Moïse, l’Homme de la Parole.

8 février 2016 13:07 Mis à jour: 10 février 2016 23:39

Moïse est présenté au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de Paris. Cette exposition réunit des œuvres artistiques, audiovisuelles et politiques. Une richesse pour connaître vraiment le Moïse de la Thora, de la Bible, vraiment celui de l’Origine. Celui qui est présenté dans le texte. Sans ajout ni fantasme, sans caricature ni exagération.

Un Moïse à la recherche de sa parole, de la parole de son peuple, un Moïse porte-parole d’un Autre qui le dépasse, avec lequel les rapports sont uniques, spécifiques et contrariés.

Si un Moïse moderne était présent dans notre société, quel serait son combat ? Ses combats contre les injustices seraient monumentaux.

Comme à son époque, des empires devraient tomber. Ses paroles d’hier résonnent encore au XIXe siècle, pour porter loin et longtemps.

Cherchons ce Moïse authentique, concerné par notre époque. Dans les temps troublés d’aujourd’hui, nous voulons oublier ce passé, le passé qui nous colle au cœur et pouvoir reconstruire un nouveau monde… sans les horreurs commises dans notre temps.

Sans colonne vertébrale historique, est-ce réaliste ? Est-ce faisable ? Est-ce souhaitable ? Une autre compréhension est de retourner vers des époques très éloignées pour expliciter la nôtre. L’époque choisie pourra servir d’exemple pour avancer vers une nouvelle civilisation où chacun peut retenir sa place sans brûler celle de l’autre. Hier, de tels hommes se sont levés pour d’autres.

Leurs exemples sont sources de réflexion et de point d’ancrage à nos vies d’aujourd’hui pour vivre un siècle dans une bonne direction. Alors, apprenons à marcher vers eux : l’humain actif pour nos vies et dans la société.

L’un de ces hommes d’hier source d’inspiration : homme de liberté, de toutes les libertés à reconquérir, est Moïse

Moïse, un nom, une vie des vies, un parcours, des parcours.

Une vie qui s’écrit en plusieurs épisodes : 40 ans à la cour de Pharaon, 40 ans berger et 40 ans chef d’un peuple libéré, en phase d’apprentissage, qu’il va guider sans cesse jusqu’au bout de sa vie. Il va s’oublier face à sa nation naissante et souvent se sacrifier, lui le chef.

Moïse a conçu, sa vie, ses vies, en les vivant au présent. Ses racines se sont construites, presque au fur et à mesure de la marche marquée par les années de sa vie, entre expérimentation et renoncement. Il peut être le prochain Pharaon, il devient berger. Il est (devenu) prophète, prêtre, son peuple marchande avec lui, avec l’Autre. Il est guide, chef de l’armée pour entrer dans la Canaan, il reste à la porte.

Moïse est à la source, de toutes les aspirations humaines, de liberté, de paix, d’amour, d’écoute et de dialogue avec l’Autre, et de son peuple (si humain), mais aussi de tous les rejets qui peuvent exister dans une seule vie.

L’exposition à Paris amène vers hier qui présente la vie de Moïse vécue dans la Thora et la Bible, mais aussi exposition d’aujourd’hui, avec les années Martin Luther King, où Moïse sert une cause politique et citoyenne.

Exposition pour réfléchir à demain et à sa place dans la cité.

Avec Moïse, la rencontre est indissociable du peuple qu’il va chercher et guider vers la liberté : pour appartenir au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, patriarches de l’histoire juive.

Si spontanément un sondage est réalisé sur Moïse, nous pensons, aux Dix commandements écrits par le doigt de Dieu. Seul passage de la Bible qui marque une intervention directe, si précise, de Dieu. Ensuite, les dix plaies et la traversée de la Mer Rouge sont citées.

Lesser Ury, Moïse regarde la Terre promise avant sa mort 1928. (Pastel sur carton). (Berlin, Jüdisches Museum ¢ Jüdisches Museum Berlin/Jens Ziehe)

Pour découvrir l’exposition, Anne-Hélène Hoog, commissaire générale, nous guide :

« Moïse existe par la rencontre à la montagne du Sinaï. Le peuple hébreu prend naissance au Sinaï. La grandeur de Moïse s’inscrit dans ce face à face avec l’Être suprême et le peuple. Dans ces deux instants partagés, il recevra du bonheur et une grande tristesse. Bonheur du cœur à cœur avec son Dieu. Mais, choc reçu par la tragédie de rester cloué devant l’entrée du pays promis. Joie de guider son peuple vers la liberté retrouvée, mais colère avec les incessantes requêtes du peuple qui veut revenir en arrière à chaque difficulté rencontrée.»

