Opinion
Affaire Legrand-Cohen : « Nous avons affaire à des journalistes qui se sont mis au service d’intérêts particuliers », alerte Claude Chollet

Photo: Crédit photo Claude Chollet
ENTRETIEN – Le 5 septembre, le média L’Incorrect a publié une vidéo montrant les journalistes de France-Inter Thomas Legrand et Patrick Cohen discutant avec Pierre Jouvet, le secrétaire national du Parti socialiste, et Luc Broussy, le président du Conseil national du parti à la rose dans un restaurant parisien. Dans l’extrait, on peut voir les quatre personnages évoquer notamment l’élection présidentielle de 2027 et l’élection municipale à Paris. Une rencontre qui a fait réagir la droite, le Rassemblement national et même une partie du bloc central. Une phrase prononcée par Thomas Legrand a particulièrement choqué. « Patrick [Cohen] et moi, on fait ce qu’il faut pour Dati ».
Claude Chollet est président de l’Observatoire du journalisme (Ojim). D’une certaine manière, France Inter a été privatisée par la gauche et l’extrême gauche, explique-t-il.
Epoch Times – Que vous a inspiré l’extrait vidéo publié par L’Incorrect ?
Claude Chollet – En prenant les choses avec légèreté, je dirais que cet extrait est digne de la série politique Baron noir.
Mais de manière plus grave, nous avons, dans cette histoire, affaire à deux journalistes pris en flagrant délit. Et des journalistes qui ont de l’expérience. Thomas Legrand a débuté sa carrière sur RMC puis RTL avant de rejoindre France Inter. Il officie sur cette antenne du service public depuis une quinzaine d’années. De son côté, Patrick Cohen, a une carrière aussi riche que celle de son confrère. Autrement dit, ce ne sont pas des inconnus. Ils ont une réelle influence.
Je pense qu’ils imaginaient bénéficier d’une sorte d’impunité en raison de leur expérience et ancienneté.
Que des journalistes rencontrent des personnalités politiques pour recueillir des informations est tout à fait normal. Mais ici, ce n’est pas le cas. Il s’agit d’un rendez-vous entre amis où l’on discute de stratégie électorale avec de hauts responsables socialistes, notamment Pierre Jouvet qui n’est rien d’autre que le monsieur stratégie électorale du PS.
Et dans cette vidéo, il y a deux éléments majeurs.
Tout d’abord, les propos graves de Thomas Legrand concernant la campagne de Rachida Dati pour les élections municipales à Paris. « Patrick [Cohen] et moi, on fait ce qu’il faut pour Dati », a-t-il lancé.
Autrement dit, il fait comprendre qu’ils font le travail pour gêner la ministre de la Culture, mais que l’état-major socialiste ne les aide pas suffisamment.
Ensuite, il y a cette discussion totalement décomplexée autour de la stratégie que devrait adopter le PS, notamment vis-à-vis de Raphaël Glucksmann, François Ruffin etc.
Thomas Legrand, ici, ne fait pas son travail de journaliste, mais prodigue des conseils de stratégie électorale.
C’est aussi révélateur d’une forme d’entre-soi ?
Oui, mais c’est même encore plus grave puisqu’on parle de médias financés par les contribuables, par Nicolas pour reprendre une expression du moment.
D’une certaine manière, France Inter a été privatisée par la gauche et l’extrême gauche.
Nous avons affaire à des journalistes qui se sont mis de facto au service d’intérêts particuliers.
Et contrairement à ce que nous pouvons imaginer, tous les Français ne sont pas conscients de cette réalité. Beaucoup estiment que France Inter est une radio neutre. Peut-être que cela va changer. Thomas Legrand et Patrick Cohen ont quand même été pris la main dans le sac.
Maintenant, je pense qu’il ne va pas se passer grand-chose pour les deux journalistes. L’Arcom a été saisie, les présidentes de France Télévisions et de Radio France vont être auditionnées et Thomas Legrand n’animera plus son émission dominicale sur France Inter, mais continuera à intervenir en tant qu’éditorialiste.
Autrement dit, le journaliste va se faire légèrement réprimander, mais sans plus.
Au fond, la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth ne peut pas faire autrement. Elle est coincée. La totalité de la rédaction de France Inter est de gauche et d’extrême gauche.
Si elle décidait d’exclure Thomas Legrand, les syndicats de journalistes monteraient très vite au créneau.
Cela n’a malheureusement pas été le cas pour Jean-François Achilli qui a été licencié de France Info pour faute grave avec les applaudissements des syndicats parce qu’il était seulement soupçonné d’avoir commencé à écrire un livre autobiographique avec Jordan Bardella.
Nous sommes en plein dans le « deux poids, deux mesures. »
Cela étant, je pense que Thomas Legrand a perdu toute crédibilité dans cette histoire. Il s’est couvert de ridicule.
Vous dites qu’il ne va pas se passer grand-chose, mais Thomas Legrand a annoncé renoncer à son émission sur France-Inter et l’Arcom va auditionner les présidentes de France Télévisions et Radio France. Il n’y aurait peut-être pas eu autant de remous il y a quelques années …
Je pense que cette affaire va aider à lever le voile sur ce que tout le monde devrait savoir.
L’Incorrect a contribué de manière remarquable à faire comprendre aux gens que les médias de service public ne remplissent plus leur mission d’impartialité.
Cependant, je pense sincèrement que l’Arcom ne va rien faire. L’organisme a convoqué les présidentes de Radio France et de France Télévisions parce que l’affaire a fait beaucoup de bruit, mais ce n’est que de l’apparence.
L’Arcom reste une institution politique avec un budget de 50 millions d’euros qui devrait être supprimée. Cela pourrait d’ailleurs constituer une piste facile d’économies pour Sébastien Lecornu.
Dans un entretien à la Tribune du dimanche, Patrick Cohen a annoncé qu’une « plainte va être déposée » dénonçant un « vol de conversation privée » …
Patrick Cohen n’est pas cohérent. En 2018, un étudiant avait enregistré Laurent Wauquiez à son insu lors d’une conférence et il avait défendu le jeune homme …
« Aucune collusion n’existe entre le Parti socialiste et les journalistes quels qu’ils soient […] Les propos du média créé par Marion Maréchal-Le Pen, relayés par la presse d’extrême droite, ont pour seul but d’entretenir une lecture complotiste du monde », a réagi le PS dans un communiqué. Comment voyez-vous la justification du Parti socialiste ?
Le PS est extrêmement embarrassé. Pour sa défense, il n’a pas d’autres moyens que d’utiliser cette rhétorique usée et de se présenter comme le « camp du bien ».
Je pense d’ailleurs qu’Olivier Faure ne va pas reprocher à Pierre Jouvet d’avoir évoqué la stratégie du PS avec les deux journalistes, mais de s’être fait prendre.
Mais on peut imaginer que l’affaire aurait fait encore plus de bruit si elle avait concerné des responsables politiques issus de LR ou du RN et la presse de droite …
Évidemment, tous les médias du service public en auraient fait leurs unes et les syndicats de journalistes auraient demandé l’exclusion immédiate des journalistes pour faute déontologique. La meute se serait réveillée !
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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