Chapitre 1 – La logique du dictateur

Par Michel Wu
16 septembre 2019 22:25 Mis à jour: 10 mai 2021 06:16

Epoch Times est fier de republier «Une persécution sans précédent : la destruction de la bienveillance humaine» (« An Unprecedented Evil Persecution: A Genocide Against Goodness in Humankind » éd. Dr. Torsten Trey et Theresa Chu. 2016. Clear Insight Publishing). Le livre aide à la compréhension des prélèvements forcés d’organes en Chine en expliquant la cause profonde de cette atrocité: le génocide commis par le régime chinois contre des pratiquants de Falun Gong.

Michel Wu, a été journaliste pour le journal étatique Xinhua International au service des actualités. Il a été l’ancien directeur du service en Mandarin de Radio France International (RFI).

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En octobre 1999, Alain Peyrefitte, directeur éditorial du Figaro, un des plus grands journaux de France, organisait une interview écrite avec Jiang Zemin, alors à la tête du Parti communiste chinois (PCC), avant sa venue en France. Les questions de cet entretien avec Jiang concernaient la Chine, la France et d’autres parties du monde.

Pour tenter de se justifier d’avoir déclenché la violente persécution du Falun Gong six mois plus tôt, Jiang a saisi l’occasion pour prendre activement le contrôle des médias internationaux en qualifiant le Falun Gong de « secte perverse ».

Pour cette annonce le PCC a spécifiquement choisi la France, pour deux raisons : Premièrement, suite au scandale de l’affaire de l’Ordre du Temple solaire qui avait bouleversé le monde entier, la France avait adopté une série de mesures administratives et juridiques visant à empêcher les sectes de proliférer dans le pays. Le PCC a donc considéré cette période particulière comme une bonne opportunité pour semer la confusion entre les valeurs du bien et du mal.

La seconde raison est que les médias français apprécient beaucoup les interviews avec des dignitaires étrangers pour se maintenir dans la rude compétition sévissant sur le marché audiovisuel. Le PCC a joué le jeu en accordant au Figaro le privilège d’interviewer Jiang, à la condition que l’intégralité du texte soit publiée. Alain Peyrefitte, à la recherche d’une notoriété tant politique que médiatique, a obéi aux exigences du PCC.

Le jour de l’arrivée de Jiang en France, Le Figaro publiait l’entretien complet comme il avait été convenu. Cette interview a largement troublé l’opinion publique nationale : certains journalistes ont ensuite repris sans considération les paroles de Jiang tandis que d’autres ont gardé le silence, de peur d’attirer l’attention sur les arrestations, détentions, tortures et lavages de cerveau qui continuaient de viser les pratiquants de Falun Gong en Chine.

Au début des années 90, le PCC dirigeait déjà la Chine depuis plus de quarante ans, quarante années au cours desquelles des centaines de millions de personnes innocentes ont immensément souffert. Les citoyens chinois commençaient à douter de l’idéologie communiste et beaucoup aspiraient à renouer avec leurs racines traditionnelles et spirituelles. Le Falun Gong, une méthode de pratique intérieure issue de l’école bouddhiste reposant sur les principes d’Authenticité, de Bienveillance et de Tolérance, avait attiré une très grande attention à tous les niveaux de la société chinoise en un temps étonnamment court. Dans un premier temps, les médias officiels du PCC avaient présenté le Falun Gong comme étant « totalement bénéfique et inoffensif ». En 1998, six ans après sa présentation au public, plus de cent millions de personnes – selon les propres estimations des autorités – pratiquaient le Falun Gong. Mais plus la pratique gagnait en popularité et plus le PCC commençait à changer son point de vue sur le Falun Gong.

Depuis que le PCC a pris le pouvoir en Chine, il a maintenu strictement un principe fondamental : ne jamais permettre l’existence parallèle d’autres organisations. Le PCC considère la loi de la verticalité comme une condition essentielle à sa survie. Les prétendues « Conférences consultatives politiques du peuple chinois » n’ont jamais été rien d’autre qu’une façade. Les membres doivent déclarer leur loyauté envers le PCC. De la Conférence représentative du peuple aux organisations communautaires comme l’Union du travail, la Ligue de la Jeunesse communiste, la Fédération des femmes et d’autres organisations dans les usines, les écoles, les magasins, les quartiers et les villages, toutes les organisations doivent établir des comités et sous-comités du PCC. C’est une des caractéristiques de la réalité politique en Chine. Comme il y avait plus de pratiquants de Falun Gong que d’adhérents au PCC, le Falun Gong a atteint une position proéminente sur la scène nationale. La pratique a sans le vouloir, menacé la survie du régime. Les principes mis en avant par le Falun Gong sont diamétralement opposés aux principes du Parti. Cependant, avant la répression, ces principes étaient reçus avec dévotion et respect par des centaines de millions de personnes – y compris des membres du PCC. Dans le sillon des bouleversements qui avaient touché l’Union soviétique et d’autres régions d’Europe de l’Est quelques années plus tôt à peine, le PCC est devenu extrêmement méfiant. Il a fait la comparaison entre le Falun Gong, apolitique, et le syndicat polonais Solidarność.

