Xi Jinping réussit-il à déjouer ses ennemis, du moins pour l’instant ?

Par Gregory Copley
15 avril 2024 06:29 Mis à jour: 15 avril 2024 13:37

Le chef du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, donne l’impression de défier la pesanteur en réussissant à faire échouer l’économie chinoise – en la ramenant à un modèle maoïste de « circulation interne » – tout en semblant avoir déjoué ses ennemis au sein du PCC et le grand public.

L’analogie pourrait être celle d’un parachutiste qui saute d’un avion sans parachute et qui, en redescendant, se dit : « Jusqu’à présent, tout va bien ».

En fin de compte, Xi Jinping devra se contenter de la réduction à court terme de la portée stratégique de la Chine en raison de l’effondrement économique, ou il sera remplacé à la tête du pays par son propre parti – ou les deux.

Cette illusion d’optique ne devrait pas durer longtemps. La seule question est de savoir quels seront les signes précurseurs explosifs d’un changement en Chine continentale.

Il existe toutefois de bonnes raisons pour lesquelles l’inertie de la politique du PCC a donné l’impression d’un contrôle total du Parti et de la Chine continentale par Xi.

La mise en œuvre à Hong Kong, le 23 mars, du nouveau code de sécurité – l’ « article 23  » – qui supprime bon nombre des derniers vestiges de l’indépendance de la ville, montre que l’administration Xi craint toujours de voir apparaître des signes manifestes de la séparation de Hong Kong, et qu’elle est prête à sacrifier le statut économique unique du territoire en tant que porte d’entrée pour les investissements sur le marché chinois.

Xi parle d’accorder une plus grande attention à la restauration de l’économie de marché, mais ses actions montrent toutes une suppression agressive de celle-ci.

Pour l’instant, malgré le mécontentement largement diffusé dans les rangs de ses opposants au sein du PCC, et les protestations croissantes de la population, Xi a redoublé d’efforts pour purger ses rivaux politiques et renforcer la répression de la latitude économique du pays. Il a fait cela tout en permettant à ses fonctionnaires de parler de mesures de soutien économique pour aider l’industrie du logement, les investissements étrangers, etc.

En fin de compte, Xi comprend que la plupart des médias, des investisseurs et des personnalités politiques occidentaux accordent plus d’attention à ce qui est dit qu’à ce qui est fait. Une grande partie de sa diplomatie de « loup guerrier » est devenue discrète, en même temps qu’il intensifie les pressions réelles sur, par exemple, la République de Chine (ROC : Taïwan), mais la question demeure de savoir quelles seront ses prochaines actions ou quelles pourraient être les prochaines actions de ses adversaires.

Qui sont les adversaires de Xi ?

Les grands monolithes dont la position et les intentions sont bien établis, comme la faction de Jiang Zemin centrée autour de Shanghai, en font clairement partie, mais le problème de Xi est peut-être qu’il s’est créé trop d’ennemis avec lesquels il faut composer. Il a essentiellement privé de leurs droits les « princes rouges », la deuxième génération des premiers dirigeants communistes, qui estiment mériter légitimement la succession des récompenses du pouvoir et de la richesse. Xi doit les traiter avec une grande prudence, davantage que les fonctionnaires « technocrates » qui accèdent au pouvoir, voire au poste de Premier ministre de la Chine continentale.

De toute évidence, la principale opposition à Xi au sein du PCC — y compris les « rouges de deuxième génération » — a agi discrètement, ne divulguant des rapports sur son « isolement » seulement au sein du Parti. L’opposition n’agira pas, et ne peut pas agir, tant qu’elle ne contrôle pas tous ses éléments de pouvoir. Si Xi sent un danger immédiat, il activera des mesures de distraction ou des contre-mesures sans se soucier de la sécurité à long terme du Parti ou de la Chine. Son seul objectif personnel est désormais d’assurer sa survie à long terme.

Une partie de cette interminable gavotte – la danse de la mort – entre Xi et ses opposants a consisté à faire comprendre à Xi que sa capacité à contrôler l’Armée populaire de libération (APL) était sujette à caution, tout comme la capacité effective et la fiabilité de la technologie de l’APL. Cette réalité a été révélée au cours de l’année écoulée, peut-être en raison de la guerre interne que se livre actuellement le PCC plutôt que de révélations de renseignements de la part de puissances étrangères.

