Sénat et gouvernement se sont accordés pour faire adopter deux dispositifs « complémentaires » sur l’accès aux soins, le premier pour encadrer l’installation des médecins, le second pour organiser leur « solidarité » envers les déserts médicaux, mesure phare du « pacte » proposé par François Bayrou.
Le gouvernement veut imposer jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire, pour lutter contre les déserts médicaux.
Ce « principe de solidarité » du corps médical est présenté par l’exécutif comme une alternative à la « fin de la liberté d’installation » des médecins, mesure induite par une proposition de loi transpartisane beaucoup plus coercitive adoptée à l’Assemblée nationale début mai.
Le gouvernement préfère plutôt adresser « un message de confiance à l’ensemble de soignants » et « ne pas privilégier les solutions de contrainte à l’installation ».
Ce texte n’en reste pas moins inflammable pour la profession qui montre du doigt le manque de moyens dans les territoires et la désertification des commerces.
Le Sénat encadre l’installation des médecins et approuve le « pacte » Bayrou
De longues heures de débats à la chambre haute ont confronté les visions sur un dossier au cœur de l’actualité : la désertification médicale.
Quelques jours seulement après la présentation par le Premier ministre d’un plan pour renforcer l’accès aux praticiens, ses propositions prennent déjà corps à la Chambre haute dans une proposition de loi du sénateur Les Républicains Philippe Mouiller.
La principale mesure gouvernementale, accueillie plutôt fraîchement par les médecins, vise à instaurer une « mission de solidarité territoriale obligatoire », à savoir imposer à tous les médecins exerçant en zone bien pourvue de se « projeter » dans les zones prioritaires, jusqu’à deux jours par mois.
La philosophie du gouvernement est de « demander peu à un grand nombre de médecins, plutôt que demander beaucoup à peu de médecins », a résumé le ministre de la Santé, Yannick Neuder.
Ce dispositif, proposé par le gouvernement par voie d’amendement, a été adopté par le Sénat. Pour les spécialistes, l’installation dans un territoire bien pourvu serait conditionnée à un départ dans la même spécialité, avec une dérogation si le spécialiste s’engage à exercer en plus, à temps partiel, dans une zone touchée par des difficultés d’accès aux soins.
« L’encadrement équilibré des installations responsabilisera les médecins et réduira les inégalités d’accès aux soins », a défendu la sénatrice Corinne Imbert (LR), rapporteure sur ce texte.
La concurrence d’une proposition de loi transpartisane plus sévère à l’Assemblée
Ces dispositifs, fruits d’un accord entre Sénat et gouvernement, viennent concurrencer un texte bien plus coercitif adopté à l’Assemblée nationale à l’initiative du socialiste Guillaume Garot.
Le 7 mai, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un texte de régulation de l’installation des médecins, porté par un groupe transpartisan de plus de 250 députés, allant de LFI à près d’un tiers du groupe LR.
D’après ce texte, avant de s’installer, les médecins libéraux ou salariés devraient solliciter l’aval de l’Agence régionale de santé. Le médecin serait de droit dans une zone manquant de soignants, mais dans les territoires mieux pourvus, il ne pourrait s’installer que lorsqu’un autre s’en va.
Un « indicateur territorial » tenant compte du « temps médical disponible par patient » et de « la situation démographique, sanitaire et socio-économique du territoire », servirait à flécher la régulation, qui ne concernerait potentiellement que « 13 % du territoire ».
Mais l’obligation d’installation est un casus belli pour la profession, qui a déjà manifesté fin avril à Paris.
La fronde des médecins libéraux, étudiants et internes en médecine
« Ce n’est pas la liberté d’installation qui met en péril l’accès aux soins » mais « la pénurie structurelle de médecins [et le] manque d’attractivité du secteur libéral », selon un communiqué du syndicat Jeunes Médecins.
« On est un peu surpris parce que c’est toujours raisonner comme s’il y avait beaucoup de médecins et qu’ils n’étaient pas installés là où il faut. Mais, en fait, il n’y a pas assez de médecins », tance Patricia Lefébure, présidente de la Fédération des médecins de France (FMF).
« Si c’est encore de la coercition, ça va mal se passer, on va aller au clash », prévient Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML).
« Il ne faut pas que ce soit l’idée de contrainte, d’obligation », déplore aussi Agnès Giannotti, présidente de la Fédération française des médecins généralistes (MG France), majoritaire chez les libéraux. « Si vous déshabillez Paul pour habiller Jacques, on va jouer au jeu des chaises musicales mais tout le monde sera toujours tout nu au bout du compte ». Et la présidente de MG France déroule: « Si je ne suis pas dans mon cabinet, ils ne voient pas leur médecin traitant non plus. Donc ça ne fait que déplacer le problème. »
Il est pourtant bien écrit « mission de solidarité obligatoire » dans les documents du gouvernement.
Le fond fait aussi tiquer. « On est un peu surpris parce que c’est toujours raisonner comme s’il y avait beaucoup de médecins et qu’ils n’étaient pas installés là où il faut. Mais, en fait, il n’y a pas assez de médecins », défend Patricia Lefébure, présidente de la Fédération des médecins de France (FMF).
Le plan Bayrou est « très faible », juge pour sa part Philippe Cuq, coprésident de l’Union Avenir Spé Le Bloc (syndicat des spécialités médicales et médico-chirurgicales). Pour lui, le spectre d’analyse doit être plus large: « En plein milieu de la Lozère, il y a 2000 personnes. Certes, il faut un médecin, mais il n’y a pas de Poste, il n’y a pas de boulanger, il n’y a rien. Vous comprenez ce que je veux dire ? »
Patricia Lefébure pointe aussi le « fort coût » d’avoir ce qu’elle appelle un « cabinet secondaire ». « Un échographe, ça coûte 25.000 euros. Si je vais autre part, il faut que je sois équipée, comme dans mon cabinet, or je n’ai pas les moyens d’avoir deux cabinets différents. »
« On ne va pas installer un bloc autre part : donc le chirurgien doit être à côté de la clinique où il est, il peut pas aller consulter à 50 km, ça n’a pas de sens », souligne encore la présidente de la FMF.
Il faut que les « collectivités territoriales, les communes, puissent mettre à disposition un local, où on puisse effectuer une consultation, un accueil, un secrétariat, et puis le minimum : une chaise, un bureau, un ordinateur, un accès Internet, une table d’examen médical, voilà, on ne demande pas la lune », précise aussi à l’AFP Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
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