Une jeune avocate chinoise persécutée pour un article sur le Covid reste déterminée à défendre ses droits

Par Sophia Lam
26 septembre 2023 13:43 Mis à jour: 26 septembre 2023 13:43

La censure sévère de la liberté d’expression en Chine, y compris en ligne, cible non seulement les citoyens ordinaires, mais aussi les avocats, qui ont du mal à se protéger, malgré leurs connaissances juridiques.

Une jeune avocate chinoise a été sanctionnée et persécutée pendant les trois dernières années pour avoir publié en ligne ce qu’elle a vu à Wuhan, la capitale de la province centrale du Hubei, où la pandémie de Covid s’est déclarée il y a trois ans.

Liu Yingying, une avocate d’une trentaine d’années originaire de la province centrale du Henan, a écrit un court article le 26 mars 2020 sur ce qu’elle a vu à Wuhan après l’apparition de la pandémie.

L’association locale des avocats de la ville de Zhengzhou, dans la province du Henan, a adressé un avertissement à Melle Liu le 2 avril 2020, quelques jours seulement après la publication de son article. Son patron l’a ensuite forcée à quitter le cabinet d’avocats, a t-elle raconté dans une récente interview à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times.

Elle affirme avoir été contrainte de passer d’un cabinet d’avocats à un autre ces trois dernières années. Les autorités ont exercé des pressions sur chacun des cabinets concernés qui ont fini par lui demander de partir.

Contrainte et persécutée pour un article en ligne

Dans un article de moins de 700 mots intitulé « Aujourd’hui, des membres de la famille font la queue pour récupérer les cendres [de leurs proches décédés] au funérarium de Hankou, » Liu Yingying a exprimé sa tristesse pour les personnes décédées pendant la pandémie, ainsi que pour leurs familles. Elle a également critiqué les fonctionnaires qui ont dissimulé et menti au sujet de la pandémie, et a appelé les autorités à punir les fonctionnaires qui ont manqué à leurs devoirs.

Elle a également mentionné Fang Fang, une écrivaine populaire en Chine, et le journal que cette dernière a tenu sur la pandémie lorsqu’elle était bloquée à Wuhan. Melle Liu a également parlé des nombreux téléphones portables abandonnés qui jonchaient le sol, du journaliste Zhang Zhan qui a tenté de rendre compte de la situation réelle concernant la pandémie à Wuhan, mais qui a été condamné à quatre ans de prison, et de Xie Yanyi, un avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme qui a demandé aux autorités sanitaires chinoises de divulguer des informations sur la propagation de la pandémie.

Des habitants font la queue pour récupérer les cendres des membres de leur famille décédés du virus Covid-19 au funérarium de Hankou à Wuhan, en Chine, le 25 mars 2020. (Mao Daqing/Weibo)

« Les morts ne sont plus parmi nous, mais pour autant, il ne faut pas s’arrêter là et demander des comptes à ceux qui les ont tués. J’espère que tous les membres du personnel responsables de cette pandémie seront traduits en justice le plus rapidement possible et qu’ils seront punis comme il se doit, » a écrit Melle Liu.

L’article a été rapidement supprimé par le régime chinois. Une copie de son article de est toujours disponible sur le site web de China Digital Times, une organisation à but non lucratif qui s’efforce d’archiver les articles en ligne des écrivains suffisamment téméraires pour dire la vérité sur la Chine avant que ces articles ne disparaissent aux yeux des lecteurs.

Très rapidement, les autorités locales lui ont rendu visite au sujet de l’article. L’association des avocats de Zhengzhou a enquêté sur elle.

Selon elle, Wu Zongzhang, son ancien patron et directeur du cabinet d’avocats Zhengzhou Guoyin, était également le directeur du conseil disciplinaire de l’association des avocats de Zhengzhou.

« J’étais jeune et je faisais confiance à Wu Zongzhang, qui avait été mon mentor pendant plus d’un an lors de mon stage au cabinet, » a t-elle expliqué.

Elle a suivi M. Wu à trois reprises jusqu’à l’association locale des avocats pour coopérer avec eux dans le cadre de leur enquête.

« Je ne savais pas du tout pourquoi ils enquêtaient sur moi. Lorsque je m’y suis rendue pour la troisième fois, l’enquêteur m’a remis un avertissement et j’ai compris qu’ils voulaient me punir, » a t-elle ajouté.

