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Chefs-d’œuvre des arts décoratifs européens

Pour la première fois en Amérique du Nord, la Frick Collection présente plus de quarante chefs-d’œuvre d’orfèvrerie et de broderie créés pour l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Une plongée rare dans l’histoire religieuse, politique et artistique de l’Europe baroque.

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Vue de l'exposition « Au Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum » à la Frick Collection, présentant des œuvres des républiques de Venise et de Gênes, ainsi que des royaumes de Naples, d'Espagne et du Portugal.

Photo: Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Collection

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Durée de lecture: 11 Min.

Une lumière d’or et de pierres précieuses irradie les salles feutrées de la Frick Collection, à New York. L’exposition Vers le Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum, ouverte jusqu’au 5 janvier 2026, offre au public nord-américain une première mondiale : la présentation de plus de quarante œuvres somptueuses réalisées aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles pour l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Ces objets d’exception — vases sacrés, parures liturgiques, croix et chandeliers — ont été offerts par des monarques catholiques européens et des empereurs du Saint-Empire romain germanique à la basilique considérée comme le cœur du christianisme. Après New York, cette exposition inédite voyagera au Kimbell Art Museum, à Fort Worth (Texas), du 15 mars au 28 juin 2026.

Plateau et burettes offerts par les bienfaiteurs du Saint-Empire romain germanique, Vienne, 1740. Argent vermeil, or ciselé, émail, spinelles, améthystes, grenats, diamants, saphirs, rubis et citrines ; plateaux : 34 cm x 42 cm x 2,5 cm ; burettes : 15,5 cm x 8,5 cm x 14 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Collection)

L’église du Saint-Sépulcre

Considérée comme le lieu de la crucifixion, de la mise au tombeau et de la résurrection du Christ, l’église du Saint-Sépulcre a été érigée sous le règne de l’empereur Constantin (272–337 apr. J.-C.) et reconstruite à maintes reprises au fil des siècles. Elle demeure aujourd’hui partagée entre plusieurs confessions : latine (catholique romaine), grecque orthodoxe, arménienne, syrienne, copte et éthiopienne.

L’extérieur de l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, avec son clocher du XIIe siècle, sa rotonde, son catholicon (petite coupole) et son déambulatoire. (Gerd Eichmann/CC BY-SA 4.0)

Au XIVᵉ siècle, le pape confia la garde des lieux saints aux Franciscains, créant ainsi la Custodie de Terre sainte, toujours active. C’est elle qui conserve les objets réunis sous le nom de Trésor latin, prêtés exceptionnellement à la Frick. Resté longtemps ignoré, ce trésor ne fut redécouvert qu’au début des années 1980 par un historien de l’art. Depuis, sa renommée a franchi les murs de Jérusalem.

Vue de l’installation Au Saint-Sépulcre : Trésors du Musée Terra Sancta, présentant le Trône d’exposition eucharistique de Pietro, Eutichio et Sebastiano Juvarra (en haut au centre) et d’autres œuvres des royaumes d’Espagne. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Collection)

Des chefs-d’œuvre venus de toute l’Europe

L’exposition suit un parcours géographique, retraçant les origines des œuvres avant leur envoi en Terre sainte. Les commissariats de Terre sainte, présents dans la plupart des pays catholiques, assuraient la logistique et le financement de ces dons.
Les pièces proviennent notamment d’Espagne, du Portugal, du Saint-Empire, de France et de plusieurs royaumes italiens d’avant l’unification datant de 1861. Certaines sont les seuls exemplaires connus de leur type et illustrent l’excellence des arts décoratifs européens du baroque au rococo.

Vue de l’exposition Au Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum montrant deux chasubles (de Milan ou de Gênes) à l’entrée d’une salle abritant des œuvres du Royaume de France. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Vases sacrés et ornements liturgiques

L’une des trois salles de la Frick est consacrée à la France du XVIIᵉ siècle. Une lampe de sanctuaire, une croix de procession monumentale, six chandeliers d’autel et un ensemble de vêtements pontificaux rouges (un devant d’autel, trois chapes et deux dalmatiques) y sont présentés comme lors d’une célébration.
« Aucun autre ensemble d’orfèvrerie ou d’ornements liturgiques de cette importance ne subsiste du XVIIᵉ siècle français », souligne le musée. Les étoffes, brodées d’or et d’argent, arborent la fleur de lys et les armes de France et de Navarre, témoignages du pouvoir monarchique mis au service de la foi.
Autre joyau : un ensemble de vêtements liturgiques offert par la République de Gênes à la fin du XVIIᵉ siècle. Sans fil métallique mais d’un raffinement exceptionnel, la chape exposée représente saint Georges terrassant le dragon, entouré des armes de Gênes et de la Custodie, dans un décor de volutes florales et fruitières. Le dessin serait attribué au peintre Domenico Piola et à son atelier.

