Le vice-premier ministre chinois He Lifeng a appelé la France le 15 mai à un climat des affaires « plus équitable, plus juste et plus prévisible », à l’occasion d’une visite à Paris, au moment où plusieurs désaccords affectent les relations économiques entre les deux pays.
Les relations entre la France et la Chine ont été affectées ces derniers mois par plusieurs dossiers économiques épineux qui touchent notamment la filière française du cognac et de la viande bovine.
Le Parti communiste chinois (PCC) avait déjà annoncé fin mars espérer que Pékin et Paris améliorent leurs relations dans un monde « de plus en plus complexe et instable ». Pékin entendant « consolider la confiance politique mutuelle » entre les deux pays, alors que les États-Unis demandaient à la Chine le rééquilibrage de leur balance commerciale.
Mais la nature du régime chinois est loin de vouloir des relations justes et équitables. Son objectif est d’écraser ses partenaires commerciaux pour dominer le marché mondial, afin de pallier aux insuffisances de sa consommation intérieure. C’est une question de survie pour le régime.
Pour les 60 années des relations bilatérales avec la République populaire de Chine (RPC), la France montrait une ambivalence avec le régime chinois, alors que l’UE était au même moment beaucoup plus lucide, décrivant le PCC de « rival systémique ».
La balance commerciale de 60 milliards entre la France et la Chine – en défaveur de la France – devrait pourtant refroidir les élans français à se rapprocher de l’ogre chinois.
La Chine appelle la France à un climat d’affaires « plus équitable »
Des mesures antidumping temporaires de Pékin imposent depuis mi-novembre aux importateurs de brandys européens (eaux-de-vie de vin, essentiellement du cognac) de déposer auprès des douanes chinoises une caution, en représailles à une procédure européenne visant les subventions d’État dont bénéficient les véhicules électriques fabriqués en Chine.
La filière cognac affirme perdre 50 millions d’euros par mois depuis leur instauration.
La France n’exporte par ailleurs plus de viande bovine vers la Chine depuis fin 2024, du fait d’un embargo total décrété par Pékin, lié à la fièvre catarrhale ovine (FCO), une maladie non transmissible à l’homme qui affecte essentiellement les ovins mais aussi les bovins.
La viande bovine française est « bienvenue » sur le marché chinois, avait déclaré le 13 mai le vice-premier ministre chinois lors d’une visite dans une ferme bovine à Harquency (Eure), sans donner ni calendrier ni détails sur la levée des restrictions actuelles.
Le régime chinois veut se rapprocher de la France dans un monde « instable »
La Chine espère pouvoir « résister » avec la France « à l’unilatéralisme et à la résurgence de la loi de la jungle » – une allusion à la redéfinition de l’ordre international par le président américain Donald Trump.
Les relations entre Pékin et Paris sont marquées par une longue histoire de coopération et de dissensions depuis la reconnaissance de la République populaire de Chine (RPC) par la France. La France, sous l’impulsion du général de Gaulle, avait été en 1964 le premier grand pays occidental à établir des relations diplomatiques avec la Chine communiste, après l’horreur de la Grande famine et du Grand bond en avant qui avaient causé la mort de près de 100 millions de Chinois.
Cette décision est d’ailleurs régulièrement citée en exemple de « diplomatie indépendante » par les responsables chinois – à dessein quand il faut que la France penche en faveur de la Chine au sein de la communauté internationale.
En 2024, le leader chinois, Xi Jinping, avait salué les liens avec la France à l’occasion des 60 années des relations diplomatiques, en appelant déjà à des relations plus étroites entre Pékin et Paris en réponse aux tensions mondiales.
« Les deux parties devraient développer sans relâche les relations bilatérales et répondre aux incertitudes du monde par la stabilité des relations entre la Chine et la France », déclarait Xi Jinping.
Mais déjà en 2024, les relations économiques entre la France et la Chine apparaissaient de plus en plus déséquilibrées, avec un déficit commercial record de 60 milliards en 2024. La France n’est d’ailleurs pas le seul récipiendaire de ce triste record, les pays de l’UE ayant avec le régime chinois un déficit global de 400 milliards d’euros.
La guerre commerciale « au ralenti » de la Chine
Si les grandes entreprises françaises (aéronautique et spatial, agroalimentaire, luxe et cosmétique) continuent à faire des bénéfices en Chine, les profits sur l’ensemble des produits français sont beaucoup moins évidents. « L’ouverture tous azimuts au capitalisme d’État chinois favorisent la désindustrialisation et la perte d’avantages compétitifs de nombreux produits à haute valeur ajoutée », analysent les chercheurs Emmanuel Lincot et Paco Milhiet.
