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Dans l’Afrique du Sud charbonnière, la population prisonnière d’une pollution mortelle

juin 28, 2019 6:50, Last Updated: juillet 12, 2019 14:26
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Tumelo vient une nouvelle fois de manquer plusieurs jours d’école. « J’ai les yeux qui brûlent et l’impression d’étouffer », explique l’adolescente entre deux quintes de toux. « Le docteur dit qu’il ne peut rien », poursuit sa mère, « la solution est de quitter eMalahleni », ville sud-africaine asphyxiée par l’industrie du charbon.

Tumelo habite au numéro 3094 du township d’eMpumelelweni dans la banlieue d’eMalahleni (nord-est).  Son voisin du 3095, Lifa Pelican, souffre des mêmes maux, ce qui lui a valu de redoubler quatre classes. Le jeune homme de 25 ans ne se déplace jamais sans son aérosol, même dans sa maison glaciale aux murs en parpaings bruts. « Parfois, j’ai impression que je vais mourir. »

Lifa a commencé à avoir des problèmes respiratoires après avoir emménagé à eMalahleni, coincée entre des mines de charbon poussiéreuses et les fumées blanchâtres de centrales électriques qui en brûlent jour et nuit la production. Alors quand il se rend chez son père à Nelspruit, à 200 kilomètres de là, il revit. « Je n’utilise pas d’aérosol ». 

La famille de Tumelo raconte une histoire en tout point identique. Les problèmes de santé de la jeune fille de 14 ans « ont commencé quand on a déménagé ici en 2007 », se rappelle sa mère, Nono Ledwaba. « Quand Tumelo va chez sa grand-mère à Mafikeng (400 km), les symptômes cessent », assure-t-elle.

La ville d’eMalahleni, littéralement « le lieu du charbon », se trouve au cœur de la Highveld, l’une des régions au monde les plus polluées en dioxyde d’azote et dioxyde de soufre, selon l’organisation Greenpeace.

Les principaux responsables de la pollution dans la région sont clairement identifiés, affirment deux ONG de défense de l’environnement, groundWork et Vukani: 12 centrales à charbon de la compagnie nationale d’électricité Eskom, une centrale de liquéfaction du charbon et une raffinerie de pétrole.

Ces sites ont causé entre 305 et 650 décès prématurés en 2016, avancent-elles. Devant ce constat glaçant, elles viennent d’attaquer en justice le gouvernement sud-africain pour avoir « violé le droit » constitutionnel des citoyens à respirer un air sain. Une première en Afrique du Sud, la principale puissance industrielle du continent.

Le gouvernement a « échoué à réduire les niveaux mortels de pollution de l’air » dans la Highveld, qui borde Pretoria et Johannesburg, les capitales politique et économique du pays, estiment les deux ONG. « On a affaire à une crise de santé publique », affirme Tim Lloyd, avocat représentant groundWork et Vukani, qui évalue à 2 milliards d’euros le coût annuel de la pollution en Afrique du Sud.

Les autorités se défendent en assurant que « les concentrations en dioxyde de soufre se sont améliorées » dans la Highveld, sans toutefois avancer de chiffres. Avant d’ajouter que « la réalité est que les améliorations souhaitées ne pourront pas être mises en œuvre à court terme ».

L’exposition à la pollution cause des maladies chroniques (asthme, bronchites…) et des cancers du poumon et contribue à des accidents vasculaires cérébraux, selon groundWork et Vukani. Le cabinet du docteur Alexis Mashifane à Middelburg, à une trentaine de kilomètres d’eMalahleni, ne désemplit pas. « Quand les gens arrivent dans la région, ils commencent à être malades. Quand ils s’en vont, certains vont mieux », constate-t-il.

Mais beaucoup n’ont d’autre choix que de rester, « coincés » pour des raisons économiques dans cette région toxique. « J’aimerais partir, mais je n’ai pas d’argent », regrette Mbali Mathebula, mère de deux fillettes asthmatiques.  Dans leur petite maison au pied de la mine de charbon de Schonland, Princess, 5 ans, et sa sœur Asemalhe, 7 mois, jouent avec un masque donné par l’hôpital.

En cas de crise d’asthme, le masque doit être raccordé à un aérosol adapté pour enfants. Mais « je n’ai pas les moyens d’acheter la machine » à 70 euros, explique la mère célibataire, employée de supermarché. Si les petites souffrent en pleine nuit, « vu que je n’ai pas de voiture, je dois attendre le matin pour aller à l’hôpital. Et des fois je n’ai pas assez d’argent pour le transport », confie-t-elle.

Sa voisine, Cebile Faith Mkhwanazi, vit le même déchirement. Alors pour tenter de réduire les crises d’asthme de sa fille de 3 ans, elle ne l’envoie plus à la crèche en hiver. « On ne peut pas payer le médecin », confie-t-elle. « Les mines se remplissent les poches et nous on souffre », s’énerve Lifa. Ici, « il y a de l’énergie solaire à gogo », alors pourquoi ne pas opter pour le solaire, se demande-t-il.

En Afrique du Sud, les énergies vertes comme le solaire et l’éolien représentent moins de 2% de la production d’électricité, contre 86% pour le charbon, bien que le pays bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel.

Cebile, elle, envisage le cœur brisé d’envoyer ses enfants chez sa mère, loin de la Highveld. « Je crains de ne pas avoir d’autre solution. C’est pour leur bien-être. Ils y resteront pour toujours. »

E.T avec AFP

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