Forte augmentation des accidents du travail chez Amazon France, les salariés «sous pression»

Par Epoch Times avec AFP
14 octobre 2023 13:30 Mis à jour: 14 octobre 2023 13:43

Une forte augmentation des accidents du travail, un absentéisme « alarmant », un turn-over important : un rapport passe au crible les pratiques sociales dans les entrepôts d’Amazon France, tandis que les salariés évoquent pratiques illégales et culture de la « pression ».

De ce document – élaboré par le cabinet indépendant Progexa pour le CSE central d’Amazon et transmis en octobre –, un chiffre frappant ressort : le nombre d’accidents du travail avec arrêt a plus que doublé en 2022, soit 1132 incidents contre 482 l’année précédente. L’étude porte sur les 8 entrepôts et le siège.

Les salariés interrogés par l’AFP, qui ont tous souhaité conserver l’anonymat et dont les prénoms ont été changés, expliquent ce chiffre par des « pressions » managériales, des « impératifs de résultats ». « Sur les 7h30 de shift, plusieurs managers viennent, ils se passent le relais, ils ne vous lâchent pas », témoigne Nadia, 47 ans, qui travaille à Senlis (Oise) et se dit « démoralisée ».

« Tu n’as pas le choix »

Et en cas de blessure, beaucoup dénoncent une stratégie de « culpabilisation », comme Hélène, qui s’est bloquée le dos : « Ils m’ont dit que c’était de ma faute. » La manutentionnaire de 56 ans estime que c’est plutôt parce que dans son entrepôt à Sevrey (Saône-et-Loire) les employés manipulent depuis peu des colis jusqu’à 20 kilos, sans que les postes n’aient été adaptés ou sans machines, « pas disponibles ».

Benoît, également à Sevrey, affirme que quand il s’est blessé au bras, ses supérieurs ont voulu lui « faire signer un ‘‘bon de départ’’ », plutôt que de déclarer un accident du travail. Encore « interloquée », Brigitte, 50 ans, raconte que son supérieur l’a appelée après un accident lorsqu’elle travaillait de nuit pour lui proposer de prendre des « heures de récup » plutôt qu’un arrêt. Les employés estiment ainsi que le nombre d’accidents est minoré, Amazon faisant « n’importe quoi pour ne pas avoir d’accidents du travail », déplore Hélène.

Jusqu’à demander à des employés souffrants, comme Nora qui a eu « un souci à l’épaule », de rester sur leur poste en dépit des douleurs. « Mon supérieur m’a dit : Il y a de l’absentéisme, il n’y a personne, tu n’as pas le choix. » Mais l’étudiante de 23 ans a « fondu en larmes tellement la douleur était forte » au bout de plusieurs heures et a fini par quitter l’entreprise.

Une hausse des arrêts maladie

Le taux d’absentéisme, à 15,9%, est « alarmant et s’explique notamment par « la très forte hausse des arrêts pour maladie (+91%) », chiffre Progexa. « Nous offrons à nos plus de 20.000 salariés en France un environnement de travail sûr et moderne », s’est défendu un porte-parole d’Amazon, contacté par l’AFP. « Un sondage indépendant réalisé par l’Ifop en 2023 révèle que plus de 8 salariés d’Amazon sur 10 recommanderaient à leurs proches de venir y travailler et s’y projettent dans les prochaines années », a-t-il rappelé.

Amazon a investi plus de 25 millions d’euros en 2022 en France dans des projets visant à améliorer la sécurité et le bien-être de ses salariés sur les sites logistiques, a encore déclaré le géant de la livraison. Dans son rapport, Progexa constate qu’Amazon rencontre des difficultés « à stabiliser » ses effectifs dans ses entrepôts, 9 salariés sur 10 ayant moins de 5 ans d’ancienneté. Il chiffre le taux de rotation à 36%, ce qui, théoriquement, signifie que « tous les 3 ans environ, l’ensemble du personnel d’AFL (Amazon France Logistique, ndrl) est renouvelé ».

En outre, les « départs naturels » (comme la retraite ou les mutations) sont peu représentés à Amazon (3%). En 2022, les CDI ayant quitté l’entreprise l’ont fait à 31% en raison d’une rupture de période d’essai, 38% car ils ont été licenciés, 25% parce qu’ils ont démissionné ou 3% avec une rupture conventionnelle. Un renouvellement rapide des effectifs qu’un élu syndical explique ainsi : « Après avoir été embauché, le salarié commence à comprendre le système Amazon, il se syndique donc on essaie de le faire partir, pour prendre des petits jeunes. »

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