Bernard Bourdin : « Ceux qui présentent Léon XIV comme un pape qui marche dans les pas de François parlent un peu vite »

Par Julian Herrero
14 mai 2025 16:03 Mis à jour: 15 mai 2025 03:26

ENTRETIEN – Le 8 mai, Robert Francis Prevost était élu pape et prenait le nom de Léon XIV. Le cardinal américain succède à François qui a été à la tête de l’Église pendant 12 ans. Pour le frère dominicain, philosophe et enseignant à l’Institut Catholique de Paris Bernard Bourdin, Léon XIV sera un pape à la fois conservateur modéré et un souverain pontife qui fera perdurer l’héritage social de son prédécesseur.

Epoch Times : Quelle a été votre réaction lorsque Robert Francis Prevost a été élu pape ? Vous attendiez-vous à ce qu’un autre cardinal soit choisi ?

Bernard Bourdin : Cette élection est en effet une surprise. Nous avions tous fait nos paris. Certains imaginaient que Jean-Marc Aveline ou un cardinal italien succéderaient à François, mais sans y croire véritablement. Il faut vraiment être au plus près du Vatican pour être certain du résultat.

En même temps, après réflexion, l’élection de Robert Francis Prevost fut une agréable surprise et un choix très judicieux.

Quelle interprétation peut-on avoir du choix du prénom Léon ?

Historiquement, quand un pape choisit un prénom une fois élu, ce n’est jamais neutre. Il y a, dans le choix de Robert Francis Prevost, une signification sur ce qu’il a l’intention de faire comme pape : la référence au pape Léon XIII. Léon XIII, que j’ai beaucoup étudié, a été un pape à la fois conservateur, ce qu’on appelait au XIXe siècle un catholique intransigeant, et en même temps éclairé sur son époque. Il avait compris que ce n’est pas en pratiquant le front du refus par rapport au monde moderne que l’Église parviendrait à trouver sa place. Ainsi, il a mené de grandes réformes.

Ces changements ne signifient en rien que Léon XIII ou Léon XIV soient des papes progressistes. Ce terme renvoie à des problématiques séculières qui ne correspondent absolument pas à la manière dont un pape est élu.
En choisissant de s’appeler Léon, le nouveau souverain pontife entend donc montrer son attachement à la continuité de l’Église, tout en se montrant audacieux sur le plan social comme François. C’est un pape de modération.

Est-il au fond un pape centriste ?

Même si le qualificatif centriste a une connotation idéologique, il ne l’est pas autant que l’usage des termes de « conservatisme » et de « progressisme ». Le centrisme renvoie plutôt à une attitude.

Léon XIV est le premier pape américain de l’histoire. Qu’est-ce que cela implique ?

Toute élection d’un pape a une dimension géopolitique. On peut aisément imaginer que par sa nationalité, il va tenter de faire contre-poids à l’administration Trump. Il est très attaché au catholicisme conservateur américain, mais il n’est pas trumpiste, ni un soutien du Parti démocrate.

Je note que c’est aussi un pape, par son parcours, profondément lié à l’Amérique du Sud. De ce point de vue, il se rapproche de François.

Mais par ses origines françaises et italiennes, il conserve une attache à l’Europe. Je pense qu’il va développer une géopolitique à partir de tout cela, c’est-à-dire une géopolitique de la périphérie tout en prenant plus en compte l’Ancien Monde.

Il est souvent décrit comme proche de son prédécesseur, mais en même temps il va chercher à se démarquer de lui…

Ceux qui le présentent comme un pape qui marche dans les pas de François parlent un peu vite. Ce discours rassure un certain courant dans l’Église, mais il n’est qu’en partie vrai.

Quels sont aujourd’hui les défis à relever pour le nouveau pape ?

Ils sont nombreux. Il y a évidemment la question du synode, celle inévitable des finances, mais également son rapport au reste du monde : l’Occident sécularisé, l’islam, le christianisme orthodoxe et la Chine.

Nous attendons également de voir quelles vont être ses prises de position sur les migrants, thème cher à son prédécesseur ou encore le regain d’intérêt des jeunes pour la spiritualité.

Il va aussi devoir être théologien, même s’il n’est pas théologien de métier.

La dimension politique s’explique par le fait qu’il est un chef d’État…

Oui, mais pas uniquement pour cette raison. Même comme pasteur, il est confronté à une dimension politique voire géopolitique. Il ne peut pas faire comme si les contingences politiques n’existaient pas. Nous l’avons vu avec la guerre russo-ukrainienne qui va certainement occuper les premières années de son pontificat.

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