Pakistan: au nom de l’honneur, des femmes forcées à rester dans leur village inondé

Par Epoch Times avec AFP
8 septembre 2022 10:25 Mis à jour: 8 septembre 2022 10:29

Les quelque 400 habitants de Basti Ahmad Din, un petit village pakistanais entouré de champs inondés et seulement accessible en barque après des pluies de mousson diluviennes, sont menacés par la famine et la maladie. Ils ont pourtant refusé d’être évacués.

Quitter leur foyer pour se réfugier dans un camp pour déplacés signifierait que les femmes du village auraient à se mélanger avec des hommes n’appartenant pas à leur famille, ce qui serait un outrage à leur « honneur », ont expliqué des habitants à l’AFP.

Les femmes de Basti Ahmad Din n’ont pas eu leur mot à dire dans la décision.

« C’est aux anciens du village de décider », répond Shireen Bibi, 17 ans, quand on lui demande si elle aurait préféré se retrouver en sécurité dans un camp sur un terrain sec.

90 habitations de Basti Ahmad Din détruites

Des pluies de mousson sans précédent depuis des décennies ont provoqué des inondations qui ont englouti un tiers du Pakistan cet été. A Basti Ahmad Din comme ailleurs, la population se heurte à la nouvelle réalité, avec des maisons et vies partout dévastées.

Plus de la moitié des 90 habitations de Basti Ahmad Din, situé dans la province du Pendjab (centre-est), ont été détruites.

les hommes de Basti Ahmad Din font chaque semaine un voyage en bateau au camp le plus proche pour s’y approvisionner. Photo par Aamir QURESHI / AFP via Getty Images.

Les plants de coton qui encerclaient le village quand les pluies ont commencé en juin gisent maintenant pourris dans les champs inondés. La route en terre qui reliait auparavant la minuscule localité à la ville la plus proche est sous trois mètres d’eau.

De frêles barques sont le seul moyen pour les villageois d’aller s’approvisionner à l’extérieur. Mais le voyage coûte cher, les propriétaires des embarcations ayant augmenté les prix.

Peu de nourriture en réserve

Les habitants de Basti Ahmad Din n’ont que très peu de nourriture en réserve. Ils ont décidé de partager et rationner le peu de blé et grains qu’ils ont réussi à sauver des eaux.

Nombre de membres des organisations de secours venus apporter de l’aide au village ont plaidé auprès d’eux pour qu’ils partent. En vain.

« Nous sommes baloutches. Les Baloutches n’autorisent pas leurs femmes à sortir », justifie Muhammad Amir, un habitant, en référence à l’ethnie dominante dans le village.

« Les Baloutches préféreraient mourir de faim plutôt que laisser leurs familles sortir », insiste-t-il.

Dans les zones rurales du Pakistan, souvent profondément conservatrices, un code patriarcal basé sur la notion d’« honneur » régit la vie des femmes.

Il limite sévèrement leur liberté de mouvements et leurs interactions – pour peu qu’elles en aient du tout – avec les hommes n’étant pas de leur famille.

Ce code tolère même qu’une femme soit tuée par un proche au prétexte qu’elle aurait sali l’honneur familial, parfois simplement pour avoir été vue en compagnie d’un homme ou pour avoir choisi elle-même son époux.

Les hommes de Basti Ahmad Din font chaque semaine un voyage en bateau pour s’approvisionner

Dans des situations aussi désespérées que celle causée actuellement par les inondations, les femmes peuvent ainsi se retrouver totalement privées de nourriture ou de soins.

Au lieu d’y emmener leur famille, les hommes de Basti Ahmad Din font chaque semaine un voyage en bateau au camp le plus proche pour s’y approvisionner et obtenir de l’aide.

Des personnes au Pakistan ont traversé les eaux de crue pour rentrer chez elles après de fortes pluies de mousson le 7 septembre 2022. Photo par Aamir QURESHI / AFP via Getty Images.

Les anciens du village – tous des hommes – estiment qu’il n’est acceptable pour les femmes d’en partir que dans des situations « d’urgence », comme un grave problème de santé.

Les désastres naturels ne comptent pas au rang des raisons valables. Un ancien, nommé Mureed Hussain, assure qu’ils n’avaient pas évacué non plus lors des dernières grandes inondations, en 2010.

« Nous n’avions pas quitté le village alors », dit-il. « Nous ne permettons pas à nos femmes de sortir. Elles ne peuvent pas rester dans ces camps. C’est une question d’honneur. »

 

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