Comment le communisme a engendré le fascisme et la violence

Par Anders Corr
10 novembre 2022 18:14 Mis à jour: 12 novembre 2022 12:30

L’idéologie communiste prétend apporter la paix et l’égalité. Dans les faits cependant, en faisant l’apologie de la dictature et en appelant à s’emparer des moyens de production par la force, le communisme a immanquablement conduit à la mise en place des régimes autoritaires les plus terribles.

Il en résulte que des dizaines de millions de personnes ont été tuées, victimes de guerres, de famines ou de génocides. C’est le triste sort qu’ont connu de nombreux Coréens, Afghans, Tchétchènes, Ukrainiens, Vietnamiens, Ouïghours, Tibétains ou pratiquants de Falun Gong, par exemple.

Ce que l’on connaît moins en revanche, c’est le véritable rôle historique des révolutions communistes. Que ce soit la révolution russe de 1917 ou ses déclinaisons en Europe et en Asie durant l’entre‑deux guerres, celles-ci ont joué un rôle important dans l’émergence d’une riposte de type fasciste en Italie et en Allemagne. Parallèlement, elles ont contraint la Grande‑Bretagne et d’autre pays d’Europe de l’Ouest à se montrer tolérants envers ces mouvements fascistes émergents. Pour prévenir la vague communiste, ces pays se sont rabattus sur une politique d’apaisement envers cet autre extrême. Une telle conjoncture allait préparer le terrain à la guerre et au génocide Nazi.

C’est cet aspect que couvre le nouveau livre de Jonathan Haslam, The Spectre of War : International Communism and the Origins of World War II (Princeton University Press, 2021). [Le spectre de la guerre : Le communisme international et les origines de la Seconde Guerre mondiale, ndt.] Jonathan Haslam est professeur à l’université de Cambridge en Grande‑Bretagne , il a puisé dans les archives de toute l’Europe.

L’idéologie communiste

Peu après la révolution russe et la Première Guerre mondiale, les journalistes britanniques commencent à remarquer l’existence de ce qu’ils appellent alors « l’impérialisme bolcheviste », ou la volonté d’exporter le communisme en dehors de la Russie et sur l’ensemble du globe. Ils prennent conscience du fait que les Russes ne sont pas les seuls à souffrir sous le joug communiste, le monde entier risque de tomber aux mains de leurs armées conquérantes, nationales ou internationales.

L’idéologie communiste du marxisme‑léninisme (connue à l’époque sous le nom inexact de « bolchevisme » ou « ceux de la majorité ») était essentielle à l’impérialisme russe, car la Russie n’était pas un État puissant. Les bolcheviks espéraient donc pouvoir s’appuyer sur le soulèvement des travailleurs et des paysans d’autres pays pour renverser le capitalisme chez eux. Cette « classe ouvrière » étrangère était réceptive à l’idéologie communiste et croyait faussement que le communisme allait la « libérer » de ses « chaînes ».

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Lénine lors du discours prononcé pour célébrer le premier anniversaire du coup d’État bolchevique , le 7 novembre 1918 sur la Place Rouge. (POtsup/Getty Images)

La propagande bolchevique a connu un grand succès en 1918. L’ambassadeur de Suisse en France s’indignait alors : « Partout, il y a des désordres, des émeutes et des révoltes. »

La seule façon dont une démocratie pouvait survivre dans ces conditions, selon Jonathan Haslam, étaient de « faire de fausses promesses extravagantes de réforme sociale (en Grande‑Bretagne, par exemple, des ‘maisons pour les héros [de guerre]’ qui n’ont jamais été construites) ou [de fausses promesses] de répartition plus égalitaire des salaires, ce qui permettait de retarder le moment inévitable où il faudrait accomplir ces promesses alors que les ressources disponibles étaient certainement insuffisantes pour répondre à cette revendication pressante ».

