Croisière nonchalante au fil de la Charente

14 juillet 2015 03:59 Mis à jour: 2 septembre 2015 17:48

Ceux qui découvrent la Charente par la route n’imaginent pas l’univers bucolique qu’embrasse la rivière quand on choisit de s’offrir une croisière de quelques jours. Entre Cognac et Saint-Simeux, le voyage en pénichette ou en coche de plaisance traverse une terre aux paysages ruraux qui se déclinent en minuscules hameaux endormis autour de chapelles romanes, en vignobles alignés derrière d’imposants logis de pierre blanche, en prairies verdoyantes et en futaies. Rien d’étonnant que François Ier ait pu dire de la Charente: «C’est le plus beau ruisseau de mon royaume.»

Larguer les amarres en Charente à bord d’un house-boat, ces embarcations qui se pilotent sans permis, c’est s’offrir à coup sûr la promesse d’un voyage qui remonte le temps avec pourtant un petit goût d’aventure. «La Charente n’est pas dangereuse, précise la responsable des Canalous à Cognac, mais elle est restée vraiment sauvage si on la compare aux autres bassins français.»

La Charente se mérite à la force des bras

Tout commence par une initiation aux rudiments de la navigation fluviale et par un écolage de notre yacht miniature. Rien de bien difficile, les manœuvres sont réduites à leurs plus simples expressions. Le capitaine d’occasion n’a besoin

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La vallée de la Charente ondule aux abords de Vibrac offrant des coteaux propices à la culture de la vigne qui donnera un jour le fameux cognac ou encore du Pineau des Charentes. (Charles Mahaux)

d’aucun diplôme. La vitesse est réduite, un grand maximum de 10 km/heure. Avec ce train de sénateur, l’équipage s’adapte très vite à son nouveau jouet.

À l’approche de la première écluse, chacun se demande comment il va assumer la transition. C’est qu’en Charente, les écluses sont désertes, tout est en libre-service. Il faut accoster à un premier ponton juste avant le sas d’entrée afin de débarquer les équipiers chargés d’ouvrir et de fermer les vannes pour, ensuite, se faufiler dans le sas ouvert. Une répartition des rôles s’établit entre les moussaillons. Il y a le spécialiste, celui qui doit jeter l’aussière d’un geste sûr autour du bollard pour maintenir le bateau durant la manœuvre, puis celui qui manie la gaffe. Les équipiers à terre s’activent à manipuler, à l’huile de coude, les grands volants qui ouvrent ou ferment les portes, puis les petits pour les vantelles. Répéter la manœuvre au fil des écluses, c’est épouser les gestes d’autrefois qui nous ancrent davantage dans ce nouveau milieu de vie. Quand les vannes s’ouvrent, il faut accoster une fois de plus sur le ponton d’attente qui permet de respecter la tradition de courtoisie, qui veut que l’on referme portes et vantelles derrière soi quand on quitte une écluse.

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La campagne qui borde la Charente se partage entre vastes prairies et vignobles. (Charles Mahaux)

On est passé sans encombre! Le ton est donné, la croisière est rythmée par la répétition de gestes inusités sur un espace tout aussi inhabituel, dans un environnement tellement éloigné du quotidien de chacun. La terre, vue de l’eau, offre une nouvelle mise en scène. Les repères familiers disparaissent et on se laisse surprendre par le silence qui baigne le paysage à l’esthétique intemporelle. Écluses, ponts, barrages et autres ouvrages se succèdent pour évoquer le passé industriel ou social de la région. La magie opère, une semaine plus tard, chacun a l’impression d’avoir parcouru un long périple bucolique qui, bien souvent, ne compte qu’une centaine de kilomètres.

Au rythme de l’escargot

Autour du bateau, la lumière fait vibrer toutes les nuances de vert dont se pare le paysage. Vert tendre des saules pleureurs dont les rameaux tombent en rideau jusqu’à caresser la rivière, vert olive des frênes et des aulnes qui entremêlent leurs branches, vert luisant des berges ondulantes. Même l’eau devient un miroir verdâtre qui reflète toute cette végétation tellement exubérante, qu’elle semble s’écrouler vers elle. Et puis, soudain, des tapis de renoncules d’eau et des bouquets d’iris jaunes viennent rompre cette harmonie. D’un méandre à l’autre, des familles de cygnes d’un blanc immaculé surgissent des roseaux et évoluent autour du bateau.

Chaque virage offre une surprise pour les naturalistes en herbe: des canards qui s’ébattent, un héron cendré perché sur la crête d’un barrage, un martin-pêcheur qui cisaille le ciel. De loin en loin, une petite route qui serpente, un village assoupi qui attire le regard. Il est aussi, l’occasion d’amarrer le bateau et de mettre pied à terre pour plonger dans le terroir à la découverte de murs de pierre usés par les ans, de produits locaux savoureux et de gens accueillants, mais toujours surpris par la passion de ces étrangers pour leur fleuve.

