Les chrétiens de Chine confrontés à un Noël incertain

Par Lorenzo Puertas
25 décembre 2021 18:17 Mis à jour: 25 décembre 2021 18:19

C’est Noël en République populaire de Chine, une période pour faire du shopping, prendre des photos avec le Père Noël et offrir des pommes emballées dans du papier cadeau à ses amis.

Noël est largement fêté en Chine, mais non comme une fête religieuse. Ce n’est pas même un jour de congé. Pour de nombreux jeunes Chinois, Noël est une fête romantique tout comme la Saint-Valentin.

Les centres commerciaux chinois sont décorés pour la saison, on peut voir des arbres de Noël, des lumières scintillantes et entendre ces chants de Noël si familiers pour les Occidentaux.

Mais pour les chrétiens de Chine, cette période n’est pas si festive, car ils sont toujours plus limités dans leur foi. Cette année, beaucoup revivront cette ancienne tradition chrétienne qui consiste à se réunir en secret par crainte d’être persécuté par les autorités.

« La situation des chrétiens en Chine s’est aggravée en 2021 », déclare pour Epoch Times le révérend F. Jonathan Liu, de la Communauté chrétienne chinoise de la Droiture, dont le siège se trouve à New York. « Le gouvernement chinois contrôle de plus en plus les activités des églises chrétiennes », ajoute-t-il, « en utilisant les mesures adoptées pour contrôler la pandémie ».

« Les autorités chinoises sévissent désormais aussi durement contre les associations d’étudiants chrétiens », dit-il, « non seulement en leur demandant de rejoindre le Parti [communiste], mais aussi en faisant pression sur leurs familles pour qu’elles renoncent à leurs croyances religieuses ».

Le christianisme en Chine

Le christianisme n’est pas récent en Chine : il a été diffusé pour la première fois par des missionnaires jésuites au 16e siècle. Le régime dénombre 44 millions de chrétiens chinois, soit environ 3 % de la population, mais il y en a probablement bien plus qui ne sont pas enregistrés.

L’histoire moderne du christianisme en Chine a commencé dans les années 1920 avec l’évangéliste Ni Tuosheng ayant organisé des centaines de petites églises et groupes d’études de la Bible et publié divers ouvrages pour expliquer la Bible aux Chinois. Après la prise du pouvoir par les communistes, Ni Tuosheng a été arrêté et a passé les 20 dernières années de sa vie en prison.

Le Parti communiste chinois athée (PCC), a toujours exercé un contrôle strict sur la religion. La victoire du communisme en 1949 marquerait le début de longues années de persécutions, mais de faible intensité. Cependant, à partir des années 1960, tout s’est aggravé, la révolution culturelle résultant sur une campagne de destruction des églises d’une très grande violence. Les chefs religieux ont été arrêtés ou tués et toute pratique religieuse a systématiquement été éliminée.

Quelques années plus tard, en 1978, la nouvelle Constitution chinoise comportait des dispositions garantissant la liberté de religion et interdisant la discrimination religieuse. Malgré cela, au jour d’aujourd’hui, les chrétiens et les autres minorités religieuses sont continuellement censurés, surveillés et restreints par le gouvernement, comme l’indique le rapport d’une ONG néerlandaise, Open Doors, publié en 2020.

Persécution par le PCC

« Il y a eu une augmentation des opérations de perquisition et de harcèlement à l’encontre des chrétiens et de leurs familles », indique le rapport. « Des milliers d’églises ont été endommagées ou détruites, certaines confisquées, dans une campagne qui s’est étendue à presque toutes les régions du pays. Pendant ce temps, les nouvelles lois réglementant la religion (…) continuent d’être appliquées de manière encore plus stricte. »

Chaque année, l’ONG chrétienne ChinaAid, basée aux États-Unis publie un rapport sur la persécution des chrétiens en Chine. Au fil des ans, elle a couvert des centaines de situations isolées d’oppression religieuse : des fermetures d’églises, des descentes de police, des arrestations de pasteurs et de prédicateurs de rue, etc.

Les cas sont parfois extrêmes. En 2002, par exemple, l’ONG rapportait la condamnation à mort de cinq dirigeants d’un groupe chrétien évangélique. En 2016, elle couvrait la mort de Ding Cuimei, une chrétienne enterrée vivante en défendant son église contre la démolition. En 2020, l’ONG documentait comment pour de prétendues violations du règlement de construction, l’église Donghu était rasée à 8 h 30 du matin un dimanche de Pâques. C’était pourtant une église approuvée par le gouvernement.