Les origines du fascisme italien

Dans le contexte de l’agitation communiste croissante en Italie dans les années de l’entre‑deux guerres, la corruption du gouvernement, tant sur le plan politique que sur le plan financier, condamnait la démocratie à une « médiocrité chronique ». « Alors que la gauche dure les pressait de toutes parts, ils cédaient progressivement », écrit le Pr Haslam. « Et à mesure qu’ils cédaient, le ressentiment réactionnaire grandissait lentement mais sûrement au sein de la population locale, attisé par la droite. »

En 1919, un mouvement ultranationaliste émerge alors en Italie. « Des ligues d’anciens combattants [de la Première Guerre mondiale] réagissent avec violence alors que les socialistes antimilitaristes tentent de bloquer l’érection des monuments aux morts, tout en clamant leur mépris pour ceux qui ont été décorés pour les services rendus à la nation. »

En réponse aux « intimidations incessantes de l’extrême gauche », poursuit l’historien, et trois ans seulement après la révolution russe, l’Italie connaissait en 1920 la première assemblée générale de son mouvement fasciste.

Les premiers fascistes italiens étaient contre la Société des nations et la domination financière qu’elle exerçait sur leur pays. Ils s’opposaient aux « vagues de grèves qui perturbaient les villes de Rome, Naples, Turin, Milan et Gênes, dans le secteur des tramways et des chemins de fer, chez les chauffeurs de taxi, la poste et les services électriques, auxquelles s’ajoutaient la grève des ouvriers agricoles des Pouilles, de l’Émilie‑Romagne et de la Vénétie ».

L’inflation et la violence générées par les agitateurs communistes ont ébranlé la stabilité politique et financière non seulement des propriétaires italiens, mais aussi des retraités, des employés de l’administration et des personnes à revenu fixe.

Pendant ce temps, « le reste de l’Europe s’affole de voir que l’Armée rouge traverse la Pologne, et se dirige vers Varsovie en août [1920], avec peut‑être Berlin à la clé. »

Cette expansion rapide du communisme (et la réponse inefficace des formes existantes de gouvernance démocratique) a fait naître dans la population le sentiment que les démocraties avaient besoin d’hommes forts, de personnalités comme Mussolini en Italie.

L’Allemagne nazie

Le fascisme, et sa surréaction violente, raciste, opportuniste et autoritaire face à une violence tout aussi opportuniste et autoritaire du côté communiste (qui finirait lui aussi par devenir raciste), s’est développé dans ces circonstances. Il a culminé avec Adolf Hitler qui l’a orienté vers l’expansionnisme territorial et le génocide.

« Des pays entiers, comme la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie, ont été isolés avec beaucoup de facilité, battus les uns après les autres, puis rayés de la carte par Hitler, car, pour chacun de ces pays, la crainte d’une domination communiste était finalement plus forte que la peur des nazis eux‑mêmes. »

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Le 5 octobre 1939, un mois après l’invasion de la Pologne, les troupes allemandes défilent devant Adolf Hitler et ses généraux à Varsovie. (Domaine public)

À cette époque, la menace de l’Union soviétique était bien connue, y compris en Grande‑Bretagne. En revanche, « l’ampleur et la gravité de la menace de l’Allemagne nazie » étaient inconnues.

Les responsables britanniques, qui souscrivaient à une compréhension classique de l’économie, espéraient pouvoir repousser les menaces du communisme et du fascisme par la diplomatie et en utilisant cet atout très britannique qu’est le commerce international. Mais la Russie n’a pas « miraculeusement » changé, comme ils l’espéraient. Pas plus, d’ailleurs, que l’Allemagne nazie.

Les politiques d’apaisement face au Comintern

Cette insouciance britannique n’a pas faibli malgré l’agitation communiste et fasciste, et malgré la fondation en 1919 de l’Internationale communiste (IC, ou Comintern). Pourtant, le but avoué de l’IC était de favoriser les révolutions de par le monde, avec une exigence supplémentaire décrétée en 1920, à savoir que celles‑ci devaient se soumettre à Moscou.

Jonathan Haslam a consulté les archives du Comintern pour son livre.

Par exemple, en 1921, le Comintern a directement soutenu la création du Parti communiste chinois, et ce faisant, il menaçait les intérêts britanniques en Chine.

Les bolcheviks en Chine « se sont focalisés sur des groupes de discussions qui existaient déjà dans les milieux étudiants, et qui ont aidé à déployer des organisations communistes à Pékin, Shanghai, Tientsin, Canton, Hankow, Nanjing et ailleurs ».

