Affaire Fillon : la justice française en question

28 mars 2017 07:00 Mis à jour: 9 avril 2017 09:41

Ce 14 mars, François Fillon était convoqué devant les juges qui lui ont signifié sa mise en examen dans le cas de l’emploi fictif de son épouse. Le glas ultime de deux mois et demi de campagne désastreuse sur fonds de soupçons d’abus de biens sociaux et d’emplois fictifs. Une campagne dont les médias se sont retrouvés au premier plan.

Dans un timing surprenant, René Dosière, député PS de l’Aisne, publie l’ouvrage Argent, morale, politique, concluant le travail de deux ans d’observations au sein de l’hémicycle.

Interrogé par Le Point sur la campagne de M. Fillon, celui-ci réfute le faux procès en corruption à son encontre. « Les gens ont la fausse impression d’un enrichissement personnel. Il y a une dimension qui échappe à l’affaire elle-même, qui n’est pas une histoire de corruption. Mais cela montre à quel point les gens sont sensibles à l’argent des politiques et à leur comportement moral », fait-il savoir. Julien Dray, proche du président, affirme lui-même que « ce dont est victime François Fillon, c’est d’un système qui a été mis en place depuis des années au Parlement ». Épargnant les habituelles fourches caudines au candidat de droite, le député de l’opposition semble compatir : François Fillon est « victime ».

« Depuis le début, je n’ai pas été traité comme un justiciable comme les autres », se défend le candidat LR. Du côté de l’Union des magistrats, par la voix de Virginie Duval, on fait savoir que cette enquête est menée « justement parce que M. Fillon est un justiciable comme les autres ». Pourtant, dans cette affaire, rien n’est ordinaire, sur la forme comme sur le fond. De nouveaux témoignages de la défense du candidat sur la chronologie de la procédure engagée par le PNF et son déroulement révèlent un fonctionnement difficilement perceptible de la justice française.

Chronologie des faits

31 janvier. La scène se passe dans le bureau de l’ancien Premier ministre au Palais Bourbon. Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) entament leur perquisition. Mais plutôt que de retourner tiroirs et armoires, ils demandent aux collaborateurs de Fillon, à leurs côtés, de chercher et de leur remettre les éléments justifiant que le travail de Pénélope Fillon n’est pas fictif. L’avocat du candidat soulève alors que « normalement, les enquêteurs saisissent tout, analysent tout, et récupèrent ce qui les intéresse. D’habitude, ce sont les enquêteurs et les limiers qui bossent, pas les personnes perquisitionnées ! »

16 février. Les avocats de François Fillon ont versé au dossier des témoignages, notes et autres preuves du travail réel de Pénélope Fillon. Le Parquet national financier (PNF) retient sa décision, et préfère poursuivre ses investigations, déclarant que « les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d’envisager, en l’état, un classement sans suite de la procédure ».

24 février. Le PNF décide de désigner trois juges d’instruction, Serge Tournaire, Aude Buresi et Stéphanie Tacheau. La défense de M. Fillon présente de nouvelles pièces. Le lundi suivant, la convocation de M. Fillon et de son épouse « en vue de leur mise en examen » est tranchée pour le 15 mars. La défense du candidat s’insurge : « En vingt-quatre heures, comment ont-ils pu examiner les 2 000 pages du dossier sérieusement ? Les documents qu’on a versés au dossier n’ont même pas été exploités ! Ce n’est pas sérieux. »

2 mars. Les trois juges décident d’une perquisition au domicile parisien des Fillon. Un député s’interroge sur l’objectif des juges de perquisitionner plutôt que de s’intéresser à la liste de personnes prêtes à être entendues, à disposition de la justice. Il apparaît que la justice, toujours à la recherche de preuve, ne montre que peu d’intérêt aux éléments apportés par la défense du candidat. Antonin Lévy s’étrangle : « Quand on vous convoque, c’est parce que, normalement, on a des éléments qui justifient une mise en examen. Je n’ai jamais vu l’hypothèse où l’on vous convoque et, en même temps, on continue de chercher à rassembler les preuves pour espérer trouver ce pour quoi on vous convoque ! »

Une instruction de justice à la limite du légal

Dans une tribune parue sur Atlantico, 13 juristes ont dénoncé une tentative de déstabilisation de la part du PNF, questionnant la base légale des charges. Tout d’abord, le Code pénal prévoit que le délit de « détournement de fonds » ne peut être imputé qu’à une « personne dépositaire de l’autorité publique » ou « chargée d’une mission de service public », non à un parlementaire.

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Ensuite, les fonds à disposition des parlementaires sont, d’après les juristes, un « préalable nécessaire à l’une de ses missions constitutionnelles qu’est le contrôle de l’exécutif ». Autrement dit, la libre attribution des crédits par le parlementaire garantit également la préservation du principe de la séparation des pouvoirs. Impossible donc de remettre en cause ces attributions sans s’en prendre directement à l’indépendance des Assemblées parlementaires.

Enfin, en admettant une violation du règlement parlementaire, selon les juristes, seul le bureau de l’assemblée aurait été en mesure de mener l’enquête. Exactement comme dans l’affaire des emplois fictifs visant Marine le Pen à la Commission européenne, où le bureau du Parlement a pris la charge d’investiguer. On peut alors se poser des questions sur les raisons et la légitimité du PNF dans cette instruction.

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