Selon le fondateur de ChinaAid, Bob Fu, les cas que l’ONG parvient à remonter « ne représentent qu’une petite partie des persécutions religieuses qui ont lieu dans toute la Chine. »

L’expression religieuse, comme presque tous les aspects de la vie en Chine, est contrôlée par le régime communiste.

Sous ce régime, les chrétiens chinois ne peuvent adhérer qu’à des églises enregistrées et supervisées par l’une des trois autorités gouvernementales : l’Église catholique patriotique chinoise, le Conseil chrétien chinois ou l’Église des Trois Autonomies. Ces organisations sont directement contrôlées par le Département du travail du Front uni (DTFU), un organe puissant chargé de rallier ou de neutraliser, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières, toutes les menaces qui pèsent sur le Parti.

Face à ces religions contrôlées par le PCC, de nombreux chrétiens chinois choisissent de pratiquer leur culte dans de petites congrégations non enregistrées. Ce sont ces « églises de maison » qui sont la cible de la plupart des descentes de police, des arrestations et des démolitions.

À noter que même les grandes églises approuvées par l’État nécessitent des autorisations spéciales pour organiser des manifestations pendant les fêtes. À Noël dernier, l’église catholique de Taihu, dans la province de l’Anhui, a partagé son permis officiel de messe de Noël en ligne, montrant les sceaux d’approbation requis de la police locale, de l’église catholique patriotique chinoise, de l’autorité de planification locale et de neuf autres organes gouvernementaux.

Selon le révérend Liu pour Epoch Times : « Les églises officielles peuvent certes célébrer Noël, mais ce type de célébration est toujours mêlé à d’importants [éléments] à connotations politiques. Par exemple, l’année dernière, lors des célébrations de Noël de l’église Mu’en Tang de Shanghai, les membres de l’église ont entonné des chants rouges à la gloire du gouvernement communiste chinois. »

Les chrétiens en danger

Selon M. Liu, les restrictions vont s’accentuer. « [Un projet de loi], des ‘Mesures de gestion des services d’information religieuse sur Internet’ entrera en vigueur à partir du 1er mars 2022″, fait-il savoir. « Cette loi interdit à toute organisation ou individu d’organiser des activités religieuses en ligne et jusqu’au [simple] contenu religieux qui ne pourra plus être reposté. Cette mesure va restreindre davantage encore l’espace des activités religieuses. »

« La situation des chrétiens s’est détériorée dans tout le pays », indique un rapport de l’ONG Open doors. « On nous rapporte que des citoyens sont récompensés financièrement quand ils informent les autorités sur les chrétiens et d’autres minorités. Cela reflète la détermination du Parti communiste à exercer son contrôle dans tous les domaines de la vie. »

Même à Hong Kong les chrétiens sont en danger, prévient M. Liu. « La liberté religieuse à Hong Kong a été sévèrement réduite sous l’effet de la loi dite de sécurité nationale », explique-t-il en référence à la législation imposée par Pékin en juin 2020 ayant drastiquement réduit les libertés d’expression et d’association dans la ville.

« De nombreux pasteurs qui soutiennent le mouvement démocratique de Hong Kong ont fui en exil à Taïwan ou dans d’autres pays, tandis que les organisations religieuses patriotiques continuent de développer leurs activités. »

« Je pense que bientôt Hong Kong ressemblera davantage à la Chine continentale, conclut-il, et il en sera de même pour ses organisations religieuses. Même Hong Kong supprimera le Falun Gong et toutes les autres organisations religieuses qualifiées de ‘sectes’ par le Parti communiste chinois. »

L’histoire de l’un des chrétiens les plus connus de Chine montre combien les circonstances risquent de devenir dangereuses. L’avocat des droits de l’homme Gao Zhisheng s’est converti au christianisme en 2005 après avoir défendu un homme emprisonné pour avoir imprimé des bibles sans autorisation.

Connu pour avoir défendu des militants et des pratiquants de Falun Gong et pour s’être élevé contre les violations des droits de l’homme, M. Gao a publié en 2006 un livre intitulé Une Chine plus juste. Il a renoncé à son adhésion au Parti communiste et a appelé au boycott des Jeux olympiques de Pékin en 2008.

Gao Zhisheng a été emprisonné pendant des années et a affirmé, une fois libéré, avoir été gravement torturé par la police secrète chinoise. En août 2017, M. Gao a disparu. On ignore toujours où il se trouve.


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