Fermetures de Carrefour au Moyen-Orient : le mouvement de boycott propalestinien s’en félicite

Un bâtiment à Koweït City qui appartenait autrefois à la multinationale Carrefour et qui abrite aujourd'hui la chaîne de supermarchés HyperMax, le 2 octobre 2025.
Photo: YASSER AL ZAYYAT/AFP via Getty Images
L’enseigne Carrefour a disparu ces derniers mois de plusieurs pays du Moyen-Orient, une évolution célébrée par des consommateurs et militants propalestiniens qui appellent au boycott depuis le début de la guerre à Gaza.
Depuis un an, le groupe Majid Al Futtaim, franchisé de Carrefour au Moyen-Orient, a remplacé la marque Carrefour par sa propre enseigne, HyperMax, en Jordanie, à Oman, au Koweït et à Bahreïn. Il justifie ce changement par « une demande croissante pour des produits et services locaux ». Le groupe continue toutefois d’exploiter Carrefour dans d’autres pays, notamment en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
Les experts divergent sur l’interprétation de ce repositionnement commercial, mais des consommateurs voient un lien direct avec les mobilisations liées à la cause palestinienne.
Accusations de complicité avec Israël
Carrefour est depuis longtemps dans le viseur des militants propalestiniens, qui l’accusent d’entretenir des liens avec des entreprises israéliennes opérant dans les colonies en Cisjordanie. Le mouvement BDS (« Boycott, désinvestissement, sanctions ») l’accuse de « tirer profit » des colonies via son partenariat avec Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan, et de commercialiser des produits issus de ces zones. Il affirme également que Carrefour-Israël a directement soutenu l’armée israélienne à Gaza en fournissant des colis à des soldats.
En réponse à ces critiques, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a assuré en mai « la stricte neutralité » du groupe et affirmé qu’« il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura jamais de magasins Carrefour dans un territoire occupé ».
Réactions à Bahreïn
À Bahreïn, l’enseigne a été remplacée par HyperMax. Pour des consommateurs comme Houda Ahmed, 45 ans, cette fermeture est directement liée au boycott : « Je suis heureuse qu’Al-Futtaim ait écouté ses clients et se soit désengagé de la marque. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était alors qu’un génocide se déroule à nos portes. » Elle ajoute que « l’entreprise mérite d’être félicitée pour cette décision ».
Le militant Ghassan Nasaif, représentant du mouvement BDS à Bahreïn, parle d’une « grande victoire » : « C’est exactement ce que nous demandions au groupe (Majid) Al Futtaim. »
Un employé d’HyperMax, qui souhaite rester anonyme, témoigne d’une nette baisse de fréquentation du magasin à l’époque où il portait encore l’enseigne Carrefour : « Presque tous nos clients avaient cessé de venir. » Selon lui, depuis le changement de nom, « je vois davantage de clients », notamment bahreïnis et ressortissants d’autres pays arabes.
Pressions populaires
Dans la monarchie du Golfe, l’opinion publique reste largement acquise à la cause palestinienne, malgré la normalisation diplomatique de Bahreïn avec Israël en 2020. Pour de nombreux habitants, le boycott est un moyen d’expression dans un contexte de restrictions politiques. Le militant koweïtien Musab Al-Otaibi estime que, faute de pouvoir s’exprimer librement, les populations « n’ont pas d’autres armes que le boycott ».
L’analyste Bader al-Saif, de l’université du Koweït, considère que ces fermetures montrent que « les voix de la population du Golfe comptent ».
Repositionnement stratégique
Certains spécialistes estiment cependant que ces retraits s’inscrivent aussi dans une stratégie plus globale. M. R. Raghu, analyste de Marmore Mena Intelligence (filiale de Kuwait Financial Centre), évole un « recentrage géographique » lié à la « détérioration » de la situation financière du distributeur français, qui s’est désengagé de certains pays.
Le groupe Majid Al Futtaim a indiqué avoir subi une baisse de 10 % des revenus de son activité de distribution en 2024, en partie à cause de « l’impact des tensions géopolitiques sur le moral des consommateurs ». Au premier semestre 2025, cette activité enregistrait encore une baisse de 1 % en rythme annuel.
Pour l’économiste Justin Alexandre, la forte demande locale combinée au changement de nom pourrait indiquer « des préoccupations liées au boycott de la marque ».
Avec AFP
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