Pour suivre Moïse jusqu’au Sinaï, il faut revenir d’abord au commencement du périple.

Dans la vie de Moïse, avec par exemple, le film, Les Dix commandements de Cécil B. DeMille avec Charlton Heston, la scène instructive, pédagogique, concerne sa période dans le désert.

Moïse perd la couronne d’un trône à sa portée. Dans le désert, il est dépouillé de tout. Toute l’Egypte avec ses dieux est enterrée dans le sable foulé par ce Moïse. La voix off du film, nous dit qu’à ce moment précis, il devient l’humain de la liberté à retrouver, voulu par Dieu. Celui qui a avalé le goût du sable. Un sable qui transforme, qui purifie et le qualifie pour cette mission. Dans ce désert, le Moïse connu se lève. Il « accepte » cette mission, lui, l’homme, seul face à l’empire du moment.

Après, viennent les dix plaies. Pendant l’exposition, nous rencontrons une très belle tapisserie de cet épisode. Puis, arrive le moment crucial du Sinaï. Qui va construire Moïse et le peuple. Madame Anne-Hélène Hoog reprend : « Au Sinaï, le Moïse législateur supplée le Moïse libérateur. À cette montagne, les très nombreuses visites et aller-retour entre le peuple et l’Être suprême, permet à la Thora de prendre forme, d’exister. Les Hébreux prennent corps. La loi juive vient d’apparaître. Appelée aussi la loi de Moïse puisque Moïse est aussi un enseignant des préceptes divins à chaque descente. »

Je découvre pendant cet échange que sans la Thora, le Pentateuque (les cinq livres écrits par Moïse), le peuple juif perd sa légitimité. Sa naissance est enfantée par Moïse sur cette montagne : une révélation. Elle nous précise encore : « Oui, au Sinaï, par Moïse, le monde découvre par l’écrit dans la pierre, le Dieu unique. Ce moment est fondateur, il amène aux textes fondateurs du vrai Dieu pour l’humanité. Dieu existe, Moïse le rencontre, lui parle. C’est le don de la Thora, cet échange est réel. La preuve est écrite. La Loi fonctionne jusqu’à aujourd’hui. Sans le Sinaï, rien de tout cela n’est possible»

Je découvre aussi que la Thora a l’obligation de vivre dans le quotidien, savoir trouver le aujourd’hui dans ce texte cinq fois millénaires. Cette valeur du vécue est réelle par l’attente du Messie. Pour que cette attente se réalise, le texte millénaire doit suivre la réalité de l’époque de chaque génération. Chaque génération qui partage la Thora, la Bible, dans le présent de chacun, s’instruit par elle.

Dans l’exposition, Moïse appartient et se conjugue par le peuple libéré, les Hébreux et…par aussi les Chrétiens. Puisqu’ une section de l’exposition, des conférences, nous fait parcourir la quête de liberté du peuple noir américain, tenu en esclavage sur la Nouvelle Terre Promise.

Let my people go

Moïse, l’Hébreu, se comprend dans notre époque avec les esclaves noirs.

Les noirs américains qui entendent leurs maîtres parler de la liberté retrouvée du peuple juif vont s’en emparer. Aller la chercher dans les récits racontés de la Bible et la chanter dans de nombreux gospels.

Aujourd’hui vont-ils dire, les fils d’Israël tenus en esclavage, c’est nous. Alors, les pasteurs de tradition baptistes vont entreprendre aussi cette marche de la liberté à conquérir sur cette Nouvelle Terre si Promise.