Lorsque le PCC a conclu que le Falun Gong représentait une menace conséquente pour son pouvoir, la frénésie l’a emporté et une répression barbare s’en est suivie. Après le massacre de la place Tiananmen de 1989, un nouveau groupe de personnes innocentes est devenu la cible principale de la persécution. Comme lors de précédents mouvements politiques, des arrestations de masse ont eu lieu dans tout le pays. La diffamation, alimentée par des mensonges, précédait de peu la détention, l’emprisonnement et le lavage de cerveau. Le but était d’utiliser de fausses accusations pour forcer la population ignorante des faits à soutenir le PCC et « détruire » le Falun Gong sur tous les fronts et à tous les niveaux.

J’ai commencé mes études universitaires en 1956. Comme beaucoup de mes jeunes amis, j’aimais jouer au basket. Un jour nous avions décidé d’organiser un tournoi de basket interclasses. Avant le début du premier match, un étudiant plus âgé que nous, est arrivé sur le terrain. Il nous a sévèrement interrogés : « Que faites-vous tous ? » J’ai poliment répondu que nous faisions un match de basket. « Un match de basket ? Avez-vous reçu la permission du sous-comité du Parti ? » Je lui ai répondu que non. Il nous a aussitôt réprimandés : « Le sous-comité du Parti n’est pas au courant ? Disparaissez ! » C’est alors que nous avons compris que cet étudiant, avant d’entrer à l’université, était déjà un représentant du Parti. Il était en première année mais aussi secrétaire du sous-comité du Parti. C’est ainsi que j’ai pris connaissance de l’organisation du Parti.

Un an plus tard, un article intitulé « Pourquoi est-ce ainsi ? » publié par le Quotidien du Peuple, le journal porte-parole du PCC, avait déclenché le début de la campagne anti-droitiste. Des articles au sujet de ces droitistes « anti-Parti et anti-socialisme » étaient sans cesse publiés. Vingt ans plus tard, j’ai rencontré un camarade de classe « droitiste ». Après avoir un peu discuté, j’ai découvert qu’il n’était plus « droitiste ». Il m’a souri d’un air ironique et a indiqué : « Oui, ils m’ont encore enlevé mon bonnet d’âne. »

Le début de la Révolution culturelle en 1966 avait été déclenché par la critique d’un jeu historique. Un jour alors que les Gardes rouges de Mao occupaient le service éditorial de l’agence de presse Xinhua, j’avais par hasard rencontré Mu Qing, l’éditeur en chef de Xinhua qui avait été physiquement assailli, traité d’animal démoniaque et condamné à la rééducation par le travail pour ses positions politiques subversives. Curieux d’en apprendre plus à ce sujet, je lui ai demandé : « Comment as-tu pris le chemin du capitalisme ? » Il a répondu, un peu confus : « Moi ? Après avoir été révolutionnaire communiste pendant trente ans, je n’avais toujours pas compris Marx et Lénine… »

Le soir du 3 juin 1989, le premier jour des manifestations étudiantes, j’avais appelé Pékin depuis Paris pour m’informer : « Que se passe-t-il ? Qui sont ces voyous sur la place Tiananmen ? » La réponse avait fusé et la communication avait été coupée : « Tu parles. L’armée a déjà pris le contrôle du siège ! » Chaque grand mouvement politique commence par le contrôle absolu sur les médias. C’est le modus operandi de tous les régimes totalitaires.

La campagne médiatique contre le Falun Gong a commencé le 17 juin 1996 dans le Guangming Daily. Plus d’une dizaine de journaux et de magazines ont suivi le mouvement. Le 23 juillet 1999, le Quotidien du Peuple a publié un article disant : « Prenez conscience. Regardez le danger en face. Tenez-vous en strictement aux règlements. Sauvegardez la stabilité. » Sur un ton sévère, l’article accusait le Falun Gong d’être une « organisation illégale ». C’était comme le son du clairon appelant à réprimer et éradiquer le Falun Gong. En même temps, le PCC a mobilisé toutes les organisations religieuses, civiles et académiques déjà sous son contrôle à coups de discours et de conférences anti-Falun Gong. Un crime innommable a été commis par des attaques écrites et verbales organisées et orchestrées, déclenchant un mouvement politique tragique et sans précédent.