Un navire militaire chinois (tout au fond, à droite) – à environ 8 km de distance – observe sur le pont du porte-avions USS Carl Vinson les destroyers à missiles guidés de classe Arleigh-Burke USS Sterett (à l’avant) et l’USS Rafael Peralta (à l’arrière). Ceux-ci participent à un exercice maritime de trois jours entre les États-Unis et le Japon en mer des Philippines, le 31 janvier 2024. (Richard A. Brooks/AFP via Getty Images)

Non pas que les affirmations sur le manque de fiabilité de l’APL soient nécessairement fausses. Il semble même qu’elles soient sous-estimées. Mais la nature et le degré de ce facteur sont encore inconnus. L’APL est-elle toujours fidèle au Parti, voire à Xi ?

Dans quelle mesure Xi, ou l’opposition du parti, tentent-t-ils de profiter du vide d’attention sur la scène mondiale dont font preuve les États-Unis en cette année d’élection présidentielle ? En effet, il se pourrait que la tentative de Xi de chercher une distraction intérieure (Chine) à ses malheurs en lançant des attaques ouvertes contre Taïwan corresponde parfaitement à l’agenda de la présidence américaine en difficulté de Joe Biden.

Une autre distraction de guerre étrangère pourrait aussi bien aider Xi que le président Biden.

Comme nous l’avons indiqué, Xi et le président Biden sont préoccupés par leur survie à court terme ; les considérations nationales ou de parti à plus long terme sont secondaires. Ce n’est pas le cas du PCC. Les dirigeants du PCC savent qu’ils doivent survivre à l’implosion socio-économique actuelle et continuer à être le seul pouvoir en charge de la Chine.

Compte tenu de l’incertitude de l’issue d’un tel affrontement, une guerre cinétique avec Taïwan serait potentiellement dévastatrice pour la Chine et le PCC. Trop de facteurs pèsent contre la Chine pour qu’un conflit soit un choix logique pour Pékin, ce qui souligne l’irrationalité de la situation actuelle. Pourtant, les principaux groupes d’opposition au sein du PCC, y compris les « anciens » pratiquement intouchables qui ont fait part de leurs doléances à Xi lors du rassemblement des anciens du Parti à Beidaihe fin 2023 dans la province de Hebei, ne semblent pas encore en mesure de s’opposer à Xi.

Entre-temps, Xi semble accélérer le retour de la Chine continentale à un État entièrement maoïste, avec une dépendance minimale à l’égard des apports économiques extérieurs ou du secteur privé chinois. Cette situation est stratégiquement insoutenable, plus encore que pendant la période maoïste, compte tenu de l’augmentation de la population urbaine, de la baisse de la production alimentaire, et de la destruction des ressources viables en eau et en terres agricoles.

Xi doit s’assurer qu’il est exempt de toute opposition interne significative, comme l’a été Josef Staline en URSS jusqu’à sa mort. À l’heure actuelle, il détient clairement les leviers de la coercition physique en Chine. Les opposants de Xi peuvent-ils agir contre lui s’ils ne peuvent garantir que ces leviers ne lui sont plus accessibles ?

Ou bien l’économie et la majorité rétive de la population urbaine sont-elles prêtes à s’effondrer dans un chaos incontrôlable ? Cela pourrait être impensable, en comparaison à l’échelle de la révolution culturelle (1966-76).

Il est presque impossible pour les observateurs extérieurs de « deviner » l’évolution des événements en Chine à l’heure actuelle, mais il est indispensable d’essayer de comprendre à quel moment Xi pourrait être pris de panique et être amené à faire une manœuvre audacieuse et distrayante pour dépasser ses adversaires nationaux, quelles options restent entre les mains de ses adversaires et quelles options restent entre les mains de la population chinoise.

En revanche, il est évident qu’à l’heure actuelle, Xi tient encore – peut-être pour quelques mois, peut-être pour un an – la main dominante dans l’équilibre des pouvoirs au niveau national, même si cette emprise s’affaiblit. Il est encore probable que Xi agira pour renforcer son pouvoir, ou que ses adversaires seront obligés d’agir contre lui ou de perdre à plus long terme.

Et ces manœuvres devront avoir lieu en 2024.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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