Anonyme allemand, La chute de la manne et Frappement du rocher. Fin XVIe siècle - début du XVIIe siècle (Dessin à l'encre sur papier). (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques ¢ RMN-Grand Palais (Musée du Louvre)/Adrien Didierjean)
Anonyme allemand, La chute de la manne et Frappement du rocher. Fin XVIe siècle – début du XVIIe siècle (Dessin à l’encre sur papier). (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques ¢ RMN-Grand Palais (Musée du Louvre)/Adrien Didierjean)

Marche douloureuse, sanglante, meurtrière aux XIXe et XXe siècle. Marche pour les droits civiques dans les années 1960. Les pasteurs vont cultiver une morale politique dans ce combat. Le pasteur emblématique est Martin Luther King. Dans cette lutte inégale, mais filmée, Martin Luther King et les noirs américains  vont trouver des représentants du peuple juif à leurs côtés en grand nombre. Lui et eux vont se réunir, se faire confiance. Eux vont entendre que lui représente l’origine juive de Jésus. Il fait une fusion de la foi juive et chrétienne.

Ce pasteur parle plus de Moïse que de Jésus dans ses prêches. Il prend exemple sur Moïse pour édifier sa méthode non-violente. Il va renvoyer dans le miroir de l’humanisme des blancs un sentiment de honte. Pour les juifs américains, cette colère non-violente exprimée dans cette lutte, les renvoie à la honte de la Shoah vécue mais éliminée des consciences. Parmi eux, le rabbin Abraham Joshua Heschel va suivre et se mettre à côté de Martin Luther King. Montrer que le peuple juif s’intéresse à la société, se mobilise pour la cité. Le rabbin Abraham Joshua Heschel ira jusqu’à écrire au président américain John F. Kennedy, le 16 juin 1963 que : «  les églises, les synagogues ont échoué. Servir, prier, Dieu est une perte de temps si l’humiliation des noirs américains continue. Je demande un état d’urgence morale. Plus de paroles, des actes. La synagogue, l’église, doivent regarder leurs citoyens avec audace.»

Cette époque mène à la disparition de la cloison entre la vie religieuse et théologique enfermée entre quatre murs et l’action sociale dans la cité sur le macadam. Pour le relater, une conférence pendant l’exposition a réuni la fille du rabbin Heschel, Susannah qui, avec le rabbin Stephen Berkowitz et Anne-Hélène Hoog, a fait entendre la voix de son père et des juifs de cette période : « le peuple juif se mobilise pour l’humanité depuis l’aube des temps et encore aujourd’hui. Il est important de redonner vie aux voix de cette époque ».

 

« Laisse allez mon peuple » retrouve encore tout son sens d’hier, aujourd’hui et demain 

Moïse a servi d’exemple, d’instructeur à Martin Luther King. Le pasteur connaissait le personnage de Moïse présent aussi dans les Évangiles. Comme l’épisode où le Christ transfiguré sur la montagne, parle à deux personnages Elie et …Moïse. À sa propre résurrection, le Christ utilisera la loi de Moïse, les livres des prophètes et les psaumes pour instruire les apôtres.

Ce pasteur noir américain va chercher le Moïse de l’Exode du peuple hébreu, pour marcher vers la liberté au XXe siècle et construire son message de paix. La présence de Moïse est nécessaire pour le chrétien qu’il est, face à son époque moderne où se transmet encore une forme d’esclavage plus malsaine, dans une société qui accepte ce fait comme acquis. Pour lui, cette présence du prophète juif veut sonner le glas de l’esclavage encore vécu de façon trop souterraine pour le peuple noir américain. Les droits civiques refusés sont les nouvelles chaînes pour qu’il reste un peuple de deuxième zone. Le refus des droits civiques démontre que le noir américain n’existe pas, son inexistence se vit partout et en tout temps, dans ce pays appelé la Nouvelle Terre Promise.

Le pasteur précise : « si mon engagement spirituel se limite à accepter l’inacceptable. À le supporter, alors, je peux arrêter la marche qui mène à l’Autre, à tous les autres ». Dans son dernier culte, un jour avant l’assassinat, il utilisera l’image d’ « aller sur la montagne pour accepter de donner sa vie ».

Il est essentiel face à de tel personnage et au livre sacré, de retourner à la Source pour comprendre la réalité du texte, d’une vie, d’une époque vraiment vécue.

Avec Moïse, l’humanité rencontre un Personnage : un personnage et un humain. Il rencontre le créateur. Le créateur qui a parlé à cet homme en particulier et, par lui, à tous les humains.

