Quand les syndicats détournent les fonds publics en toute impunité

Par Philbert Carbon
28 juin 2023 20:11 Mis à jour: 28 juin 2023 20:13

Dans un article du 30 mai 2023, nous signalions que l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) recevait beaucoup d’argent de l’État pour produire des études de piètre qualité que personne ne lit. La Cour des comptes met aussi en avant le fait que les syndicats y détournent allègrement des fonds.

Un organisme indépendant… dépendant de l’État

Précisons d’emblée que plus de 90% des ressources de l’IRES proviennent de Matignon. Certes, les subventions ont baissé de 12% entre 2015 et 2021 (soit 374.000 €). La mise à disposition d’agents de diverses administrations est une source qui s’est également tarie : ils n’étaient plus que trois en 2021 contre 14 au début des années 2000. De même les subventions de l’Assemblée nationale et du Sénat (100.000 € en 2010) ont disparu depuis 2015. En revanche, la mise à disposition de locaux à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), pour une valeur locative de 254.000 € (valeur 2020) perdure depuis 1999.

Pour un organisme qui, selon ses statuts, « a pour objet d’assurer des activités d’étude et de recherche indépendantes », cette dépendance aux fonds publics est pour le moins paradoxale.

La Cour précise, en outre, que l’IRES a recherché avec un certain succès d’autres fonds pour se financer, notamment en répondant à des appels à projets nationaux et européens. Ce type de financement a représenté jusqu’à 283.000 € en 2019 (269.000 € en 2021) contre 72.600 € en 2014. A la fin de l’année 2021, le montant global de ces projets (pluriannuels) était de 737.500 € provenant pour l’essentiel… d’administrations publiques (DREES, DARES, France Stratégie, ANR, CNSA, ministère de l’Agriculture, mais aussi des collectivités territoriales.

Une partie des subventions perdues ont donc été compensées par des appels à projets provenant d’institutions qui, pour certaines, siègent au conseil d’administration de l’IRES (DREES, DARES, France Stratégie) ! Mais ce copinage éhonté n’est pas le plus grave comme nous allons le voir.
Un financement déguisé des syndicats

Jusqu’en 2017, « deux tiers au moins du montant global des subventions publiques versées à l’Institut » étaient délégués aux organisations syndicales pour qu’elles les affectent au financement de leurs propres études. En 2021, les syndicats absorbaient encore 43% des subventions reçues par l’IRES.

La Cour souligne que nombre d’études syndicales portaient sur des thèmes très éloignés de l’objectif de l’IRES qui est « d’apporter un soutien à la qualité du dialogue social ». Citons, à titre d’exemple : « La Turquie en route vers l’UE ? Une étude de la convergence régionale et structurelle vers l’Union européenne » ; « Croissance et respect de l’environnement : une équation difficile à résoudre pour la Chine » ; « L’impact du bâti scolaire sur l’égalité fille-garçon : le cas des lycées ».

Les magistrats de la rue Cambon indiquent aussi que certaines études reviennent sur des sujets largement couverts par la littérature scientifique. Est-ce à dire que ces études seraient complètement « bidon » et ne serviraient qu’à cacher le subventionnement des syndicats ? Prenons un seul exemple : en 2011, FO obtient un financement de 43.148 € pour une étude sur « les délégués Force Ouvrière au Congrès confédéral 2011 ; en 2015 », il en obtient un autre de 53.566 € pour une étude sur « les délégués Force Ouvrière au Congrès confédéral 2015 ». Au 1er mars 2022, « aucune de ces deux enquêtes n’était achevée, voire commencée » précise le rapport.

Ainsi, non seulement l’IRES n’exerce aucun contrôle sur la qualité et l’intérêt des études confiées aux syndicats ni sur les délais, mais il ne contrôle pas non plus les budgets. Les deux études citées sur les délégués FO méritent-elles un tel financement ? Le coût moyen d’une étude réalisée par un syndicat, pour la période 2015-2020, était compris entre 53.800 € pour l’UNSA et 83.400 € pour la CFDT, alors qu’une étude facturée par l’IRES à l’extérieur était de 35.800 €. Pour la Cour, « les budgets des études des organisations syndicales sont bien supérieurs à ce que nécessite leur réalisation ».

