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BHV : des marques annoncent leur départ suite à l’arrivée de Shein

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Le Bazar de l'Hotel de Ville à Paris, le 12 mars 2025.

Photo: RICCARDO MILANI/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

L’installation annoncée de la marque de mode chinoise Shein au sixième étage du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV) en novembre provoque une vive polémique. L’accord, conclu entre le géant asiatique et la Société des grands magasins (SGM), propriétaire du fonds de commerce depuis 2023, a suscité une vague d’indignation.
La cofondatrice de la marque de cosmétiques AIME, Mathilde Lacombe, s’est dite « profondément choquée » par l’accueil d’une enseigne accusée de pratiques polluantes et de conditions de travail indignes, annonçant le retrait de sa marque du BHV. D’autres enseignes françaises, comme Culture Vintage ou Talm, ont suivi son exemple.

« C’est un partenaire en qui on n’avait plus confiance »

Avant même cette controverse, plusieurs marques avaient déjà quitté le grand magasin en raison de retards de paiement répétés. Le Slip Français, partenaire du BHV depuis dix ans, a cessé sa collaboration il y a quinze jours. « C’est un partenaire en qui on n’avait plus confiance », a déclaré son fondateur Guillaume Gibault, évoquant « plus d’un an d’impayés » pour lesquels des « procédures » judiciaires sont en cours. Selon lui, « la relation commerciale a toujours été fructueuse jusqu’à l’arrivée de SGM », créée en 2021 par Frédéric et Maryline Merlin. Le fondateur ajoute que « l’accord avec Shein n’a fait que confirmer qu’on avait pris la bonne décision ».
Maison Lejaby a également mis fin à sa présence la semaine dernière. Son directeur général, Xavier Martin, a averti sur LinkedIn que « les tribunaux vont être saturés d’injonctions de payer », évoquant des « centaines de fournisseurs français » concernés. D’autres marques emblématiques, telles que Farrow & Ball, Swarovski et American Vintage, ont quitté le BHV. Les thés Mariage Frères ont suspendu leurs ventes, et plusieurs fournisseurs ont cessé leurs livraisons, selon les syndicats CFTC, CFE-CGC, CGT et Sud-Solidaires.

Des retards de paiement « transitoires »

Interrogée par l’AFP, la Société des grands magasins admet des retards de paiement s’élevant à plusieurs millions d’euros, mais les qualifie de « transitoires », les attribuant à la mise en place d’un nouveau système comptable automatisé. Elle affirme par ailleurs que « le BHV est redevenu rentable en 2024 » et nie tout « problème de trésorerie ».

Des rayons clairsemés

Malgré ces assurances, les difficultés financières se manifestent concrètement dans le magasin. Les rayons clairsemés et la baisse de fréquentation alimentent l’inquiétude des 750 salariés.
« Comment peut-on servir les clients s’il n’y a pas de produits ? », s’interroge une vendeuse, contrainte de renvoyer un client vers une enseigne concurrente. « C’est comme ça toute la journée », déplore-t-elle, évoquant la perte d’une « clientèle de quartier fidèle ». Une habituée, Christine Rollet, 66 ans, confie ne plus vouloir venir « très souvent », frustrée de ne plus trouver « ce qu’elle veut ». Les syndicats redoutent que la présence de Shein accentue cette désaffection.

Le rachat des murs aux Galeries Lafayette incertain

Les inquiétudes concernent aussi l’avenir du bâtiment, évalué à 300 millions d’euros. SGM doit racheter les murs aux Galeries Lafayette avec l’aide de la Caisse des dépôts, mais le groupe public a fait savoir qu’il « ne cautionne pas » le partenariat avec Shein. « Si cela fait capoter le rachat des murs et qu’il n’a pas de solution derrière, Shein ou pas, il n’y aura plus de BHV », s’alarme Florine Biais, de la CGT.
Le projet d’installation de Shein ne se limite pas à Paris : la marque doit également ouvrir des espaces dans cinq magasins régionaux Galeries Lafayette exploités par SGM. Face à cette perspective, une intersyndicale CFDT-FO-CFE-CGC a exprimé mardi son opposition, tandis que le groupe Galeries Lafayette a promis de tout faire pour empêcher la mise en œuvre du projet.
Avec AFP