La propagande soviétique qui se déversait en Chine était alors considérée comme le maillon faible du « capitalisme mondial ». Dans les années 1920, elle attisait les troubles et les révolutions de tous les bords, à caractère nationaliste, racial ou communiste. Ces révolutions étaient orientées contre les seigneurs de la guerre et contre les étrangers, notamment les Britanniques. Les nationalistes et les communistes se sont confrontés lors de la guerre civile chinoise de 1927 à 1936, mais auparavant les deux partis étaient relativement unis dans leur volonté de chasser « l’impérialisme » étranger.

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Mao Zedong (à g.) et Zhu De dans le nord de la province de Shaanxi en octobre 1935. (Xinhua/AFP via Getty Images)

« Même lorsque les régimes insurrectionnels faisaient preuve d’une détermination inébranlable à saper les rouages de l’ensemble du système international, la tendance [britannique] a systématiquement été d’estimer que le ‘bon sens’ reviendrait tôt ou tard et que celui‑ci réaffirmerait sa domination naturelle. »

Jonathan Haslam note qu’il s’agit là d’un concept que les Britanniques nomment « l’attente vigilante », alors que les Américains parlent de « patience stratégique ».

En 1936, « le bolchevisme était de retour en Europe, avec pour fer de lance le Front populaire du Comintern en France et en Espagne ».

« Mussolini était considéré [par les responsables britanniques] comme étant foncièrement sain pour son pays, où il maintenait le bolchevisme à distance et gardait Antonio Gramsci [fondateur du Parti communiste italien] en prison, bien que ses ambitions internationales étaient considérées comme provocantes. »

« Les violations du traité de Versailles par Hitler, voire la réoccupation de la Rhénanie, étaient considérées [par les Britanniques] comme une rectification nécessaire face aux injustices récentes. Le fascisme en Allemagne, comme en Italie puis en Espagne, était perçu comme un antidote indispensable aux excès révolutionnaires. »

Le premier ministre britannique de l’époque, Neville Chamberlain, est souvent dépeint comme quelqu’un de faible, qui a été trop conciliant avec Hitler. Jonathan Haslam y voit davantage un antisémite refoulé et un admirateur des hommes forts tels que Hitler et Mussolini.

L’apaisement de Chamberlain à l’égard d’Hitler ne venait pas tant d’un caractère faible, selon l’auteur, que d’une connivence idéologique non assumée avec le fascisme, cet antidote au communisme, auquel s’ajoutait une ignorance raciste et délibérée des atrocités commises.

Selon un journaliste, rapportant les propos tenus lors d’un échange officieux avec Chamberlain : « Toute question posée par exemple sur la persécution des juifs, les promesses non tenues d’Hitler ou les ambitions de Mussolini, recevait une réponse selon un cap bien établi. Il était surpris qu’un journaliste aussi expérimenté soit sensible à la propagande judéo‑communiste. »

Quelle pertinence aujourd’hui ?

(Alexei Druzhinin/Sputnik/AFP via Getty Images)

Aujourd’hui, ce ne sont pas Hitler et Mussolini qui menacent de faire la guerre et de conquérir des territoires, mais bel et bien Xi Jinping et Vladimir Poutine. Ils sont tout aussi racistes que leurs prédécesseurs, que ce soit contre les Ukrainiens, les Ouïghours ou les Tibétains.

Compte tenu que la Chine est une économie colossale recourant à des technologies de surveillance toujours plus sophistiquées, ce nouvel axe totalitaire russo‑chinois est sans doute bien plus dangereux qu’il ne l’était au XXe siècle.

La Chine comme la Russie cherchent à exploiter la polarisation politique aux États‑Unis et en Europe. Leur but est que les parlementaires des partis opposés apparaissent comme une menace plus importante que de lointains dictateurs du bout du monde.

Cependant, on peut faire le parallèle entre la conjoncture actuelle et celle d’autrefois. Force est de constater que le risque de voir les pays démocratiques se cliver à l’excès pour des questions de politique interne risque de les mener droit vers les dictatures et les guerres qu’ils cherchent à combattre.

Le livre de Jonathan Haslam nous rappelle opportunément que nous avons en réalité des objectifs communs. Il est important de nous souvenir que le communisme tout comme le fascisme sont dangereux. Il est important de comprendre que ces idéologies extrêmes se nourrissent l’une de l’autre. Espérons que ce livre sera lu et nous aidera à éviter ces deux formes de dérive à l’avenir.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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