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Crise diplomatique Japon-Chine

Crise diplomatique Japon-Chine : une intervention militaire chinoise contre Taïwan serait « une menace pour la survie du Japon »

La Première ministre japonaise Sanae Takaichi a franchi un cap inédit le 7 novembre dernier. Devant le Parlement, elle a évoqué sans détour le scénario d'une intervention militaire chinoise contre Taïwan, affirmant qu'un tel conflit constituerait "une menace pour la survie du Japon".

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La Première ministre japonaise Sanae Takaichi, lors d'une session de la commission budgétaire de la Chambre des conseillers à la Diète nationale à Tokyo, le 12 novembre 2025.

Photo: KAZUHIRO NOGI/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Une déclaration qui rompt avec des décennies de prudence diplomatique. Jusqu’alors, les dirigeants nippons préféraient cultiver l’ « ambiguïté stratégique », évitant toute prise de position explicite sur la défense de l’île, située à seulement 100 kilomètres des côtes japonaises.

La « légitime défense collective » du Japon

« La situation est devenue si grave que nous devons envisager le scénario du pire », a insisté la cheffe du gouvernement, laissant clairement entendre que Tokyo pourrait intervenir militairement au nom de la « légitime défense collective » – un dispositif légal adopté en 2015.

La réponse chinoise : menaces de décapitation et convocations

La réaction de Pékin ne s’est pas fait attendre. Le consul général de Chine à Osaka, Xue Jian, a publié sur X un message d’une violence inouïe, menaçant de « couper cette sale tête sans la moindre hésitation ». Bien que rapidement supprimé, le tweet a provoqué un tollé.
Tokyo a riposté en convoquant l’ambassadeur chinois et en dénonçant une menace « extrêmement inappropriée ». Le parti de Sanae Takaichi est même allé jusqu’à réclamer l’expulsion du diplomate.
Mais Pékin a maintenu la pression. Des médias d’État ont averti que la dirigeante japonaise « devrait probablement payer le prix » de ses propos. Le ministère des Affaires étrangères chinois a exigé un retrait immédiat de ces déclarations, menaçant le Japon de « conséquences » en cas de refus.

Un signal clair : « Tokyo ne restera plus les bras croisés »

Pour les observateurs, ce changement de ton marque un tournant historique. « C’est un message très clair à Pékin : le Japon ne reste plus les bras croisés en observateur », analyse Wang Hung-jen, spécialiste politique à l’Université nationale Cheng Kung de Taïwan.
Selon lui, « la probabilité d’une intervention japonaise pour dissuader la Chine a considérablement augmenté ». Une perspective qui bouleverse l’équilibre géopolitique régional.
Sanae Takaichi, conservatrice proche de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe, a toujours été considérée comme un « faucon » vis-à-vis de Pékin. Ses propos vont néanmoins bien au-delà de ce qu’aucun dirigeant japonais en fonction n’avait osé dire auparavant.

Entre fermeté et équilibre : les risques d’une parole libérée

Cette nouvelle posture japonaise soulève des questions stratégiques. « Une communication plus claire peut renforcer la dissuasion, mais il faut trouver un juste équilibre », tempère Yee Kuang Heng, professeur à l’Université de Tokyo. « Il convient aussi de maintenir l’incertitude chez l’autre partie. »
Le Japon a néanmoins réaffirmé que sa position sur Taïwan restait « inchangée », appelant à « la paix et à la stabilité » dans le détroit. Une tentative d’apaisement qui peine à masquer la rupture opérée par les déclarations de Mme Takaichi.

Une équation complexe : histoire, commerce et démocratie

Les relations sino-japonaises demeurent marquées par un héritage lourd. Si le Japon a normalisé ses liens avec Pékin en 1972 et que la Chine est devenue son premier partenaire commercial, les différends historiques pèsent encore sur leurs rapports.
Parallèlement, Tokyo entretient des relations chaleureuses avec Taïwan, ancienne colonie japonaise jusqu’en 1945, mais qui met aujourd’hui en avant ses valeurs démocratiques communes avec l’archipel nippon.
Côté taïwanais, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hsiao Kuang-wei, a dénoncé la « mentalité agressive et hégémonique » des diplomates chinois, qualifiant leurs méthodes de « loups guerriers ».

Le risque d’escalade

Pékin, qui considère Taïwan comme partie intégrante de son territoire depuis la séparation de facto en 1949, n’exclut pas le recours à la force pour « reprendre » le contrôle de l’île. Face à cette menace, les propos de Sanae Takaichi pourraient refléter une « volonté personnelle » de durcir le ton, selon les analystes.
Reste à savoir si cette nouvelle ligne japonaise sera maintenue ou s’il s’agit d’un ballon d’essai diplomatique. Une chose est certaine : l’ambiguïté stratégique qui prévalait depuis des décennies semble avoir vécu.
Avec AFP