Projet de loi immigration rejeté : avait-il un quelconque intérêt ?

Par Julian Herrero
11 décembre 2023 21:01 Mis à jour: 11 décembre 2023 21:01

Le projet de loi immigration défendu par Gérald Darmanin a été rejeté ce lundi par l’Assemblée nationale. Pour le moment, son examen est interrompu. Il y a un mois, la droite et les centristes du Sénat avaient largement modifié le texte en y ajoutant des mesures plus dures, avant que certaines d’entre elles soient finalement supprimées par les députés de la commission des lois début décembre. Le projet de loi porté par le ministre de l’Intérieur valait-il finalement la peine d’être examiné ?

Un texte durci au Sénat en novembre 

À la mi-novembre, les sénateurs LR avec les centristes du groupe UC s’étaient mis d’accord pour durcir le projet de loi immigration du gouvernement. Parmi les mesures majeures rajoutées par les groupes de Bruno Retailleau et d’Hervé Marseille, on trouve la suppression de l’aide médicale d’État (AME) et un durcissement des conditions de régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension.

Selon le directeur de la rédaction du magazine L’Incorrect, Arthur de Watrigant, les mesures ajoutées par les LR et UC de la chambre haute ne renforcent pas réellement le texte du gouvernement. « En réalité, la droite sénatoriale et les centristes n’ont pas apporté grand chose à ce texte. Les sénateurs ont fanfaronné en faisant croire qu’ils avaient supprimé l’article 3 sur la régularisation des travailleurs exerçant des métiers en tension mais il a été remplacé par l’article 4 bis, un article laissant aux préfets le soin de régulariser ces travailleurs ou non, notamment en fonction des besoins », nous dit le journaliste. « Ils ont également affirmé qu’ils avaient enlevé l’AME, alors qu’elle a tout simplement été remplacée par l’aide médicale d’urgence. Autrement dit, des services d’urgence seraient encore plus saturés », ajoute-t-il.

Des ajouts de la chambre haute rejetés

Dans la nuit du 1er au 2 décembre, les députés de la commission des lois ont adopté une nouvelle version du texte, enlevant certaines mesures ajoutées par la droite, notamment la suppression de l’aide médicale d’État et le délit de séjour irrégulier. Les ajouts des LR du Sénat conservés par la commission des lois de l’Assemblée nationale concernent des durcissements du regroupement familial et un meilleur contrôle des étudiants étrangers en France pour éviter que le titre de séjour étudiant soit utilisé comme un moyen d’immigration.

Un rejet nécessaire ? Un projet de loi qui n’avait pas d’intérêt ?

Après l’adoption de la motion de rejet présentée par le groupe écologiste-NUPES (270 voix pour, 265 contre), on peut se demander si cette interruption des débats n’était pas nécessaire. Il est vrai que le vote de cette motion de rejet était un peu l’alliance de la carpe et du lapin. La quasi-totalité des députés de la Nupes a voté pour. Idem du côté du Rassemblement national. 40 parlementaires LR sur 62 ont aussi voté en faveur de cette motion. Mais il n’y avait aucun intérêt à discuter d’un texte qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu migratoire.

« Il manque des choses indispensables dans ce projet de loi. Il n’y a rien en matière de droit d’asile, qui est aujourd’hui complètement dévoyé. Une fois que les gens sont rentrés, nous n’arrivons pas à les faire sortir. Idem en ce qui concerne l’accord de 1968 avec l’Algérie. Vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez, à cause de cet accord, elles ne concerneront jamais les Algériens », estime Arthur de Watrigant. « Or, si on accepte de faire le lien entre délinquance et immigration, comme notre ministre de l’Intérieur veut désormais bien le faire, on se rend compte que les étrangers les plus écroués en France sont les Algériens », poursuit-il.

Le projet de loi ne prenait pas non plus en compte les marges de manœuvre importantes dont disposent certaines instances. « J’ajoute que le projet de loi est vide en matière de réforme constitutionnelle. Et vous pouvez encore une fois adopter toutes les lois possibles et inimaginables, vous ferez face à des instances européennes ou françaises, par ailleurs illégitimes puisque non-élues qui vont retoquer le texte », nous rappelle le directeur de la rédaction de L’Incorrect.

Toutefois, le journaliste nuance et nous confie qu’« il y a quelques mesures qui vont dans le bon sens. Des simplifications ont été effectuées pour les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ».

Ce texte révèle aussi les limites du « et en même temps » macronien et sur certains sujets comme l’immigration, des divergences fortes du « vieux monde » ressurgissent. On a bien vu apparaître des désaccords de fonds entre l’aile gauche et l’aile droite de Renaissance. « La majorité relative d’Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale est composée du centre-gauche et du centre-droit. Sur le sujet de l’immigration, on retrouve le vieux clivage droite-gauche », analyse Arthur de Watrigant. 

Pour l’heure, le ministre de l’Intérieur a proposé sa démission au chef de l’État qui l’a « refusée ». Il a ensuite fait part de son intention de ne pas retirer le texte.  Il aurait été plus sage de la part du locataire de Beauvau de retirer définitivement le texte et de revenir dans quelques mois avec un projet de loi plus ambitieux.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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