La crise d’Evergrande présage un ralentissement dramatique de l’économie chinoise

Par Eva Fu
21 octobre 2021 20:43 Mis à jour: 22 octobre 2021 11:00

Du fait de la dette d’Evergrande, l’économie chinoise s’apprête à connaître un fort ralentissement dans les années à venir, avertit un économiste. Selon lui, ce ralentissement risque de donner un coup de fouet aux autres nations.

Le recul de l’économie chinoise peut toutefois ne pas être apparent dans l’immédiat, explique Leland Miller, directeur général du cabinet en prévisions économiques chinoises China Beige Book. Avec le troisième mandat prévu du dirigeant chinois Xi Jinping et les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, le régime fera tout son possible pour reporter tout élément politiquement préjudiciable jusqu’à l’année prochaine au moins, précise-t-il.

Cependant, ce n’est qu’une question de temps, à terme tout refera surface.

Ce ralentissement sera tangible au cours des deux ou trois prochaines années ou au cours de la prochaine décennie selon les « décisions politiques ». Mais « la croissance va ralentir, et de façon assez spectaculaire », a insisté M. Miller lors d’un débat en ligne organisé par l’Institut Hudson.

« Nous sommes sur une voie à sens unique vers une croissance plus lente, peu importe ce qui peut se passer. »

Le ralentissement économique

La croissance de l’économie chinoise est plus lente depuis un an, le pays devant faire face à des pénuries d’électricité, des réseaux d’approvisionnements saturés, des épidémies sporadiques et un ralentissement du secteur immobilier. La croissance du produit intérieur brut (PIB) de 4,9 % au cours du troisième trimestre est inférieure de 3 points de pourcentage à celle du trimestre précédent, et plus mauvaise que les prévisions déjà revues à la baisse des analystes.

Des ouvriers se préparent à installer un panneau de fenêtre sur un site de construction à Pékin, le 19 octobre 2021. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Evergrande, l’un des principaux promoteurs chinois dans un secteur qui contribue pour près d’un tiers au PIB du pays, est aux prises avec une dette de plus de 300 milliards de dollars et a manqué trois séries de paiements obligataires en moins d’un mois.

Même si les risques d’un effondrement imminent peuvent être contenus, la crise est un signe clair que le modèle de croissance chinois est en train de changer, a poursuivi M. Miller.

Contrairement au reste du monde, la Chine possède un système financier non commercial dans lequel le gouvernement assume le contrôle de toutes les entités commerciales, a-t-il rappelé.

À court terme, Pékin a la possibilité d’injecter des fonds pour faire tourner l’économie. Le régime peut également imposer aux entreprises d’État d’absorber les dettes, afin d’éviter que l’effondrement d’une entreprise ne se transforme en un « moment Lehman ». Ce qui pèserait sur l’ensemble du marché financier. Mais sur le long terme, injecter des capitaux dans des entreprises zombies et « gaspiller de l’argent » fera stagner la croissance, selon M. Miller.

Le nom et le logo Evergrande à l’extérieur du chantier de construction d’un complexe de logements Evergrande à Pékin le 13 septembre 2021. (Photo de GREG BAKER / AFP via Getty Images).

Il n’y a pas de solution évidente. Alors que les médias d’État chinois encouragent depuis des années une transition vers un modèle économique alimenté par la consommation et non plus par l’investissement, ces messages n’ont pas de prise en pratique et « le gouvernement ne fait rien de concret pour que cela se produise », constate-t-il.

Une façon de créer une vague de consommation, selon M. Miller, est de renforcer la monnaie en donnant plus de pouvoir d’achat aux ménages.

Les autorités pourraient également transférer les actifs de l’État dans le secteur privé et élargir les programmes de protection sociale pour les personnes dans le besoin. Mais la plupart des politiques menées par Pékin ont l’effet inverse de celui recherché, à savoir faire évoluer la Chine vers une économie axée sur la consommation, a-t-il ajouté.

Un système de Ponzi

Evergrande, selon M. Miller, fonctionne essentiellement selon un système de Ponzi. Elle se finance en promettant un nombre toujours croissant d’appartements aux familles chinoises, puis utilise l’argent pour rembourser des prêts proposés sous forme d’investissements à fort taux d’intérêt.

Mais ce modèle d’emprunt pour la croissance s’est arrêté après la mise en place par les autorités, en août 2020, de restrictions politiques limitant le montant de la dette que les sociétés immobilières peuvent supporter.

Le stade de football Guangzhou Evergrande en cours de construction à Guangzhou, dans la province chinoise du Guangdong (sud), le 17 septembre 2021. (STR/AFP via Getty Images)

Selon M. Miller, il importe peu qu’Evergrande survive ou non, mais la question essentielle est de savoir « dans quelle mesure le gouvernement interviendra » pour contenir les éventuelles retombées et qui assumera les pertes.

Dans les semaines ou les mois à venir, des entreprises chinoises patriotiques pourraient « se manifester et dire : ‘Laissez-nous construire ces appartements. Laissez-nous assumer ces responsabilités. Laissez-nous vous aider à rembourser ces détenteurs d’obligations », poursuit-il.

« Est-ce pleinement volontaire ? Non. … ce sont des acteurs qui agissent à la demande du gouvernement, au-delà des transactions purement commerciales. »

Le 15 octobre, un responsable de la Banque populaire de Chine a déclaré que les problèmes d’Evergrande étaient « contrôlables », rompant ainsi le silence de Pékin qui durait depuis des mois sur cette question. Qualifiant cette crise de la dette de « phénomène isolé », le responsable a demandé à Evergrande d’intensifier ses efforts en matière de cession d’actifs et a promis un financement pour soutenir la reprise des projets de construction de l’entreprise.

Le pacte social

Pour M. Miller, le désendettement du secteur immobilier s’inscrit dans la lignée des mesures radicales prises par le régime à l’encontre des géants de la technologie et de la campagne de Xi Jinping en faveur de la « prospérité commune« , qu’il décrit comme faisant partie d’un nouveau pacte social entre le Parti et la population chinoise.

Bien entendu, « le Parti profite des questions sociales très populaires pour se placer du bon côté de celles-ci », mais le régime considère également ces entreprises comme des « vaches à lait », ajoute-t-il.

« Mais d’une manière générale, les grandes entreprises chinoises disposent d’une énorme richesse, et l’idée qu’elles puissent rester à l’écart alors que le Parti cherche désespérément des fonds, je pense que c’est irréaliste », présume-t-il. « D’une manière ou d’une autre, elles vont devoir donner au Parti ».

La pénurie d’argent oblige maintenant le Parti à « faire preuve de créativité », explique M. Miller, notant que les autorités ont pris des mesures pour placer des membres du Parti dans les conseils d’administration des grandes entreprises et que certains gouvernements locaux sont en passe de devenir des actionnaires minoritaires.

Les pays qui, depuis la crise financière, ont compté sur les énormes « raz-de-marée de crédit » de la Chine pour alimenter leurs propres économies doivent maintenant se préparer à un changement, selon M. Miller.

« Il y avait cette croyance que la croissance chinoise pouvait défier indéfiniment les lois de la gravité. Ils n’ont rien prévu pour après, et ils doivent rester optimistes. »

Ce que la crise d’Evergrande signale, c’est un modèle de croissance différent pour la Chine, et « cela va frapper certains pays de la planète de manière très dure s’ils ne sont pas préparés ».

Eva Fu est rédactrice pour Epoch Times à New York spécialisée dans les relations entre les États-Unis et la Chine, la liberté religieuse et les droits de l’homme.


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