Aide à mourir : « Sous le vernis d’un droit, une idéologie froide et mortifère », déplore Ludovine de La Rochère

Par Julian Herrero
26 mai 2025 18:18 Mis à jour: 26 mai 2025 22:51

ENTRETIEN – L’examen du texte sur la fin de vie est terminé. Le vote décisif se tiendra le mardi 27 mai à l’Assemblée. La semaine dernière, les députés avaient adopté par 164 voix pour et 103 contre, l’article sur les cinq conditions pour être éligible au droit à l’aide à mourir. Pour rappel, il faut être âgé d’au moins 18 ans, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France, être en capacité de manifester sa volonté de façon libre et éclairée, être atteint « d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée » ou « terminale » et présenter une souffrance physique réfractaire ou insupportable liée à cette affection.

Pour la présidente du Syndicat de la famille, Ludovine de la Rochère, « des ambiguïtés persistent autour des cinq conditions ».

Epoch Times : Quel regard portez-vous sur l’article sur le « droit à l’aide à mourir » adopté le 20 mai et sur l’ensemble du texte ?

Ludovine de la Rochère : L’ensemble du texte ouvre de manière très large l’accès à l’euthanasie et au suicide assisté, sans nommer clairement les actes dont il s’agit. Les auteurs de cette proposition de loi n’assument pas le fait qu’ils sont en train de légaliser ces actes qui consistent à donner la mort.

Par ailleurs, des ambiguïtés très importantes et graves persistent autour des cinq conditions pour accéder à cette « aide à mourir ».

Selon la première, seuls les majeurs pourront demander à être « suicidés ». Pour le moment, les mineurs en sont exclus, mais les défenseurs du texte ont déjà indiqué qu’ils souhaitent élargir le dispositif aux plus jeunes dès que possible.

Ensuite, pour la deuxième condition que vous avez rappelée, il y a eu un débat parce que des parlementaires auraient même souhaité que des étrangers puissent venir en France pour mourir ainsi. Certains veulent faire de notre pays une destination de mort à l’image de la Suisse.

Pour ce qui est du critère de « l’affection grave et incurable », c’est le grand flou. Aujourd’hui, bien des maladies qui sont « graves et incurables » ne sont pas mortelles pour autant. C’est le cas, par exemple, du diabète insulino-dépendant : on n’en guérit pas, mais il n’empêche pas de vivre normalement, et même de faire de grandes choses – par exemple du sport au plus haut niveau.

Cette proposition de loi risque également de générer de grandes souffrances et traumatismes parce qu’une personne pourra obtenir et s’administrer une injection létale sans en informer ses proches. Un jeune adulte de 19 ans pourra ainsi obtenir un suicide médicalisé sans que ses parents ne soient prévenus ou, s’ils le sont, sans qu’ils puissent tenter de le dissuader, du fait du « délit d’entrave » créé par le texte.

Une autre condition d’accès est l’aptitude à exprimer sa volonté de façon « libre et éclairée ». Sauf que, dans l’article suivant, le texte indique qu’une personne sous protection juridique, donc considérée comme inapte pour signer un chèque, par exemple, pourra demander une injection létale.

En réalité, ce texte ne vise pas à combattre la souffrance, que les soins palliatifs soulagent, mais à donner à chacun une prétendue liberté de choisir sa mort. D’où le refus systématique des promoteurs du texte de le modifier pour protéger ceux qui pourraient être victimes de pressions. Protéger les plus vulnérables leur est complètement indifférent : sous le vernis d’un droit, se trouve une idéologie froide et mortifère.

Je parle de « prétendue liberté » parce que l’euthanasie et le suicide assisté restreindront inéluctablement le développement des soins palliatifs, leur coût étant beaucoup plus élevé. Je note que le Canada a réalisé et publié, sans vergogne, des calculs sur les économies réalisées grâce au suicide assisté.

Plus profondément, l’être humain peut-il être entièrement « libre et éclairé » ? Est-ce qu’il n’est pas toujours marqué par son histoire personnelle, son entourage, ses émotions, ses peurs, son orgueil, ses complexes… ?

Y a-t-il pour vous un risque de banalisation de la mort avec ce texte ?

Le grand risque est que toute personne abordant la dépendance ou apprenant un diagnostic qui supposera, par exemple, un long temps de traitement – comme de nombreux cancers – envisage de mourir par crainte de souffrir et d’être un poids pour leur entourage. Et même les personnes en situation de handicap ont déclaré qu’elles se sentaient visées par ce texte.

Ainsi, au lieu d’accompagner ces personnes pour qu’elles vivent pleinement leur vie, cette proposition de loi incitera à entrer dans une logique de retrait et dans le couloir de la mort.

Ce projet est donc « violent » à l’encontre des personnes en situation de handicap ou gravement malades, comme l’affirmait le conférencier Louis Bouffard, il y a quelques jours sur CNews ?

Aujourd’hui, les médecins en soins palliatifs disent qu’ils reçoivent beaucoup plus de demandes d’euthanasie et de suicide assisté qu’auparavant.

En suicidologie comme en psychiatrie, on sait qu’un suicide en entraîne d’autres dans l’entourage. Et un suicide médiatisé fait augmenter le taux de suicide dans un pays. Cela s’appelle le « phénomène de Werther », en référence à une œuvre de Goethe qui avait suscité une vague de suicides en Allemagne, lors de sa sortie.

Hélas, la propagande sur ce sujet et les débats sur le suicide médicalisé sont déjà une incitation. Ils sont aussi le signe d’une société qui a du mal à aimer, et même à supporter la vie, une forme de dépression collective que ce texte accentuera.

En même temps, selon un sondage Ifop pour l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, 74 % des médecins sont favorables à l’aide active à mourir. Quelle est votre analyse ?

Ce sondage est en pleine contradiction avec d’autres qui ont été réalisés auprès du corps médical ces derniers mois.

Ainsi, un sondage interne réalisé par l’Ordre des médecins début 2025 avait montré que seul un tiers des médecins accepteraient d’aider un patient à mourir.

Sur un sujet aussi sensible, les réponses varient beaucoup en fonction de la formulation de la question.

Selon vous, fallait-il en rester à la loi Claeys-Leonetti ?

La loi Leonetti de 2005 interdisait l’acharnement thérapeutique et prévoyait le développement des soins palliatifs partout en France. Ensuite, la loi Claeys-Leonetti de 2016 renforçait le droit d’accès aux soins palliatifs, de nombreux départements français n’ayant toujours pas d’unité sur leur territoire. Elle autorisait en outre la sédation profonde et continue, dans le cas de souffrances réfractaires. Mais elle autorisait aussi l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation, ce qui me semble inacceptable.

Si l’être humain vulnérable a bien un droit, ce n’est pas celui de « choisir sa mort », mais celui d’être nourri, hydraté et entouré jusqu’à son dernier souffle !

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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