Mieux vaut commencer par étudier comment les humains traitent leurs cousins animaux moins intelligents. »

Source : RealClearInvestigations, adapté pour Epoch Times.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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