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Affaire Legrand-Cohen : France Télévisions et Radio France accusent les médias Bolloré de mener une « campagne de dénigrement »

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Delphine Ernotte (à.g) (France Televisions), Sibyle Veil (à.d) (Radio France), and Marie-Christine Saragosse (France Medias Monde).

Photo: FRANCOIS GUILLOT/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

À dix-huit mois de la présidentielle de 2027, la confrontation directe entre médias publics et privés est inédite dans le paysage médiatique français. De son côté, l’Arcom annonce des travaux pour évaluer l’impartialité de l’audiovisuel public.

L’affaire Legrand-Cohen comme déclencheur

L’escalade a commencé début septembre avec la diffusion par le média conservateur L’Incorrect d’une vidéo tournée en juillet dans un restaurant parisien. On y voit Thomas Legrand (Libération, France Inter) et Patrick Cohen (France Inter, France 5) discuter avec deux responsables socialistes.
Au cours de cet échange, M. Legrand affirme : « Nous, on fait ce qu’il faut pour (Rachida) Dati, Patrick (Cohen) et moi. »

Ces propos ont valu aux deux journalistes des accusations de collusion avec le PS et de parti pris contre la ministre de la Culture sortante.

Des réactions indignées ont émané aussi bien des Républicains que du Rassemblement national et de La France insoumise, révélant un consensus politique rare sur la gravité de ces révélations. Cette unanimité dans la critique transcende les clivages habituels et témoigne de l’importance accordée à l’indépendance journalistique dans le paysage médiatique français.

Legrand et Cohen ont exigé par huissier l’intégralité des images, sans montage.

Mercredi soir, L’Incorrect a annoncé avoir fait constater par huissier que les images brutes étaient « conformes aux propos » publiés. « Il n’y a pas de propos qu’on leur fait dire qu’ils ne disent pas », a assuré à l’AFP son directeur de rédaction, Arthur de Watrigant.

Dans la foulée, Thomas Legrand a renoncé à son émission dominicale sur France Inter, tout en continuant d’intervenir à l’antenne.

L’affaire Legrand-Cohen a été largement relayée sur CNews, Europe 1 et dans le Journal du dimanche (tous détenus par le groupe Bolloré), qui y ont vu la preuve d’un parti pris politique du service public.

De leur côté, Mme Ernotte et Mme Veil dénoncent une attaque organisée : « Nous aimerions connaître votre position sur le sujet », écrivent-elles à l’Arcom.

« Une campagne de déstabilisation » ?

Depuis plusieurs années, les médias du groupe Bolloré accusent régulièrement l’audiovisuel public d’un biais en faveur de la gauche, notamment sur les questions d’immigration et d’insécurité.

À l’inverse, des responsables politiques de gauche reprochent à CNews et à Europe 1 de diffuser des idées proches de la droite nationaliste, ce que ces médias contestent. Jusqu’ici, France Télévisions et Radio France n’avaient jamais directement répondu à ces attaques.

Un tournant a eu lieu ce week-end : deux responsables de Radio France ont réfuté publiquement les accusations samedi. Lundi, dans un message interne consulté par l’AFP, Sibyle Veil a dénoncé « une campagne de déstabilisation ».

En réaction, Pascal Praud, animateur vedette de CNews, a lancé en ouverture de son émission L’Heure des pros : « Ces gens deviennent fous », dénonçant « une offensive tous azimuts contre ce que les bien-pensants nomment la presse Bolloré, mais qui est tout simplement une presse libre et indépendante ».

L’audiovisuel public saisit l’Arcom

Dans un courrier adressé au régulateur, les présidentes de France Télévisions et Radio France, Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil, affirment : « France Télévisions et Radio France font actuellement l’objet d’une campagne de dénigrement systématique et quotidienne par un autre groupe de médias, en particulier sur les antennes de la chaîne de télévision CNews et de la station de radio Europe 1 ».

Les deux dirigeantes estiment que « le caractère outrancier et déséquilibré de cette campagne dépasse désormais le simple débat d’opinions » et qu’elle contribue « à fragiliser la qualité du débat démocratique ».

Elles dénoncent également « le temps d’antenne très significatif » consacré par CNews et Europe 1 à des « propos dénigrants » et demandent au président de l’Arcom, Martin Ajdari, de prendre position.

L’Arcom veut travailler sur « l’impartialité du service public »

Les présidentes des deux groupes publics, Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil, ont été convoquées et entendues mercredi par l’Arcom au sujet de l’affaire Legrand-Cohen.

« L’Arcom n’est pas compétente pour se prononcer sur des vidéos qui n’ont pas été diffusées à l’antenne, ni sur le respect de la déontologie professionnelle des journalistes, qui relève de leur employeur », a précisé l’autorité indépendante dans un communiqué.

Dans un contexte de défiance envers les médias et les institutions, l’Arcom affirme vouloir « poursuivre et approfondir ses travaux visant à conforter l’impartialité de l’audiovisuel public et à en mesurer la perception par le public ».

Elle indique avoir « décidé de lancer un travail destiné à objectiver la portée concrète de l’exigence d’impartialité », sans toutefois en détailler les modalités.

Par ailleurs, le régulateur annonce la mise en place « d’une étude indépendante – quantitative et qualitative – sur la perception et les attentes du public en la matière ».

L’Arcom souhaite associer à cette démarche les comités d’éthique de France Télévisions et de Radio France, afin d’intégrer leurs travaux dans son évaluation.