Cargos russes immobilisés à Marseille et Saint-Malo : des sociétés portuaires et de manutention menacées de faillite

Le cargo russe « Vladimir Latyshev », immobilisé et bloqué dans le port de Saint-Malo, avec son équipage confiné à bord, depuis le 1er mars 2022.
Photo: DAMIEN MEYER/AFP via Getty Images
Depuis février et mars 2022, deux cargos russes de 141 mètres de long, le Vladimir Latyshev à Saint-Malo et le Victor Andryukhin à Marseille, sont immobilisés par les douanes françaises dans le cadre des sanctions européennes contre Moscou.
Ces navires, construits en 2021 et capables de transporter plus de 11.000 m³ de marchandises, n’ont plus quitté les quais depuis leur saisie.
Des dettes accumulées et un armateur défaillant
Les marins russes se relaient tous les cinq à sept mois pour assurer l’entretien. Mais l’armateur, Alpha LLC, a cessé d’honorer ses engagements financiers. « La nouveauté, c’est que l’armateur ne veut plus honorer ses engagements », déplore Stéphane Perrin, vice-président de la région Bretagne, propriétaire du port de Saint-Malo.
Les frais de carburant, d’électricité, de port et de vivres ne sont plus réglés. À Saint-Malo, l’entreprise Timac Agro, qui avançait les dépenses, fait état d’une ardoise de 200.000 euros depuis début 2025. La société a saisi les autorités compétentes pour le suivi du navire et engagé une procédure de saisie conservatoire du Vladimir Latyshev.
À Marseille, l’agent maritime AFCC a cessé de couvrir les frais du Victor Andryukhin. « L’armateur nous doit 450.000 euros : ça met en péril la société », indique son directeur financier, David Lebec, qui a dû renoncer à gérer le navire pour « sauver » ses cinq salariés. « On s’est retrouvé le dindon de la farce, coincé entre les services de l’État, les banques et la Russie et ça nous a bouffé toute notre trésorerie », résume-t-il, estimant que chaque bateau vaut entre « 15 et 20 millions d’euros ».
Assurance supprimée et risques pour l’équipage
Autre difficulté : les cargos ne sont plus assurés. Dans un courriel consulté par l’AFP, Alpha LLC explique que les compagnies refusent toute couverture en raison de la procédure de gel.
Cette absence d’assurance inquiète Laure Tallonneau, inspectrice de la Fédération internationale des transports (ITF). « En cas d’accident du travail ou de maladie, il n’y a pas de prise en charge pour les marins. En cas de décès, il n’y a pas d’indemnité. » Selon elle, « les marins ne veulent pas être rapatriés tant qu’ils sont payés, mais ils n’ont pas conscience que c’est hyper dangereux de ne pas avoir d’assurance ».
À Saint-Malo, les vivres ne sont assurés que jusqu’au 20 octobre et le carburant pourrait s’épuiser rapidement, prévient-elle.
l’État doit « assumer ses responsabilités »
« Il est temps d’agir », alerte Stéphane Perrin, qui appelle l’État à « assumer ses responsabilités ». Pour lui, « on est aujourd’hui dans une situation critique. L’étape ultime, c’est l’abandon pur et simple du navire. Ce serait une situation de péril. Il faut absolument qu’on sorte de là rapidement », plaide-t-il, demandant un transfert du navire vers un port d’État.
La préfecture d’Ille-et-Vilaine n’a pas répondu aux sollicitations. Le ministère de l’Économie et des Finances a indiqué de son côté : « Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance d’une situation d’abandon imminent du navire. »
À Marseille, le grand port maritime maintient « l’approvisionnement en courant pour des raisons à la fois humanitaires et de sécurité », selon Stéphane Peron, directeur adjoint de la Direction Interrégionale de la Mer Méditerranée. Il assure que « la situation de l’équipage est globalement correcte, les salaires sont payés et des relèves d’équipage sont effectuées par l’armateur ».
En cas de dégradation, une « enveloppe d’urgence » pourrait être mobilisée pour fournir « produits alimentaires et de première nécessité, jusqu’au rapatriement » éventuel de l’équipage.
Avec AFP
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