Les noms utilisés contre le Falun Gong changeaient constamment : organisation illégale, groupe sectaire, organisation réactionnaire hostile, instrument politique de l’Occident contre la Chine, organisation anti-gouvernementale, force politique et groupe politique réactionnaire, organisation terroriste. Toute cette propagande irresponsable a provoqué la confusion chez mes collègues français.

J’avais fait mes adieux à l’agence Xinhua après la tragédie du 4 juin 1989 à Pékin et accepté l’invitation du conseil d’administration de Radio France Internationale (RFI), afin de créer une chaîne chinoise en France à destination d’un auditoire en Chine continentale. Peu après la visite de Jiang en France, l’ambassade chinoise a envoyé une personne s’entretenir avec Jean-Paul Cluzel, le Président de RFI au sujet de cette chaîne chinoise. M. Cluzel avait demandé à ce que le responsable de cette chaîne chinoise puisse aussi participer à cette rencontre. Le diplomate chinois avait rejeté catégoriquement cette proposition. Après la rencontre, M. Cluzel a déclaré en souriant : « Je viens de rencontrer un Garde rouge ! »

Peu de temps après, un autre diplomate de Pékin m’a invité à prendre un café. Il n’a pas tourné autour du pot : « Je veux vous parler de la question du Falun Gong. Ne parlez pas du Falun Gong dans les programmes chinois dont vous êtes responsable. » Je lui ai demandé pourquoi. Il a répondu sans hésiter : « Le Falun Gong est une secte, je vous ai apporté de nombreux documents. » De sous la table, il a tiré un grand sac rempli de documents, de brochures, d’affiches, de vidéos et de CD de propagande anti-Falun Gong.

Je lui ai expliqué clairement : « C’est vous qui employez le terme de secte. RFI est un média indépendant. Sans investigation indépendante, nous ne pouvons pas écrire d’articles sur le Falun Gong et encore moins d’articles à partir de ce que vous dites. » J’ai alors suggéré : « La question du Falun Gong a été politisée et portée sur la scène internationale, les autorités de Chine continentale devraient ouvrir la porte aux médias internationaux et autoriser des enquêtes indépendantes au sujet du Falun Gong. »

Peu de temps après la visite de Jiang en France, avec mes collègues nous avions découvert un article spécial ciblant le Falun Gong sur le site Internet de l’ambassade de Chine. Cette ferveur inconditionnelle qui continue de pousser les organes diplomatiques à considérer négativement le Falun Gong peut tromper les gens un moment, mais finira certainement par éveiller les soupçons et semer le doute.

Jiang a utilisé Le Figaro pour influencer l’opinion publique et tromper les Français, mais il n’a pas pu empêcher les autorités ni les esprits curieux en France d’explorer les faits autour du Falun Gong. En novembre 2002, le gouvernement français a promulgué un décret et établi la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires directement sous la supervision du Premier ministre. Cette mission est chargée de « maintenir la vigilance et lutter contre la prolifération des sectes » et d’« observer et analyser le phénomène des sectes à travers leurs actions contre les droits de l’homme et les libertés fondamentales ». Ce groupe de travail est aussi responsable de « coordonner les pouvoirs publics dans la prévention et la répression des actions sectaires ».

Le gouvernement n’a pas cité le Falun Gong dans la liste des sectes à surveiller et réprimer. Jusqu’à aujourd’hui, chaque week-end sans exception, les pratiquants de Falun Gong se rassemblent devant la Tour Eiffel et dans d’autres parcs pour pratiquer les exercices en groupe. Leur « Fanfare du Pays céleste » participe régulièrement aux grandes activités culturelles organisées par le gouvernement. Par ailleurs, les pratiquants de Falun Gong ont organisé plusieurs conférences et forums d’information au sein du Parlement français pour aider les gens à comprendre ce que sont vraiment le Falun Gong et sa persécution.

Par contre, les demandes d’autorisation déposées par les pratiquants de Falun Gong, pour organiser des manifestations silencieuses devant l’ambassade de Chine ont été systématiquement refusées par les services de la police française, avec chaque fois de nouveaux motifs. En juillet 2009, les pratiquants de Falun Gong ont finalement déposé une plainte contre les autorités policières françaises. Le tribunal administratif de Paris a émis un jugement favorable au Falun Gong et a ordonné à la police de verser 1000 euros de compensation à l’Association Falun Dafa France.

