Sébastien Lecornu suspend la réforme des retraites, le PS ne censurerait pas le gouvernement

Photo: THOMAS SAMSON/AFP via Getty Images
Sébastien Lecornu évite pour l’instant « la crise de régime ». Le Premier ministre a annoncé, mardi, devant l’Assemblée nationale, la suspension de la réforme des retraites – symbole de la présidence Macron –, obtenant la clémence, au moins temporaire, des socialistes. Ceux-ci en faisaient une condition sine qua non pour épargner la censure au gouvernement et repousser, ainsi, le spectre de la dissolution.
Le Parti socialiste a fait savoir, en réponse, qu’il ne censurerait pas l’exécutif, du moins dans l’immédiat. Saluant, comme la CFDT, dans cette suspension « une victoire » autant qu’un « premier pas qui permet d’envisager les suivants », le chef des députés PS, Boris Vallaud, a dit vouloir « faire ce pari de donner (…) un budget juste au pays ». « Nous serons vigilants à ce que vos mots se traduisent en actes », a-t-il promis.
Les motions de censure déposées par le RN et par La France insoumise, qui seront examinées jeudi matin, ont désormais peu de chances d’être adoptées. Au milieu d’un discours sobre, n’excédant pas la demi-heure, point d’orgue de journées à l’intensité politique rare, la sentence est tombée : « Je proposerai au Parlement, dès cet automne, que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle », a annoncé M. Lecornu dans l’hémicycle du Palais-Bourbon.
« Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir d’aujourd’hui et jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera fixée à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 », a précisé le chef du gouvernement, applaudi par les députés socialistes. Il a également confirmé l’abandon du recours à l’article 49.3 de la Constitution, garantissant que le débat parlementaire – notamment sur le budget – se poursuivra jusqu’au vote.
L’exécutif peut ainsi espérer souffler, après une crise ouverte la semaine passée par un gouvernement Lecornu 1 fragilisé, dès ses débuts, par l’opposition du président des Républicains, Bruno Retailleau. « Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu », avait lancé le Premier ministre au début de son allocution.
Un an après la dissolution décriée de 2024, la pression s’est à nouveau accrue sur le président Macron. Son premier chef de gouvernement, Édouard Philippe, l’avait même invité à démissionner une fois le budget voté, afin d’ouvrir la voie à une présidentielle anticipée. Renommé vendredi dernier, M. Lecornu disposait, selon l’Élysée, d’une « carte blanche ».
Mardi matin, Emmanuel Macron avait une dernière fois mis en garde les oppositions, qualifiant, en Conseil des ministres, les motions de censure à venir de « motions de dissolution ». Le PS avait exigé la « suspension immédiate et complète » de la réforme, l’abandon du 49.3 et un assouplissement de la trajectoire budgétaire, menaçant de déposer sa propre motion en cas de réponse négative.
Adopté mardi matin, le projet de budget de l’État – qui devrait être amendé par le Parlement – table sur un effort de 30 milliards d’euros, fondé sur des hypothèses jugées « optimistes » de croissance pour 2026, selon le Haut Conseil des finances publiques.
Le déficit devra « dans tous les cas » être inférieur à 5 % à l’issue du débat parlementaire, a précisé le Premier ministre, après avoir présenté un budget affichant un déficit à 4,7 % du PIB. Il a par ailleurs reconnu « des anomalies » dans la fiscalité des plus grandes fortunes et souhaité « une contribution exceptionnelle » des plus riches dès le prochain exercice.
Sébastien Lecornu a annoncé la tenue d’une « conférence » sur les retraites et le travail avec les partenaires sociaux, ainsi qu’un nouvel « acte de décentralisation » via un projet de loi attendu en décembre. Mais, dans sa décision de ne pas censurer le gouvernement, le PS se retrouve isolé à gauche.
La présidente des écologistes, Cyrielle Chatelain, a confirmé que son groupe « ira à la censure », dénonçant une « petite suspension » de la réforme. Même tonalité offensive chez Stéphane Peu, chef des députés communistes et ultra-marins, qui voteront la censure. Le patron du PCF, Fabien Roussel, a toutefois évoqué « une première victoire ».
« Une réforme imposée contre tout un peuple (…) ne se suspend pas, elle s’abroge », a martelé Mathilde Panot, cheffe de file des Insoumis, refusant de participer au « sauvetage » du gouvernement.
Dans le camp présidentiel, les divisions persistent. Le parti Horizons d’Édouard Philippe a rappelé ses réserves : « Suspendre la réforme des retraites » est, selon Paul Christophe, « une dangereuse facilité ».
À l’inverse, l’entourage du garde des Sceaux, Gérald Darmanin, proche de M. Lecornu, estime que « la chute du gouvernement coûterait plus cher à la France qu’une suspension de quelques mois » de la réforme.
À droite, Bruno Retailleau (LR) accuse l’exécutif d’être « l’otage des socialistes », tandis que Jordan Bardella (RN) raille « l’amicale des sauveurs d’Emmanuel Macron » unis, selon lui, par « la peur des urnes ».

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