L’« Avis sur la décision relative aux sanctions industrielles » publié par l’Association des avocats de Zhengzhou le 2 avril 2020, indique que l’association avait décidé de donner à Liu Yingying « un avertissement à titre de mesure disciplinaire » parce qu’elle était « soupçonnée d’utiliser Internet et les médias pour diffuser des informations non vérifiées, instiguer et répandre un discours anti-gouvernemental ». Selon l’avis, l’article de Melle Liu a été vu plus de 500.000 fois, a été partagé par plus de 10.000 personnes et a reçu plus de 4000 commentaires, « causant un certain niveau d’impact social négatif ».

À ce moment-là, M. Wu l’a forcé à quitter son emploi au cabinet d’avocats Zhengzhou Guoyin et a envoyé un employé à son domicile, qui l’a contrainte à signer une lettre de démission préparée à l’avance.

« Zhengzhou ne vous accueille plus, ni la province du Henan, » lui a lancé son ancien patron.

Elle a dû quitter la ville obligée de passer d’un cabinet d’avocats à l’autre. Cette situation s’est prolongée pendant les trois années suivantes. Elle a indiqué qu’elle se trouvait maintenant dans la ville de Shenzhen, dans le sud de la Chine, et qu’elle était confrontée au même sort, à savoir devoir quitter le cabinet d’avocats pour lequel elle travaillait.

« Ils ne m’autorisent à prendre en charge aucune affaire ; ils me forcent à partir de cette manière, » a-t-elle expliqué.

« Je ne peux pas continuer à errer d’un endroit à l’autre à travers le pays comme ça, juste à cause d’un simple avertissement, » a confié Liu Yingying à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times le 13 septembre.

« Mais pourquoi devrais-je errer ? Parce que j’ai dit la vérité ? » a t-elle poursuivi, ajoutant qu’elle avait décidé de se défendre en faisant appel à la justice.

Elle a demandé de l’aide à l’Association nationale des avocats de Chine le 9 septembre et a intenté une action en justice auprès d’un tribunal local de Zhengzhou contre l’Association des avocats de Zhengzhou le 12 septembre.

Voix de soutien

Le China Human Rights Lawyers Group, fondé en 2013 par Wang Cheng, Tang Jitian et Jiang Tianyong, a pris sa défense le 8 avril 2020, dénonçant le régime pour avoir persécuté Melle Liu et appelant à la liberté d’expression, a rapporté Radio Free Asia en 2020.

« La liberté d’expression est un droit de l’homme fondamental. La décision de l’association des avocats de Zhengzhou viole l’article 35 de la Constitution chinoise et amène également le gouvernement chinois à enfreindre des documents juridiques internationaux tels que les Principes de base relatifs au rôle des avocats des Nations unies, que la Chine a signés en 1988, » a indiqué le groupe d’avocats chinois spécialisés dans les droits de l’homme.

Un avocat exerçant sous le pseudonyme « Lawyer Wang » a exprimé sur les médias sociaux chinois son opinion sur le fait que Mme Liu était punie pour les mots qu’elle avait écrit, et que ce sont les personnes et les organisations qui l’ont sanctionnée qui sont dans leur tort.

« Je soutiens ses déclarations et exprimerai mes préoccupations quant aux éventuels revers et autres sanctions dont elle pourrait faire l’objet », a déclaré l’avocat Wang.

Un habitant de Zhengzhou utilisant le pseudonyme « M. Hou », qui avait déjà bénéficié des services juridiques de Melle Liu, a expliqué à Epoch Times : « Melle Liu est une avocate qui a un sens aigu de la justice, elle a le courage de s’exprimer et est pleine de vitalité. J’espère qu’un plus grand nombre de personnes pourront manifester leur inquiétude face à ce qui est arrivé à Melle Liu et la soutenir ».

L’édition en langue chinoise d’Epoch Times a contacté le cabinet d’avocats Guoyin à Zhengzhou le 13 septembre. Un représentant de la société a fait savoir que le directeur Wu Zongzhang n’était pas au bureau et que MelleLiu n’était plus avocate au sein du cabinet pour avoir signé sa lettre de démission et quitté le cabinet de son plein gré.

Epoch Times a appelé l’Association des avocats de Zhengzhou le même jour, mais l’organisation a refusé de faire des commentaires.

Li Xi a collaboré à cet article.

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