Internet : arbitrage entre sécurité et vie privée dans l’entreprise

5 septembre 2017 02:00 Mis à jour: 5 septembre 2017 10:54

Jusqu’où un employeur peut-il aller dans la surveillance de l’internet ? Les juges de la Grande chambre, l’instance suprême de la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg rendent aujourd’hui une décision très attendue pour l’équilibre entre la sécurité de l’entreprise et la vie privée des salariés.

La décision des 17 juges de la Grande Chambre fera jurisprudence pour les 47 États membres du Conseil de l’Europe dont les approches sont très différentes. Elle est très attendue par les syndicats européens et par les États qui, comme la France, encadrent la surveillance de l’internet.

La CEDH a été saisie par Bogdan Mihai Barbulescu, un ingénieur roumain de 38 ans. Son employeur l’avait licencié en 2007 après avoir constaté, en surveillant ses communications électroniques, qu’il avait utilisé la messagerie de la société à des fins personnelles, en infraction du règlement intérieur.

M. Barbulescu avait dénoncé l’espionnage de ses communications par son employeur, s’estimant victime d’une violation du droit au respect de la vie privée et de la correspondance protégé par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Les tribunaux roumains l’avaient débouté. Ils avaient jugé que la conduite de l’employeur avait été raisonnable, et que la surveillance des communications avait constitué le seul moyen d’établir qu’il y avait infraction disciplinaire.

Protéger le droit au respect de la vie privée

La CEDH a confirmé cette approche en janvier 2016, validant la possibilité pour un employeur de surveiller l’usage de l’internet de la société dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

M. Barbulescu a fait appel et la CEDH a accepté de réexaminer sa décision. Les juges ont forgé leur réflexion lors d’une audience le 30 novembre 2016 : ils ont entendu les arguments exposés par le gouvernement français et la Confédération européenne des syndicats (CES), associés à leur demande en tant que tiers intervenants.

« Il est indispensable que l’essence du droit au respect de la vie privée soit effectivement protégé par la Cour », a confié à l’AFP un expert de la CES.

« Sinon, le salarié risque d’être surveillé en permanence à son poste de travail. Une telle approche serait contraire à la dignité humaine », a-t-il souligné.

La connexion de l’entreprise est mise à la disposition des salariés pour leurs activités professionnelles et la surveillance permet à l’employeur de protéger son entreprise contre le piratage de données, les virus informatiques et les utilisations interdites.

Encadrer la surveillance

La France estime qu’il y a nécessité d’encadrer cette surveillance et d’en informer les salariés. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) impose en France une consultation et une information des salariés sur les dispositifs mis en place, les modalités du contrôle et la durée de conservation des données de connexion.

Elle oblige en outre l’employeur à respecter le secret des correspondances électroniques privées. L’employeur ne peut accéder aux dossiers identifiés comme personnels hors présence du salarié : l’employeur doit s’appuyer sur une décision de justice pour établir la preuve de la faute et la violation du secret de ces correspondances est considérée comme une infraction pénalement sanctionnée.

La CES insiste enfin sur la nécessaire proportionnalité de la sanction. Un avertissement verbal devrait être la première mesure contre le salarié en faute et le licenciement, la sanction pour les infractions répétées ou les violations graves de l’utilisation de l’internet professionnel, a insisté la CES lors de son intervention.

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