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Ingérence russe : de fausses menaces jihadistes pour déstabiliser la France

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Le Président russe Vladimir Poutine.

Photo: Junko Kimura/Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

Drapeau français déchiré, maquette de Notre-Dame de Paris en flammes, Marianne décapitée : depuis plusieurs mois, des vidéos diffusant des menaces contre des symboles de la France circulent en ligne. Si elles se présentent comme jihadistes, plusieurs experts y voient la trace d’une opération d’influence prorusse.

La plus récente, publiée le 14 septembre 2025, montre trois hommes encagoulés, filmés devant un mur décoré d’un drapeau palestinien. Ils y accusent le gouvernement français de corruption, promettent de transformer la France en « État islamique », avant de déchirer un drapeau tricolore. Rapidement relayée par des réseaux extrémistes et conspirationnistes, la séquence a été utilisée pour nourrir un discours anti-migrants et anti-musulmans.

Un même mode opératoire baptisé Storm-1516

Cette vidéo rappelle d’autres contenus similaires. En juillet 2024, une séquence montrait la décapitation d’une figure de Marianne et une menace directe contre les Jeux olympiques de Paris, attribuée à de prétendus membres du Hamas. En janvier 2025, puis de nouveau début septembre, des vidéos mettant en scène de supposés islamistes syriens menaçant de brûler Notre-Dame de Paris ont circulé largement.

Selon une source gouvernementale, ces productions relèvent d’un même mode opératoire baptisé Storm-1516, actif depuis août 2023 et attribué à la Russie. Ses cibles principales : l’Ukraine et les pays qui lui apportent un soutien, par la diffusion de contenus destinés à exacerber les tensions internes.

Le service français de lutte contre les ingérences numériques, Viginum, a identifié environ 80 opérations répondant aux caractéristiques de Storm-1516. Leur schéma est récurrent : production rapide, rudimentaire et anonyme, diffusion via des comptes secondaires, puis amplification par des influenceurs alignés ou rémunérés.

Attiser la peur et les divisions

« Ces vidéos visent des symboles simples et compris de tous. Les attaquer suscite une réaction émotionnelle plus forte, notamment chez les identitaires », analyse auprès de l’AFP Laurence Bindner, cofondatrice de JOS Project, spécialisé dans l’étude de la propagande extrémiste.

Selon elle, l’objectif est de réactiver la peur du terrorisme jihadiste, d’alimenter l’idée d’un conflit de civilisation et de capitaliser sur les tensions liées à la guerre entre Israël et l’organisation terroriste Hamas pour accentuer les divisions intercommunautaires en France.

Le chercheur américain Darren L. Linvill, spécialiste de la désinformation, décrit une méthode éprouvée : « D’abord, des influenceurs payés. Ensuite, la reprise dans des médias d’État russes ou étrangers. Enfin, des think tanks ou ONG liés au Kremlin. » Pour lui, ces récits « s’appuient sur des clichés racistes et diffusent la colère et la division ».

L’objectif serait aussi interne : consolider le pouvoir de Vladimir Poutine. « Plus il parvient à présenter l’Occident comme divisé et incompétent aux yeux de son peuple, moins celui-ci remettra en cause son autorité », ajoute le chercheur.

Une manipulation des perceptions

Sur les réseaux sociaux occidentaux, même lorsque les internautes soupçonnent des manipulations, les soupçons se tournent plus souvent vers Israël que vers la Russie. « On ne voit pas de kippas à cause des cagoules », « Réalisation Tel-Aviv production », peut-on lire dans certains commentaires.

Une image générée par intelligence artificielle circule également : elle montre les trois hommes encagoulés entourés de drapeaux israéliens et de caméras, renforçant la thèse d’une mise en scène attribuée à Israël.

Pour Laurence Bindner, il s’agit d’un mécanisme classique de diversion : « Ils font un truc rudimentaire parce que c’est facile à produire, mais aussi parce que les réactions qui vont être charriées derrière vont pointer une mauvaise cible du doigt. »

Avec AFP