Réforme des retraites : des militants PS tiraillés entre « victoire » et « suicide » politique

Olivier Faure devant des militants au siège du Parti socialiste à Valence, dans la Drôme, le 17 avril 2025.
Photo: NICOLAS GUYONNET/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Pour certains, la décision d’Olivier Faure de ne pas censurer le gouvernement Lecornu représente une victoire pour le Parti socialiste ; pour d’autres, elle marque au contraire une soumission à la macronie. Dans les rangs socialistes, les militants oscillent désormais entre espoir, désillusion et colère.
Des militants en plein désarroi
Adhérent depuis la dissolution de l’Assemblée en juillet 2024, Gaël Autier, 27 ans, dirigeant d’une agence de communication dans le Nord, explique avoir rejoint le PS pour « faire barrage au Rassemblement national dans la Flandre française, entre Lille et Dunkerque, que l’extrême droite grignote d’année en année ». Un an plus tard, il juge « très probable » de rendre « incessamment sous peu » sa carte. En cause : la consigne donnée par Olivier Faure aux députés socialistes de ne pas voter la motion de censure de La France insoumise, qui aurait pu renverser le gouvernement de Sébastien Lecornu à 18 voix près.
« Rien n’est assuré, le gouvernement peut encore reculer », s’agace-t-il. « Ce n’est pas une victoire comme le revendique le chef de file des députés Boris Vallaud, mais du suicide politique. Comment le PS peut-il se fourvoyer dans une telle manœuvre ? »
La colère du camp des jeunes
La même amertume domine chez Arsène Dehec, 21 ans, secrétaire de la section PS de Cognac (Charente). Militant depuis l’âge de 15 ans, il déplore que « la suspension telle qu’elle est demandée est loin d’être suffisante vis-à-vis de ce que les Françaises et les Français avaient revendiqué au moment de la réforme Borne ». À ses yeux, « c’est bien son abrogation pure et simple qu’il aurait fallu exiger ».
Le Mouvement des jeunes socialistes a lui aussi condamné le choix du premier secrétaire. Dans un communiqué, il appelait à censurer « sans hésitation » le gouvernement Lecornu pour « enfin tourner la page du macronisme ».
Ceux qui défendent le compromis
Mais pour d’autres, comme Bernard Fernandes, militant depuis 46 ans et témoin de l’élection de François Mitterrand comme des désillusions du tournant de la rigueur, la décision d’Olivier Faure est défendable. « Pour l’avenir du socialisme, il nous fallait obtenir une victoire de la part de Lecornu », affirme ce chef d’entreprise du Val-de-Marne, actif dans les instances fédérales de Seine-Saint-Denis. « Cette suspension, c’est une chose réelle. Il va y avoir un amendement au budget, ce sera marqué. Et c’est aux prochaines élections que la discussion reprendra, fin 2027-début 2028. »
Cette lecture optimiste est également partagée par Luna Dalmazzo, 18 ans, étudiante en classe préparatoire littéraire à Versailles. « Biberonnée à Robert Badinter », elle dit avoir rejoint le PS pour sa « tempérance » et son sens du « compromis ». « C’est une réelle fierté d’être militante socialiste quand on sait qu’on est derrière cette suspension. C’est un soulagement, une sécurité, une pensée particulière pour ces travailleurs, ces ouvriers, ces classes populaires qui n’ont plus dorénavant leur départ à la retraite retardé. »
Maintenir une ligne d’opposition
Entre ces deux visions, certains cherchent à maintenir une position d’équilibre. Emilien Pommier, secrétaire de section aux Mureaux (Yvelines) depuis mai 2025, rappelle que « le Parti socialiste reste évidemment dans l’opposition, on n’a pas peur d’aller à la censure ». Cet étudiant en sciences politiques à Paris-Saclay préfère désormais « aller chercher victoire après victoire au Parlement pour améliorer la vie des Français », en poursuivant les mêmes revendications autour du pouvoir d’achat ou de la taxe Zucman, destinée aux contribuables les plus aisés.
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