Sans une connaissance suffisante de la culture traditionnelle chinoise et sans expérience de l’État communiste moderne, il est en effet difficile aux étrangers de comprendre d’emblée la vérité au sujet du Falun Gong. Le Falun Gong est en effet différent des nombreux groupes qui ont été réprimés au cours des différentes périodes de l’histoire du PCC. Il ne s’est pas laissé écraser ou disperser par la pression de la propagande et la violence de la persécution. Dans sa résistance face à la tyrannie, le Falun Gong a été le premier groupe à révéler la véritable histoire et la véritable nature du PCC en publiant une série éditoriale intitulée Neuf Commentaires sur le parti communiste. Malgré la sévérité de la persécution, le Falun Gong a ouvert une voie innovante au journalisme chinois en établissant hors de Chine le journal Epoch Times, la chaîne de radio Sound of Hope et New Tang Dynasty Television (NTDTV), ainsi qu’un grand nombre d’autres médias indépendants.

Je suis convaincu que les pratiquants de Falun Gong, en tant que groupe atypique contre la tyrannie, seront capables de réussir leur rêve de « faire retrouver la gentillesse au monde humain et de rendre la clarté aux rivières et aux montagnes » du moment que ces pratiquants, qui ont été jetés sur l’avant de la scène de l’histoire, maintiennent un cœur pur et s’éloignent de la poussière séculaire.

Par ailleurs avec un courage sans égal et une conviction morale à toute épreuve, les pratiquants de Falun Gong ont dénoncé les actions inconcevables du PCC auprès des organisations internationales, et ont intenté des actions en justice contre un grand nombre de dirigeants du PCC devant les cours de justice étrangères. Ils ont aussi récemment créé la compagnie Shen Yun Performing Arts qui a pour mission de promouvoir la culture traditionnelle chinoise et organisé plusieurs concours culturels et artistiques internationaux. Les pratiquants de Falun Gong ont rejoint les rangs de toutes les victimes du communisme et se sont engagés à lutter contre ce système répressif de contrôle jusqu’à ce que toutes les victimes, et en particulier les victimes chinoises, soient libérées et puissent à nouveau jouir des libertés d’une société démocratique.

Peu après le début de la persécution du Falun Gong, un groupe de personnes qu’on a plus tard appelé les « pétitionnaires » a attiré toute l’attention des autorités de Pékin. Sous prétexte de développement économique sous le monopole d’un Parti unique, ces personnes ont été réprimées par des responsables corrompus, leurs familles ont été brisées et elles n’ont trouvé aucune institution vers qui adresser leur requête. Année après année, et prenant de grands risques, elles continuent d’affluer vers Pékin dans l’espoir de faire appel et de plaider pour un peu de justice. Ces pétitionnaires sont la plupart du temps chassés, voire jetés dans des prisons clandestines. Il est fort à craindre que ces pétitionnaires représentent un nouveau groupe de victimes chinoises du communisme. L’étiquette politique collée par le PCC sur ce groupe n’a toujours pas été retirée.

Les soi-disant Messieurs de la société choisissent d’ignorer la perversité du communisme et refusent d’aider ceux qui sont en danger. De plus, ils s’expriment pour défendre le totalitarisme et ont même hâte de participer aux actions communistes. Je me demande s’ils ont réfléchi sur cette gloire éphémère qui ne leur amènera, à eux-mêmes et à leurs descendants, qu’une disgrâce éternelle.

Alain Peyrefitte semble être une personne qui a été « charmée par Zhou Enlai – ancien chef d’État sous le règne communiste – sans possibilité de se rétracter ». Après son décès, le PCC lui a érigé une statue sur le campus de l’Université de Wuhan pour que les étudiants lui rendent hommage. Mais de quoi se souvient la jeunesse chinoise à son sujet ? En plus de s’être rendu complice de Jiang en contribuant à la souffrance de millions de personnes, il a publié en 1973 un ouvrage de propagande : Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. Ce livre tente de donner une dimension sensationnelle à la Chine de la période épileptique de la Révolution culturelle. Les proches de M. Peyrefitte ont commenté que la Chine dont il était question dans son ouvrage était celle décrite par Zhou Enlai. L’auteur a répliqué qu’avec une population immense et une force économique et technologique considérable, la Chine trouverait sa place dans le monde. En réponse à ce postulat, un lecteur a écrit : « Si la démocratie n’est pas embrassée, si la dictature communiste n’est pas abandonnée, l’émergence de la Chine en superpuissance n’est que pure illusion. »

*Le terme originel en chinois « xiu » « lian », se réfère à ces anciennes méthodes de développement intérieur où l’on raffine, en même temps, l’esprit et le corps (xiu = cultiver et lian = forger).

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