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Comment Pékin exporte son modèle de surveillance au monde entier

Le régime chinois exporte massivement ses technologies de surveillance et de contrôle social vers des régimes autoritaires, sous couvert d’« Initiative pour la sécurité mondiale ».

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Des policiers paramilitaires défilent devant des caméras de surveillance sur la place Tiananmen, à l’issue de la deuxième session plénière de l’Assemblée nationale populaire (ANP), à Pékin, le 8 mars 2025.

Photo: ADEK BERRY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Le panoptique est un concept apparu au XVIIIe siècle sous la plume de l’écrivain et théoricien social britannique Jeremy Bentham, imaginé comme un dispositif permettant de surveiller un grand nombre de personnes dans un espace contrôlé. Conçu à l’origine pour une prison, il créait une atmosphère dans laquelle les détenus ignoraient en permanence s’ils étaient observés par une autorité centrale. Cette incertitude était censée les inciter à se comporter comme s’ils étaient surveillés en permanence, conduisant ainsi à une forme d’« auto-discipline ».

Aujourd’hui, il existe des moyens plus efficaces de garder un œil – le mot « panoptique » vient du grec « tout‑voir » – sur une population donnée. Il s’agit, bien sûr, d’internet et des réseaux sociaux. Il est très facile pour les entreprises qui offrent ces services, soi‑disant « gratuitement », de collecter les habitudes de navigation de leurs utilisateurs, leurs carnets d’adresses, leurs publications et leurs opinions politiques. Ces données peuvent servir, de manière relativement anodine, à cibler la publicité, mais aussi, de façon plus inquiétante, à identifier les personnes que le pouvoir estime en contradiction avec les objectifs qu’il cherche à imposer à la société.

Un État doté d’un pouvoir « omnivoyant » peut, bien entendu, non seulement garder la trace de ses citoyens, mais aussi localiser ceux qu’il considère comme un « problème ». Les dissidents, ou simplement ceux qui ont des opinions divergentes, peuvent être harcelés, menacés, arrêtés, voire blessés ou tués par ceux qui détiennent le pouvoir. Les exemples ne manquent pas ces dernières années.

Sans surprise, les régimes autoritaires sont avides d’acquérir et d’utiliser ces outils. Après tout, ils ne tolèrent ni contestation, ni opposition, ni critique de leur pouvoir. Dans cette perspective, des technologies capables de surveiller les populations, de repérer ceux qui se distinguent par leurs opinions et de transmettre leurs informations personnelles aux services de sécurité de l’État constituent un atout majeur.

Et le régime chinois est plus qu’enclin à les aider à se doter de ces technologies.

En 2022, la République populaire de Chine a lancé son « Initiative pour la sécurité mondiale », que le « dirigeant suprême » Xi Jinping a présentée comme un moyen de « maintenir la paix et la sécurité dans le monde » tout en respectant « la non‑ingérence dans les affaires intérieures ». On sait à quel point Pékin est paranoïaque à propos de toute « ingérence » dans ses propres affaires (incarcération des Ouïghours, élimination de la culture tibétaine, persécution du Falun Gong, menaces contre Taïwan, etc.).

Ne souhaitant pas garder ce « merveilleux » projet pour elle seule, la RPC propose des formations policières et des technologies de surveillance à d’autres pays afin de garantir leur « stabilité interne ». Parmi les bénéficiaires figurent la Serbie, l’Éthiopie, le Kazakhstan, la Birmanie et le Pakistan, qui ne sont pas exactement des démocraties libérales. Certes, ces outils peuvent contribuer à la lutte contre la criminalité, mais ils se révèlent tout aussi efficaces pour contrôler la population et maintenir un pouvoir sans limite de durée.

Comme l’a fait remarquer The Economist : « Pour les gouvernements enclins à l’autoritarisme, la Chine est toutefois un catalyseur et une source d’inspiration. » Bien sûr, la Chine ne demande rien en retour et n’impose pas à ces États des exigences gênantes telles que la protection des droits de l’homme.

Ce mouvement apparaît comme une nouvelle manière pour le régime de Pékin d’étendre son influence à l’échelle mondiale. Comme Xi l’a répété à plusieurs reprises, il veut que la Chine devienne la puissance dominante de la planète d’ici 2049, sans se préoccuper de respecter les règles (concurrence économique loyale, normes internationales en matière de droits, etc.) pour y parvenir. S’il parvient à vendre son modèle à d’autres nations partageant ce mépris de la justice, il étend non seulement l’empreinte de la Chine dans le monde, mais s’assure aussi le soutien de partenaires qui auront peu de chances d’élever la voix contre les violations des droits et libertés de la population chinoise. Des rapports indiquent, par exemple, qu’en contrepartie, ces pays sont invités à soutenir les revendications territoriales de la RPC sur Taïwan et d’autres zones – comme certains récifs et atolls de la mer de Chine méridionale, que Pékin considère comme ses eaux intérieures.

Ce que ces « clients » ne voient pas, cependant, c’est que l’utilisation de la technologie chinoise est assortie de lourdes contreparties. Pékin sera propriétaire des données collectées par ces outils et pourra les exploiter à son profit. Peut‑être les acheteurs y voient‑ils un faible prix à payer pour avoir les moyens de dominer et d’intimider leurs propres populations.

Il est difficile de comprendre comment un pays peut traiter avec Pékin sur quoi que ce soit, au vu de son historique de duplicité. On pourrait penser qu’une simple compréhension, même superficielle, de l’histoire récente suffirait à amener les États à reconsidérer leur relation avec la RPC. Mais, une fois encore, lorsqu’il s’agit d’autocraties, il semble bien que « qui se ressemble s’assemble ».

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Phil Gurski ayant travaillé pendant 32 ans au sein des services de renseignement canadiens, est un spécialiste du terrorisme. Il est l'auteur de six ouvrages sur le terrorisme.

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