Narcobanditisme : Gérald Darmanin alerte sur « une mafia très puissante » qui corrompt jusqu’au cœur de la classe politique
Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a affirmé sur France TV l’existence d’« une mafia très puissante » capable de « corrompre des agents publics » et dont l’influence s’étendrait « peut-être même jusque dans la classe politique ». Dans le même temps, à Marseille, les autorités judiciaires et politiques tentent de répondre au choc suscité par l’assassinat de Mehdi Kessaci en insistant sur une « bataille très, très dure » contre le narcobanditisme.

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, répond aux questions des journalistes lors d'une visite à Marseille le 20 novembre 2025, après le meurtre de Mehdi Kessaci.
Photo: CLÉMENT MAHOUDEAU/AFP via Getty Images
Gérald Darmanin affirme que les narcotrafiquants ont désormais des relais bien au‑delà des seuls quartiers populaires, « peut être même jusque dans la classe politique », dessinant une menace qui dépasse le strict champ de la sécurité publique. Il décrit un système mafieux structuré, fondé sur plusieurs milliards d’euros d’« argent liquide », capable de corrompre des agents de l’État et de fragiliser la confiance dans les institutions.
« Une mafia très puissante » et tentaculaire
Le ministre décrit une criminalité organisée qui n’est « pas une mafia comme les autres » mais « une mafia qui est très puissante ». C’est une organisation « qui corrompt des agents publics, qui corrompt des greffiers, qui corrompt des policiers, des gendarmes, qui corrompt peut être des avocats, peut être des magistrats ». Il explique recevoir « depuis quatre ans et demi » des « remontées » sur ces faits, tout en rappelant être « tenu à un certain secret » du fait de ses fonctions successives à l’Intérieur puis à la Justice.
Cette analyse rejoint le constat dressé à Marseille, une semaine après l’assassinat de Mehdi Kessaci, où l’exécutif évoque une « bataille très, très dure » contre une organisation criminelle dotée d’une énorme surface financière, notamment la DZ Mafia qui domine des dizaines de points de deal. Les autorités reconnaissent gagner « difficilement » cette bataille face à une organisation qui disposerait de « 5 à 6 milliards d’euros d’argent liquide » et qui cherche à étendre son emprise sur l’économie locale, selon l’AFP.
Des soupçons jusqu’à « la classe politique »
Gérald Darmanin va plus loin en affirmant que ces « corruptions très actives » traversent « toutes les couches de la société, peut être même dans la classe politique ». Il souligne avoir déjà « dit hier dans le journal La Provence, c’est écrit noir sur blanc », que « la société marseillaise doit aussi se réveiller », en faisant explicitement le parallèle avec « le principe de la mafia, comme ça se passe en Italie, comme ça s’est passé en Corse pour le grand banditisme ».
Pour le ministre, la réponse doit être globale, à l’image du tournant pris face au terrorisme islamiste après les attentats djihadistes en 2015 : pendant longtemps, « on a dit on peut discuter quand même avec une mosquée salafiste, avec une association border », avant de « totalement changer » d’approche vis à vis de l’islamisme radical. Il appelle désormais à « avoir ce même réflexe » face au narcotrafic, en cessant de « faire semblant de voir » que l’argent qui fait fonctionner certains commerces est « de l’argent sale » et en refusant la « naïveté » qui consiste, par exemple, à renoncer à la vidéosurveillance parce que « ça gêne un certain nombre de personnes ».
Marseille, laboratoire d’une « bataille très dure »
Sur le terrain marseillais, ce diagnostic se traduit par une montée en charge de l’appareil d’État, alors que l’assassinat en plein jour de Mehdi Kessaci est perçu comme « un crime qui vise à faire peur et vise à atteindre quelque part la République et l’État ». Le maire Benoît Payan réclame une République « ferme » et davantage de moyens pour les enquêteurs, la justice, l’éducation, ainsi qu’« une préfecture de police de plein exercice » dans les Bouches‑du‑Rhône.
Le gouvernement met en avant la loi contre le narcotrafic votée en juin avec la création en janvier d’un parquet spécialisé (Pnaco) sur le modèle du parquet national anti-terroriste. Le garde de Sceaux a annoncé l’arrivée de onze nouveaux magistrats « qui vont directement abonder à la lutte contre le narcobanditisme », dans un contexte où 500 procédures criminelles restent en attente de jugement à la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Parmi elles, le dossier des assassins présumés du grand frère d’Amine, tué en 2020 avec deux autres jeunes hommes dans un narchomicide.
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