L’âme de la Charente

D’un jour à l’autre, la partition est inchangée. Ode à la lenteur pour mieux découvrir cette terre tranquille et secrète et les paisibles villages resserrés autour d’églises romanes oubliées: maillage de ruelles bordées d’humbles maisons à Juac et à Saint-Simon, hautes portes charentaises à Vibrac cerné de vieux ponts en dos-d’âne, vestiges de moulins à aubes dans la cité des meuniers de Saint-Simeux, quiétude du village de Gondeville avec ses logis de pierre blonde et ses vastes domaines dont les murs sont habillés de rosiers grimpants.

Jarnac est une étape incontournable, d’abord parce qu’elle abrite les chais de cognac de la marque Courvoisier, mais aussi parce qu’elle s’enorgueillit d’avoir vu naître François Mitterand dont la maison se visite et permet d’appréhender la vie du président, mais aussi celle de ce typique village charentais. Sur les coteaux qui dominent la petite cité, d’opulentes résidences de riches négociants en cognac toisent la rivière.

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Le village de Saint-Simeux étagé au-dessus de la Charente abrite, au bord de la Charentele Pub Gabariers, un bar style anglais qui offre le couvert et une agréable terrasse où déguster les cognacs et autres whiskies proposés. (Charles Mahaux)

Si Jarnac a donné un président à la France, Cognac lui a donné un roi, François 1er dont le souvenir est omniprésent: un château, des médaillons sculptés sous la forme emblématique de la salamandre, une statue équestre au cœur d’une place qui porte son nom, mais Cognac demeure avant tout la ville de la célèbre eau-de-vie des dieux. On raconte que l’évaporation du cognac, cette fameuse part des anges, représenterait chaque année l’équivalent de 150 millions de bouteilles, de quoi rêver en visitant l’un ou l’autre chais de cognac dont les plus connus alignent leurs bâtisses le long des quais, dessinant une perspective unique à quelques encablures du port, point de départ et d’arrivée des bateaux de plaisance.

Infos pratiques

Informations touristiques: auprès de www.poitou-charentes.fr ou encore www.poitou-charentes-vacances.com

Compagnies et bateaux: Plusieurs compagnies se partagent les services de location. Les Canalous www.canalous-plaisance.fr, du nom des anciens bateliers du canal, est une compagnie de plaisance fluviale familiale créée en 1982, l’une des plus anciennes en France à offrir ses services. Dans les années 1990, ils ont créé leur propre chantier naval qui leur permet de lancer la gamme Tarpon que nous avons testée, «la référence du tourisme fluvial». Hissés aujourd’hui au premier rang des loueurs-constructeurs français, ils proposent aussi des destinations dans d’autres pays européens. À découvrir sur www.fpp.travel

Coût d’une croisière 

Il est toujours abordable quand il se divise par 4 ou par 6, d’autant plus que le voyage est plus confortable si l’équipage est plus important pour partager les manœuvres. Par ailleurs, choisir de faire son marché et de cuisiner soi-même les produits du cru évite de coûteux frais de restauration. Enfin, sachez qu’on peut amarrer partout le long du canal pour zéro euro, au cœur de la nature ou au pied des villages. Il suffit simplement de bien gérer le ravitaillement en eau et en électricité en choisissant des points gratuits ou peu onéreux, signalés dans le livre de bord. Pour un supplément modique, des VTT peuvent être mis à votre disposition. Ils s’avèrent pratiques quand il faut partir à la recherche d’une boulangerie pour assurer le petit-déjeuner ou tout simplement pour rayonner autour du lieu d’amarrage. À découvrir absolument, pour une étape goûteuse, le pub Les Gabariers à Saint-Simeux tenu par un Anglais qui y vit depuis plus de 20 ans, il accueille avec plaisir les plaisanciers qui abordent au pied de sa taverne. La visite du village perché sur une colline est aisée depuis ce point d’amarrage.

Organiser son parcours

La bonne formule est sans doute d’allier la promenade bucolique avec quelques visites. Comme en Charente, la multiplication des écluses peut lasser certains. Pour une croisière d’une semaine, le plus simple est de vivre à son rythme au moins jusque Saint-Simeux, voire plus loin, durant les 4 premiers jours avant de faire marche arrière et de redescendre le courant vers Cognac.

Le domaine Brard Blanchard: www.brard-blanchard.fr.

Si la ville même de Cognac est le paradis du précieux breuvage avec ses producteurs aux noms prestigieux qui organisent des visites guidées groupées de leurs chais, la campagne cognaçaise compte d’autres vignobles plus discrets, mais non moins intéressants. À découvrir absolument sur les coteaux sud de la Charente, l’exploitation biologique de la famille Brard-Blanchard, qui a choisi de surcroît la vendange manuelle. En bavardant avec le producteur, on en apprend sur le vin de Charente, le pineau et le cognac tout en dégustant les produits proposés avec un très bon rapport qualité-prix.

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