Temps d’écrans des enfants: de la « régulation » plutôt que des « interdictions »

Par Linh Dang
3 février 2024 14:10 Mis à jour: 4 février 2024 04:48

Les réseaux sociaux ou les vidéos en ligne, « c’est comme une drogue » : les enfants passeraient trop de temps devant les écrans, risquant leur développement intellectuel.

« Quand t’es tout le temps sur l’écran, c’est comme une drogue, tu ne peux plus t’en empêcher après », reconnaît Bilal, 15 ans, patientant devant son collège de Mantes-la-Jolie (Yvelines) avant son ouverture. Comme la vingtaine de ses camarades rassemblés devant l’établissement, l’élève de 3ème a les yeux rivés sur son portable dont « il ne peut pas se passer », à regarder des vidéos sur le réseau social TikTok.

« Je pense faire partie des personnes accro aux écrans, je fuis la réalité », confie Lila, 14 ans, collégienne de 3ème à Courbevoie (Hauts-de-Seine). L’adolescente qui n’a pas droit aux réseaux sociaux, explique regarder « beaucoup la télé le week-end », et utiliser Whatsapp pour parler avec ses amis, un besoin pour « sociabiliser ».

Le groupe d’experts rattaché à l’Élysée chargé d’évaluer l’impact des écrans sur les jeunes proposera « des recommandations de régulation » chez les enfants et des mesures d’accompagnement pour les adultes, a déclaré le 1er février la ministre de la Santé Catherine Vautrin.

Un groupe d’expert pour des « recommandations de régulation »

En ouvrant une conférence de presse sur le sujet au ministère, Mme Vautrin a rappelé que le Président de la République, Emmanuel Macron, a constitué « un groupe d’experts, issu d’horizons divers » (professionnels de santé, spécialistes du développement des enfants, acteurs de l’industrie, sociologues, philosophes, acteurs associatifs…).

Ce groupe d’experts, composé de dix membres, est co-présidé par Amine Benyamina, chef du département de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital universitaire Paul-Brousse, et Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste.

Leurs conclusions, attendues « en avril », devront « faire émerger un consensus scientifique sur les conséquences des écrans sur la santé des jeunes ». Le groupe aura à « évaluer l’efficacité de l’ensemble des dispositifs » déjà mis en place et devra « proposer des recommandations de régulation concernant l’utilisation des écrans chez les enfants et l’accompagnement des adultes », a détaillé la ministre.

Les écrans, Bilal les regarde « pour se divertir. PS5, Iphone, ordinateur : le collégien y consacre en tout « 5 heures par jour », en-dessous de la moyenne – 6h18 – selon un autre baromètre sur les adolescents publié fin janvier, par la structure « Notre avenir à tous » et Ipsos.

Résultat : 5, 6 heures de sommeil « pas assez » selon l’intéressé et des « tensions de temps en temps » avec ses parents concernant la télé installée dans sa chambre, énième écran contre lequel lutter le soir. Son remède face à tout ça ? Nina, sa chienne. « Quand je joue avec elle, que je la promène, j’oublie que j’ai un Iphone », sourit-il.

« On n’est pas au cœur de chaque foyer »

« Je pense qu’il n’y a pas un parent qui ne souhaite pas être le plus informé possible de la manière dont il doit protéger son enfant », a jugé Mme Vautrin, rappelant que les enfants de deux ans passent en moyenne 56 minutes par jour devant un écran. Les parents sont « parfois décontenancés par la dispersion des acteurs et des dispositifs existants », a-t-elle jugé.

Interrogée sur l’idée de décréter des interdictions, la ministre a semblé écarter cette possibilité : « On n’est pas au cœur de chaque foyer. En revanche, prévenir, informer pour aider, c’est beaucoup plus efficace », a-t-elle dit. Emmanuel Macron n’avait pas exclu mi-janvier qu’il y ait « des interdictions » et des « restrictions » dans l’usage des écrans par les enfants, après avoir réuni une première fois le groupe d’experts.

Selon une enquête Ifop pour la Fondation pour l’Enfance réalisée en novembre, 71% des parents des enfants de moins de six ans ont constaté des effets négatifs sur le comportement de leur progéniture avec l’exposition aux écrans. Environ 96% des parents estiment que l’usage des écrans affecte le développement des enfants.

Léa, 13 ans, en 5ème, n’est elle pas seule face aux écrans. « J’ai entendu par mes parents, par les infos que ça pouvait être pas bon pour la mémoire, les yeux, qu’on pouvait avoir mal à la tête, être fatigué », indique-t-elle à l’AFP. Collégienne au Vésinet, elle détient un portable depuis la rentrée 2023. Elle s’est rapidement imposée des restrictions pour ne pas s’enfermer dans une « bulle déconnectée de la réalité » : « pas de Snapchat, j’ai laissé tomber Insta ». Et TikTok ? « Pas intéressant, pas intelligent », tranche Léa. Si elle ressent parfois un « tout petit manque » en l’absence des écrans, elle ne manque pas d’activités pour compenser : jeux de société, lectures ou encore créations d’origami.

40% des parents dépassés

Quelque 40% des parents se disent dépassés par l’usage des outils numériques en famille, quand 48% en ont une utilisation stricte et contrôlée, selon l’enquête publiée jeudi auprès de 600 parents d’enfants de moins de six ans et 300 sages-femmes et puéricultrices.

Du côté des professionnels de la petite enfance, 72% estiment que les parents ne sont pas suffisamment informés des étapes du développement cognitif et émotionnel du jeune enfant et 68% des impacts du numérique sur celui-ci.

Les professionnels jugent que les recommandations des autorités de santé sur l’usage des écrans par les tout petits sont claires (91%) et facilement applicables (75%), un sentiment partagé par une majorité de parents (71%).

Une étude aux méthodes similaires de « méta-analyse », parue en novembre dans la revue Nature Human Behaviour, apporte également des conclusions mesurées. Elle pointe, par exemple, des résultats « mitigés » en matière d’éducation : l’utilisation d’écrans est généralement associée à des capacités de lecture plus faibles, mais ces capacités sont au contraire plus élevés que la moyenne lorsque les écrans sont utilisés avec les parents. Dans le domaine de la santé, l’étude relève « plusieurs faibles impacts négatifs ».

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