En un mot comme en cent, les syndicats détournent l’argent de l’IRES à leur profit et financent ainsi des postes de permanents. Par exemple, pour l’étude sur le respect de l’environnement en Chine, citée ci-dessus, FO a reçu 78.100 € de l’IRES, ce qui lui a permis de payer un professeur à l’Inalco pour la réaliser. Il a reçu… 5000 € ! Le reste, 73.100 €, a été gardé par le syndicat.

Les frais généraux des études réalisées par les organisations syndicales oscillent ainsi entre 31% pour l’UNSA et 88% pour la CFDT, et trois organisations présentent des taux supérieurs à 80% (CFTC, CFE-CGC et FO). Or, pour la Cour des comptes, le ratio devrait être de 10%. En appliquant ce taux, on se rend compte que les syndicats ont perçu indûment, entre 2014 et 2021, plus de 5 M€.

Frais généraux des études syndicales (2014-2021)

Pour la période 2010-2021, cela représente près de 9 M€ !

Une absence de contrôle

La direction de l’IRES est, bien entendu, coupable d’une grande négligence dans cette affaire. Frédéric Lerais, directeur général depuis 2011, a avoué à la Cour qu’il ne connaissait pas le niveau des frais généraux imputés sur les études commandées par les syndicats. Autant dire qu’il se contente de leur verser les sommes qu’ils réclament !

Il n’est pas le seul coupable. Contrairement à ce que prévoient les statuts de l’IRES d’une part, et la convention pluriannuelle signée avec France Stratégie (institut par lequel transitent les subventions de Matignon) d’autre part, les services du Premier ministre n’ont jamais contrôlé l’organisme. Pour la Cour des comptes, cela « ne respecte pas les dispositions de droit commun en matière de subvention de l’État aux associations, rappelées dans la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015. Ainsi, pour mémoire, l’administration qui accorde la subvention est tenue de vérifier que celle-ci est utilisée conformément à son objet. En cas d’inexécution ou d’exécution partielle, le financeur doit faire procéder au reversement de tout ou partie de la subvention reçue. Or, France Stratégie n’a effectué aucune vérification ce qui, pourtant, ainsi qu’il sera vu plus loin, lui aurait permis de constater qu’une partie de la subvention versée, dans le cadre de l’agence d’objectifs, ne donnait pas lieu à service fait ».

Pour le dire autrement, le Premier ministre et France Stratégie se voilent pudiquement les yeux devant un détournement d’argent avéré.

Ces subventions déguisées aux syndicats sont d’autant plus problématiques qu’il existe, depuis la loi du 5 mars 2014, un fonds national pour le financement du dialogue social doté, en 2021, de plus de 135 M€, dont 88,8 M€ ont été versés aux syndicats. Ils ont donc de quoi financer toutes les études qu’ils veulent.

Supprimer l’IRES

La Cour des comptes fait de multiples propositions pour remettre l’IRES sur de bons rails. Tout cela n’a guère d’intérêt. L’IRES – qui avait en 2021 près de 2,5 M€ de dettes et un fonds de roulement négatif de plus de 45.000 € – a, selon le rapport, un fonctionnement « qui s’apparente dans les faits à une forme de “cavalerie” ». Il faut donc y mettre un terme, tout simplement.

L’État cherche, selon ses dires, à faire des économies. Qu’il commence donc par cesser de subventionner l’IRES. Ce serait un bon début, l’objectif final étant, bien entendu, d’interrompre tout financement public d’organisations qui, non seulement ne sont pas représentatives, mais en plus bloquent le pays, s’attaquent aux entreprises et détruisent des emplois.

Article écrit par Philbert Carbon. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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