Deux chapes et une dalmatique tirées de Vêtements pontificaux rouges du roi Louis XIII de France, 1619, par Alexandre Paynet. Fond damassé et satin ; fils d’or, d’argent et de soie ; fermoirs en argent. Chapes : environ 152 cm x 2 975 cm ; dalmatique : 108 cm x 121 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Chape de l’Ensemble pontifical rouge de Gênes, 1686-1697, probablement réalisée par l’atelier de Domenico Piola. Fond satin, fil de soie et peinture sur soie ; 137 cm x 289 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

L’or de Naples : triomphe de l’orfèvrerie

Le Trône de l’Exposition eucharistique, 1754, par Antonio de Laurentiis. Or, cuivre doré, grenats almandins, améthystes, cristal de roche, diamants, rubis, émeraudes, saphirs, cornalines, péridots, quartz fumés, verre et doublets ; 174 cm x 82 cm x 39 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Le royaume de Naples est particulièrement bien représenté avec quatre œuvres extraordinaires offertes entre 1740 et 1755. Parmi elles, le Trône de l’exposition eucharistique est fait d’or et orné de diamants, de rubis, de cristaux de roche, d’émeraudes, de saphirs, d’améthystes, de cornalines, de péridots et de quartz fumés, constitue le point culminant de l’exposition.
« Extraordinaire par sa taille et la valeur de ses matériaux, cet objet est le plus impressionnant conservé dans le Trésor latin et l’un des chefs-d’œuvre absolus de l’orfèvrerie européenne du XVIIIᵉ siècle », note la Frick Collection.

Détail du Trône de l’Exposition eucharistique, 1754, par Antonio de Laurentiis. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Ce trône pouvait accueillir un ostensoir contenant l’hostie consacrée, ou, selon les célébrations, un crucifix. Celui offert par Naples associe or, lapis-lazuli sculpté et pierres précieuses, sa base ornée d’une couronne royale, du cheval héraldique du Commissariat de Naples et de la croix de Jérusalem, symbole des cinq plaies du Christ.

Ostensoir, 1746, de Naples. Or, rubis, émeraudes et diamants ; 69,5 cm x 26,7 cm x 18,5 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Détail du socle du crucifix, 1756, Naples. Or, lapis-lazuli, grenats almandins, rubis, émeraudes, diamants, quartz et verre ; 90 cm x 34 cm x 23 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Détail du haut de la crosse, 1756, Naples. Or, rubis, diamants, émeraudes, grenats amandes, quartz et verre ; 196,5 cm x 15,5 cm x 11,5 cm. Musée Terra Sancta, Jérusalem. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

Un bâton pastoral complète l’ensemble napolitain : destiné au Custode de Terre sainte, il se distingue par ses décorations de pierres fines et quatre statuettes — trois saints franciscains (François d’Assise, Bonaventure, Louis d’Anjou) et saint Janvier, patron de Naples. Aucune œuvre comparable d’un orfèvre napolitain n’a survécu.

Dialogue entre foi, art et histoire

L’exposition offre au visiteur une immersion dans la religion, la politique et l’histoire à travers des objets qui incarnent le sommet de l’artisanat et de l’art européen des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles.
Son titre, Vers le Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum, évoque délibérément l’idée du pèlerinage. Pendant des siècles, accéder au Saint-Sépulcre relevait du défi pour les chrétiens, le sanctuaire se trouvant au cœur du territoire ottoman. Beaucoup de fidèles exprimaient leur dévotion en envoyant aumônes et présents plutôt qu’en entreprenant le voyage.

Vue de l’exposition Au Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum montrant la paire de torchères de l’atelier d’Al San Lorenzo Giustinian flanquant l’antependium de Gennaro De Blasio. (Crédit photo Joseph Coscia Jr./ Frick Museum)

La discrétion du Trésor latin après la chute de l’Empire ottoman témoigne de la prudence des Franciscains face aux aléas de l’histoire. Sa préservation intacte relève du miracle. L’ouverture prochaine du Terra Sancta Museum au monastère Saint-Sauveur de Jérusalem permettra enfin au public d’admirer durablement ces témoins d’un dialogue fécond entre foi, art et diplomatie.
Informations pratiques
« Vers le Saint-Sépulcre : Trésors du Terra Sancta Museum »
Frick Collection, New York City
Jusqu’au 5 janvier 2026
Renseignements : frick.org
Michelle Plastrik est conseillère en art et vit à New York. Elle écrit sur un grand nombre de sujets, dont l'histoire de l'art, le marché de l'art, les musées, les foires d'art et les expositions spéciales.

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