Faut-il mériter son RSA ?

Par Aurelien Girard
7 mai 2023 18:37 Mis à jour: 10 mai 2023 06:43

Pendant sa campagne présidentielle en 2022, Emmanuel Macron avait promis plus qu’une réforme des retraites. Il avait aussi annoncé celle du revenu de solidarité active (RSA), outil de solidarité créé sous la présidence Sarkozy pour se substituer au revenu minimum d’insertion (RMI). Le constat, il y a quinze ans déjà, était que les retours à l’emploi n’étaient pas suffisamment encouragés par le RMI. Le 17 mars 2022, le candidat Macron déclarait donc : « Il y aura l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle, soit de formation en insertion, soit d’emploi et d’être mieux accompagné. »

Dans son allocution télévisée du 22 mars cette année, pour tourner la page de la réforme des retraites, le président a évoqué celle de Pôle Emploi et du RSA : « Beaucoup de travailleurs disent : « Vous nous demandez des efforts mais il y a des gens qui travaillent jamais, ils ont quasiment la même vie et ils auront le minimum vieillesse »» expliquait alors le président.

Ce 5 mai, c’est une nouvelle fois le ministre du Travail Olivier Dussopt qui s’est chargé d’offrir la pilule amère lors d’un déplacement en Côte d’Or. En décrivant les futures missions de France Travail, l’entité qui doit remplacer Pôle Emploi, il a préfiguré la transition de la gestion des allocataires du RSA, avec un « accompagnement renforcé » et plus d’obligations pour continuer à toucher l’allocation. La plus emblématique des mesures est la nécessité pour tout allocataire de consacrer 15 à 20h par semaine à des activités permettant de faciliter son retour vers l’emploi. Pas un emploi donc, mais plus une série de « stages » et de formations.

Les associations de lutte contre la pauvreté, pour celles qui se sont déjà exprimées, sont contre, parlant de « chantage à l’allocation. » ATD Quart Monde estime par exemple dans un communiqué que « rien ne prouve l’effet mobilisateur de la politique du bâton.» L’association, parmi d’autres, considère que l’allocation est un droit qui ne doit pas aller avec des devoirs, et plaide pour un accompagnement « global et fondé sur la confiance, la reconnaissance des talents et des ressources des personnes, et non pas sur la contrainte et la peur.»

Le RSA coûte 15 milliards d’euros par an aux finances publiques et « risque d’évoluer, pour un nombre croissant de personnes, vers une simple allocation de survie, marquant l’échec des ambitions affichées en 2008 lors de sa création  pointe pourtant la Cour des Comptes. À rebours des affirmations associatives, dans son rapport de 2022, la Cour rappelle que le RSA est un contrat d’engagement du bénéficiaire pour son retour à l’emploi. Or, moins de la moitié de ceux-ci se souvient avoir signé un document contenant ses droits et devoirs ainsi que les objectifs de son suivi.  Plus d’un tiers d’entre eux dit parallèlement ne plus chercher, ou ne pas retrouver, du travail par découragement ou « autre raison. » Le rapport de la Cour des Comptes pointe des insuffisances majeures de suivi des allocataires et d’aide à leur insertion sociale : à peine deux tiers d’entre eux bénéficiant de rendez-vous de suivi, une fois tous les deux mois. On touche donc le RSA, puis on reste chez soi sans réel soutien.

Comme toujours, les questions liées aux finances publiques sont lues avec des prismes idéologiques déformants. Quand, pour une frange de la droite, ce dispositif est un assistanat de masse qui favorise la paresse et la fraude —  la Cour des Comptes évoque un milliard d’euros par an d’arnaques au RSA — les associations et les voix de gauche y voient le nécessaire soutien à des frères humains en fragilité, le dernier rempart contre la grande pauvreté. Confrontés sur le terrain quotidien aux exemples de détresse sociale, à la dévalorisation personnelle qui accompagne le fait d’être dépendant, les acteurs de la solidarité défendent vigoureusement les allocataires contre toute forme de stigmatisation, comme on défendrait dans une cour de récréation un enfant fragile maltraité par des caïds.

La solidarité et le soutien aux plus fragiles sont le ciment d’une société – tout comme l’est la préservation de leur dignité. Or, on les en dépouille aussi bien quand l’opinion les traite de citoyens de seconde zone que lorsque les aides ne vont avec aucun devoir permettant de dire qu’on mérite ce que l’on obtient. Demander à un bénéficiaire du RSA un temps d’activité au service de la communauté, c’est cesser de lui jeter au visage l’image de quelqu’un qui ne pourrait que vivre de l’aumône publique, c’est lui dire qu’il peut faire, contribuer, être fier de sa contribution. La réforme du RSA pourrait en fait être une mesure de salubrité publique et apporter une aide attendue dans les secteurs en tension : agriculture, restauration, aide à domicile, parmi bien d’autres.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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