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Affaire des « écoutes » : quatre ans de prison dont deux avec sursis requis contre Nicolas Sarkozy

décembre 8, 2020 18:12, Last Updated: décembre 9, 2020 9:51
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Le 8 décembre, le parquet national financier (PNF) a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l’encontre de l’ancien Président Nicolas Sarkozy, jugé pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des « écoutes de Paul Bismuth ».

À l’issue de près de cinq heures d’un réquisitoire méthodique et aride, le procureur financier Jean-Luc Blachon a demandé les mêmes peines pour l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert et pour Thierry Herzog, avocat historique de l’ancien président, demandant pour ce dernier qu’elle soit assortie de cinq ans d’interdiction professionnelle. « On ne peut pas admettre qu’un ancien président oublie la République », a proféré Jean-Luc Blachon, le procureur adjoint, en guise de justification.

« Un ancien président, avocat par ailleurs »

C’est la première fois qu’une peine de prison est requise contre un ancien président sous la Ve République. Dans l’affaire des emplois fictifs, le parquet avait demandé à l’époque la relaxe pour Jacques Chirac qui avait été finalement condamné. « Les faits ne se seraient pas produits si un ancien président, avocat par ailleurs, avait gardé présent à l’esprit la grandeur, la responsabilité, et les devoirs de la charge qui fut la sienne », a lancé le procureur, soulignant qu’il avait été en tant que chef de l’État « le gardien de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

« La République n’oublie pas ses présidents, ne serait-ce que parce qu’ils font l’histoire. À l’inverse, on ne peut pas admettre d’un ancien président qu’il oublie la République et ce qu’elle porte depuis plusieurs décennies : un État de droit », a poursuivi M. Blachon.

Dénonçant les « effets dévastateurs de cette affaire qui vient cogner les valeurs de la République », le magistrat financier a estimé qu’elle avait « abîmé » l’institution judiciaire, la profession d’avocat et l’image présidentielle. « La probité de Gilbert Azibert s’est éloignée », a-t-il tancé, dépeignant Thierry Herzog comme le « mauvais génie » du dossier. Mais « ces réquisitions justes ne sauraient jeter un voile opaque sur l’engagement d’une vie », a-t-il nuancé.

Des lignes téléphoniques clandestines

Au lendemain des fermes dénégations de Nicolas Sarkozy à la barre, les deux représentants de l’accusation ont débuté en milieu d’après-midi la démonstration du « pacte de corruption » noué selon eux début 2014 entre les trois hommes.

S’appuyant sur des pièces du dossier projetées sur un écran de la salle d’audience, les procureurs financiers ont décrit un « entrisme au sein de la plus haute juridiction judiciaire » et une « dissimulation » par « l’utilisation de lignes téléphoniques occultes ».

Selon eux, Nicolas Sarkozy a bien obtenu, via son avocat, des informations couvertes par le secret auprès du magistrat Gilbert Azibert, au sujet d’une procédure à la Cour de cassation dans l’affaire Bettencourt. Pour preuves, des conversations enregistrées sur une ligne officieuse dite « Paul Bismuth », ouverte par Thierry Herzog – selon lui pour échapper aux écoutes « sauvages », en réalité pour « contrarier la justice par des moyens extra-judiciaires », a souligné M. Blachon.

Il est établi « de façon certaine » que le haut magistrat, alors avocat général d’une chambre civile de la plus haute juridiction judiciaire et « homme de réseaux », a récupéré et transmis des « informations confidentielles » à son ami Thierry Herzog, a affirmé l’autre procureure, Céline Guillet. La procédure a été « viciée » par cette « violation du secret du délibéré », un secret qui est protégé « de façon » absolue », a-t-elle insisté.

« Ce procès n’est pas une vengeance »

La contrepartie ? Une conversation montre « de façon accablante » que Nicolas Sarkozy a promis d’intervenir en faveur de Gilbert Azibert pour un poste à Monaco, a-t-elle souligné. Et peu importe qu’il n’ait jamais été nommé : « la seule promesse clairement formulée (…) suffit à caractériser les deux infractions » de corruption et trafic d’influence.

Avant ces réquisitions et après plusieurs jours de débats tendus, le chef du parquet national financier (PNF) Jean-François Bohnert est venu en personne en « soutien » à ses deux collègues. « Ce procès n’est pas une vengeance (…) Personne ici ne cherche à se venger d’un ancien président de la République », a déclaré M. Bohnert, répondant aux nombreuses critiques contre le PNF des derniers mois et sa remise en cause par la droite.

Alors que l’audience était levée, Nicolas Sarkozy a quitté la salle sans faire de déclaration, laissant ce soin à son avocate Jacqueline Laffont. « Ces réquisitions sont en décalage total avec la réalité de cette audience et toutes ces accusations, nous en ferons litière très facilement lors de nos plaidoiries qui doivent commencer mercredi », a déclaré Me Laffont. Les plaidoiries de la défense sont prévues mercredi et jeudi. La décision sera mise en délibéré.

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