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Pérou : Dina Boluarte destituée, José Jeri prend la tête du pays en pleine tourmente sécuritaire

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Dina Boluarte, le 11 août 2025.

Photo: BAY ISMOYO/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

La présidente péruvienne Dina Boluarte a été destituée aux premières heures de vendredi, au terme d’une procédure marathon devant le Parlement, alors que le pays est plongé dans une grave crise sécuritaire. Le président du Parlement péruvien, José Jeri, âgé de 38 ans, a assumé vendredi la présidence du pays.

Une destitution votée dans l’urgence

« La destitution de la présidente a été approuvée », a déclaré José Jeri à l’issue d’une très courte session parlementaire. Dina Boluarte ne s’est pas présentée à la séance, bien qu’elle y fût convoquée. Des groupes de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement pour célébrer la décision, arborant des drapeaux péruviens et brandissant des pancartes hostiles à la présidente de 63 ans.

Procédure expéditive et fractures politiques

La cheffe de l’État avait été convoquée en séance plénière à partir de 23h30 jeudi (heure locale), en vertu d’une résolution parlementaire adoptée dans la journée. Les principales forces politiques du Parlement monocaméral avaient déposé jeudi cinq motions de destitution. Quatre d’entre elles ont été approuvées dans la soirée à la majorité. Les motions s’appuyaient sur la notion « d’incapacité morale permanente » à exercer ses fonctions, comme l’indiquent les documents lus à l’ouverture de la session.

Soutiens en berne, isolement à l’Assemblée

Dina Boluarte avait déjà survécu à plusieurs tentatives de destitution, toutes infructueuses jusqu’ici. Cette fois, l’issue a tourné en sa défaveur avec l’abandon de ses soutiens de droite et de droite nationaliste. Le Pérou traverse la plus grave période d’instabilité de son histoire récente, ayant connu six présidents en moins de neuf ans. Mme Boluarte avait accédé au pouvoir après la destitution de Pedro Castillo, dans un contexte de manifestations durement réprimées et ayant fait au moins 50 morts. Depuis, elle fait face à une impopularité record.

Polémiques et affaires : Rolexgate, opérations secrètes

La présidence de Dina Boluarte a également été émaillée d’affaires embarrassantes, notamment le scandale du « Rolexgate » – des montres et bijoux de luxe non déclarés – et une opération de rhinoplastie réalisée en juillet 2023 et tenue secrète, alors qu’elle était tenue d’en informer le Parlement.

Une possible incarcération de l’ancienne présidente ?

À peine a-t-elle perdu son immunité, que le parquet a relancé deux enquêtes la visant : l’une pour blanchiment d’argent lors de la campagne électorale de 2021, lorsqu’elle était candidate à la vice-présidence aux côtés de l’ancien président Pedro Castillo. L’autre est liées à des chirurgies esthétiques auxquelles elle aurait eu recours pendant son mandat.
Le parquet a demandé à la justice de lui interdire de quitter le pays le temps de finaliser ces enquêtes.
Le Pouvoir judiciaire a annoncé dans un communiqué la tenue d’une audience le 15 octobre pour examiner une demande d’interdiction de sortie du territoire pendant une durée de 36 mois visant l’ex-présidente.
Dina Boluarte a écarté toute intention de chercher l’asile. « Les médias ont affirmé (…) que j’avais cherché à obtenir l’asile. Rien de tout cela n’est vrai », a-t-elle déclaré devant des journalistes.
« Je ne suis responsable d’aucune » de ces affaires, a affirmé Dina Boluarte. « Je suis sereine, je suis chez moi et je resterai dans le pays », a-t-elle insisté.

Une succession qui s’annonce tendue

Selon la Constitution, le président du Parlement assure désormais l’intérim jusqu’aux élections générales d’avril 2026. « Aujourd’hui, j’assume avec humilité la présidence de la République, par succession constitutionnelle, afin de mettre en place et diriger un gouvernement de transition », a déclaré José Jeri juste après avoir prêté serment. Ancien député du parti de centre-droit Somos Perú, il a été élu président du Parlement en juillet dernier et restera chef d’État jusqu’au 26 juillet 2026. Le scrutin présidentiel est prévu en avril.

La sécurité, urgence nationale du nouveau président

Dans son premier discours à la Nation, José Jeri a pointé la criminalité du doigt : « L’ennemi principal (…) ce sont les bandes et organisations criminelles, ce sont aujourd’hui nos ennemis, et en tant que tels nous devons leur déclarer la guerre ».

Violence et tension dans la rue

Depuis plusieurs semaines, Lima est le théâtre de manifestations contre le gouvernement, dans un climat d’explosion des extorsions et des meurtres attribués au crime organisé. Une récente fusillade visant un groupe de musique dans la capitale a fait cinq blessés, dont quatre musiciens. Les autorités n’ont pas encore confirmé de lien entre cette attaque et des extorsions ; cependant, le président de l’Association des artistes et entrepreneurs du Pérou, Walter Dolorier, affirme que les musiciens avaient reçu des menaces de groupes criminels.

« Peur constante » et absence de leadership

La députée Norma Yarrow, du parti de droite Renovación Popular, a dénoncé la situation : « Les Péruviens vivent dans une peur constante (…) et cela n’est pas une manœuvre politique, mais la conséquence du fait que nous n’avons pas de véritable dirigeante, seulement de la frivolité. »

Avec AFP