Selon eux, les dirigeants européens ont été largement leurrés par le mythe d’une République populaire de Chine qui respecterait les règles du commerce mondial après son accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Ils n’ont su être réactifs ni aux mesures protectionnistes du Parti communiste chinois sur son marché intérieur, ni aux subventions dissimulées du régime aux industries chinoises.
En retour, en ayant accès aux marchés français et européens, la Chine a pris d’écrasants avantages sur des grands pans de l’économie mondiale, pour lesquels les conséquences sur l’industrie européenne sont déjà dramatiques.
Dans l’acier, l’automobile, l’éolien, le solaire, les batteries, la chimie, les produits pharmaceutiques, le textile, la mode, la décoration, etc., l’industrie chinoise est en train de détruire l’industrie européenne. Pour y parvenir, le PCC ne cesse d’augmenter ses capacités de production et d’exportations pour inonder le marché européen de produits à prix cassés afin d’anéantir toute concurrence.
« Ce que nous voyons actuellement, c’est le déroulement d’un accident de train au ralenti », réagissait Jens Eskelund, président de la Chambre de commerce danoise en Chine, dans un rapport de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine en 2024, alertant des menaces chinoises sur l’économie européenne.
« La Chine en difficulté essaie de redresser son économie, et cherche à vendre coûte que coûte tout ce qu’elle a en trop », résume Michel Hermans, professeur de géopolitique à HEC-ULiège à L’Écho de Belgique.
Avec un manque de consommation intérieure des ménages, la dernière solution chinoise est de se tourner vers une saturation des marchés de l’exportation à l’échelle mondiale, l’Europe étant la première cible par le manque de protection douanière à ses frontières et compte tenu des nouvelles négociations voulues par Donald Trump concernant le marché américain.
L’Occident commence à se réveiller, la France reste ambivalente
En 2021, l’OTAN désignait sans équivoque la Chine comme un concurrent et une menace pour l’ordre international, quand l’UE qualifiait en 2022 le Parti communiste chinois (PCC) de « rival systémique ». En 2023, le G7 réuni à Hiroshima adressait des reproches à peine masqués au gouvernement de Pékin, déclarant que toute « coercition économique » aurait « des conséquences ».
Fin janvier 2024, des commissaires européens présentaient une série d’initiatives pour protéger les intérêts économiques de l’Europe, avec notamment le renforcement du mécanisme de contrôle des investissements étrangers. L’objectif pour l’UE est de s’attaquer aux risques pour la sécurité économique du Vieux continent et éviter que ses technologies et infrastructures sensibles ne tombent entre les mains de rivaux, tels que la Chine.
Début avril 2024, l’Union européenne ouvrait encore une enquête visant des fabricants chinois d’éoliennes, accusés de recevoir des subventions du régime chinois, faussant la concurrence sur le marché européen. Une pratique déjà dénoncée dans l’automobile, le ferroviaire et les panneaux solaires et créant une concurrence déloyale dans le cadre d’appels d’offres en Europe. En réponse, le PCC ouvrait une enquête « anti-subventions » visant les importations de cognac, dont le principal marché à l’exportation est celui de la France.
Concernant la filière française du cognac, « le dialogue économique, à ce stade, n’a pas permis d’apporter une solution définitive à ce contentieux, mais je sais néanmoins pour en avoir longuement parlé avec son excellence He Lifeng que la porte de la discussion reste ouverte », indiquait le 15 mai le ministre de l’Économie, Éric Lombard, à l’issue d’une réunion avec le vice-premier ministre chinois. Emmanuel Macron s’est déclaré de son côté « raisonnablement optimiste » quant aux négociations en cours avec la Chine sur le cognac.
Pour les chercheurs Emmanuel Lincot et Paco Milhiet, la France a nourri pendant 60 ans une ambivalence avec la Chine et la coopération économique entre les deux pays se déséquilibre entre de très gros contrats pour de grandes entreprises françaises et un très gros déficit commercial au niveau national.
Selon les chercheurs, le positionnement français vis-à-vis du régime chinois est un exemple caractéristique du « en même temps » élyséen, la France contribuant aux principales organisations multilatérales durcissant leurs positions contre Pékin (G7, OTAN, UE), mais restant proche en « même temps » du régime pour défendre ses intérêts et lui apporter son soutien, en échange d’hypothétiques nouveaux contrats.
On voit bien aujourd’hui le résultat de cette stratégie diplomatique, avec un déficit commercial qui continue de se creuser année après année, malgré toutes les concessions politiques, économiques et technologiques données au régime chinois.
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