Comment comprendre ? Exemple pour l’humanité qui abandonne le jour de repos qui est associé au peuple juif, alors que depuis l’origine le jour de repos est pour toute la Terre et pour toute l’humanité. Depuis Adam, Eve, la Thora et la Bible présentent le jour du repos pour rencontrer Dieu. Ce repos existe, pas seulement pour un peuple, mais, pour tous. C’est bien plus tard, au Sinaï, dans les Dix Commandements que le jour de repos, le sabbat du 7e jour est écrit dans la pierre par Dieu. Définitivement pour toute l’humanité.

Aller à la Source permet d’enlever des écailles de tromperie de l’histoire, sur la valeur biblique du Sinaï trop souvent tronquée. Par antisémitisme, l’histoire des peuples a bouleversé la Source du texte. Moïse donne à l’humanité ce potentiel incroyable de connaître le Dieu créateur, le seul Dieu qui parle vraiment. Il se laisse chercher par nous.

« Grâce à Moïse, Dieu doit accepter la miséricorde, doit devenir miséricordieux au contact de l’humain qu’il a créé. L’intercession se fait dans les deux sens. Lorsque que Moïse prie d’être retiré du livre de Vie, si Dieu ne devient pas clément à cause du peuple rebelle. Dieu va accepter cette miséricorde demandée et obtenue à genoux par Moïse », précise Madame Anne-Hélène Hoog

L’Art 

Dans cette exposition, l’artistique est présenté par des sculptures (représentation du Michel-Ange), des tableaux de Poussin, de Millet, de Gustave Moreau. Ceux de Rubin et de Chagall offrent un regard neuf sur Moïse et sur Dieu. Rubin nous permet de changer notre vision sur Dieu. Pour Chagall, la rencontre de chacun avec Dieu doit amener une conversation à égalité. Des écrivains sont aussi présents comme Kafka et Freud.

Derniers épisodes pour Moïse :

Malgré la stature de notre Moïse, il va rester à quai. Lui qui côtoie le Ciel et la Terre. La Terre va le ramener à la dure réalité de la loi humaine. L’humain est, trop souvent, incompréhensible. Dans la Thora, Moïse est qualifié d’humble plus que tous les autres Hommes. Et, de patient aussi. Une demande insatiable du peuple va le pousser à bout. Le peuple lui demande de l’eau. Dieu lui précise, la consigne, « parle au rocher ». Donc, parle une fois. Mais, Moïse va taper deux fois.

Madame Anne-Hélène Hoog nous précise : « Moïse a manqué de confiance. Il devait respecter, lui le chef, la demande divine. Au pied de la lettre. » Son échec amène sa perte de connaître la Terre promise. Il meurt avant. Il meurt dans les bras de Dieu qui l’accueille. Pourtant, lui Moïse, le seul qui entend en premier le nom divin, le « Je Suis ». Ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob, avant lui, n’auront ce privilège. Dieu l’enterre personnellement. Sa fin est douloureuse. Mais, Dieu a aussi perdu patience puisqu’il le ressuscite tout de suite avant le jugement final. Depuis Moïse, continue à parler avec Dieu face à face. Pour l’éternité, cette fois-ci.

Moïse reste l’Homme de la parole, de la Parole pour toute l’humanité, tous les humains peuvent écouter la Parole. Elle est là, pour les humains, en quête d’eux-mêmes face aux destins de la vie. Souvent des destins remplis d’épines qui piquent jusqu’au sang et offrent aussi des roses.

Moïse, Moïse, Moïse, parle nous de Dieu. Dieu qui se cherche une voix pour échanger. Il est encore temps de l’entendre. Dieu parle toujours à l’humain que je suis. Je suis, c’est justement, Lui qui cherche ce dialogue. Quelle sera ma première parole à Lui ?

Quelle sera Sa première Parole à moi ?

Informations pratiques

Exposition : « Moïse : figures d’un prophète » jusqu’au dimanche 21 février 2016

Musée d’art et d’histoire du Judaïsme 71, rue du temple 75003 Paris

Tél. : 01 53 01 86 65 et www.mahj.org et info@mahj.org

Horaire : Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 11h à 18h.Mercredi de 11h à 18h.

Dimanche de 10h à 19h.

Tarif normal : 7€ et tarif réduit : 4.50 €

En plus : Moïse : texte de la Thora, de la Bible. Films. Livres.

 

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