En pleine pandémie, les insomnies d’un fossoyeur indien

Par Epoch Times avec AFP
18 mai 2020 13:39 Mis à jour: 18 mai 2020 14:01

Pour Mohammed Shamim, la mort n’était jusqu’ici qu’un métier. Mais avec la pandémie de nouveau coronavirus, un frisson glacé traverse désormais ce fossoyeur de New Delhi chaque fois qu’un nouveau corbillard pénètre dans son cimetière.

« J’enterre des morts depuis deux décennies. Mais jusqu’ici, je n’avais jamais eu peur pour ma propre vie », raconte à l’AFP cet Indien de 38 ans, casquette sur la tête, gants aux mains et bouteille de gel hydroalcoolique dans la poche de sa tunique.

La capitale indienne est devenue l’un des principaux centres de l’épidémie de nouveau coronavirus dans le pays de 1,3 milliard d’habitants. Si les chiffres officiels font actuellement état de près de 150 morts de la maladie Covid-19 dans la mégapole, des médias indiens, en se basant sur le nombre de funérailles de cas suspects, avancent que le bilan réel pourrait être trois fois plus élevé – environ 450 morts.

Photo par Sajjad HUSSAIN / AFP via Getty Images.

Covid-19, à 200 mètres des autres tombes

Dans le cimetière musulman Jadid Qabristan Ahle où il officie, Mohammed Shamim dit avoir pour sa part enterré 115 corps dans le carré réservé aux cas confirmés ou suspects de Covid-19, situé à 200 mètres à l’écart des autres tombes.

Même sa famille, où l’on est pourtant fossoyeur depuis trois générations, a commencé à se plaindre de son travail, craignant que Mohammed ne soit contaminé et ne leur transmette à son tour la maladie. Pour réduire les risques, il a donc placé ses quatre filles dans la maison de ses parents pour éviter d’entrer en contact avec elles.

-Alors que les autorités disent qu’il y a environ 150 morts, les rapports des médias basés sur les registres du cimetière de la ville indiquent qu’il y en a 450. Shamim dit qu’il a creusé 115 tombes. Photo par Sajjad HUSSAIN / AFP via Getty Images.

« Ils ont peur. Parfois je leur mens en leur disant que je ne touche pas les corps », dit l’employé du cimetière.

Mohammed Shamim reçoit un appel environ une heure avant que n’arrive un nouveau corbillard. À partir de là, la nervosité monte.

Mettent des combinaisons de protection

Il prépare les proches, leur demande de mettre des combinaisons de protection, des gants et un masque pour l’enterrement. Les prières dites, la famille descend la dépouille – généralement enveloppée dans un drap ou un sac en plastique – dans sa tombe.

Puis ils jettent dans l’excavation leurs équipements de protection, avant qu’une pelleteuse ne comble le trou.

-Shamim est un fossoyeur de troisième génération, mais maintenant un frisson lui monte même la colonne vertébrale chaque fois qu’il voit un corbillard s’arrêter au cimetière de New Photo par Sajjad HUSSAIN / AFP via Getty Images.

Mais certains cadavres de victimes du coronavirus arrivent sans proches pour aider à la mise en terre, obligeant le fossoyeur à fréquemment contrevenir aux ordres de rester à l’écart.

Décrit des scènes « bouleversantes »

« Les gens refusent simplement d’aider à la mise en terre. Que puis-je faire? Je dois y aller », déclare-t-il, décrivant des scènes « bouleversantes » comme cet enterrement d’un homme, auquel seuls une femme et un petit enfant se sont présentés.

Lors d’une récente cérémonie, Mohammed a dû trouver des gants pour un petit groupe arrivé avec des sacs en plastique pour toute protection. Il a finalement déniché deux paires et a donné un unique gant à chacune des quatre personnes chargées de descendre le corps dans son ultime demeure.

« Je comprends que ce n’est jamais facile d’enterrer les morts, mais certaines familles ne respectent pas du tout les règles. De nombreuses fois, j’ai dû supplier les employés de l’hôpital qui amènent le corps pour qu’ils me donnent des gants. »

Le fossoyeur est si inquiet de contracter le nouveau coronavirus qu’il s’est fait tester deux fois, payant ces examens lui-même malgré son maigre salaire.

« Maintenant j’ai du mal à trouver le sommeil la nuit »

Il a reçu de l’aide du comité de gestion du cimetière et des autorités municipales, mais dit n’avoir aucun soutien de la part du gouvernement. « Je suis bien trop petit pour qu’ils se préoccupent de moi », déplore-t-il.

« J’ai enterré les morts au cours des deux dernières décennies. Mais jusqu’à présent, je n’ai jamais eu peur de ma propre vie », a-t-il déclaré. La capitale indienne est devenue l’un des points chauds COVID-19 du pays. Photo par Sajjad HUSSAIN / AFP via Getty Images.

Alors que le bilan du coronavirus s’alourdit à Delhi et que ses services sont de plus en plus requis, Mohammed Shamim suit avec inquiétude les moindres signes de son corps, à l’écoute de possibles symptômes. Sa respiration s’est-elle modifiée ? A-t-il mal à l’estomac ?

« Je me suis toujours senti en sécurité auprès des morts et vulnérable dans le monde extérieur. Maintenant j’ai du mal à trouver le sommeil la nuit. »

 

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