Jean-Claude Poizat : « L’animalisme est l’une des formes que peut prendre la ‘cancel culture’ aujourd’hui »

Par Julian Herrero
29 avril 2024 15:52 Mis à jour: 30 avril 2024 18:55

ENTRETIEN –  Jean-Claude Poizat est professeur de philosophie en Occitanie. Il analyse pour Epoch Times le « piège idéologique et politique mis en place par les militants animalistes » qui consiste à opposer les hommes aux animaux. L’enseignant revient également sur son dernier ouvrage « Pro steak » publié aux éditions Albin Michel dans lequel il met en garde contre des militants « végétaro-animalistes » qui veulent discréditer la consommation de viande. Pour lui, l’animalisme est une nouvelle forme de cancel culture.

Epoch Times – Monsieur Poizat, vous avez déclaré dans un entretien à Valeurs Actuelles : « Les animalistes veulent éloigner l’homme de l’animal ». Pourtant, les animalistes semblent plutôt prôner un renforcement du lien entre l’être humain et les animaux.

Jean-Claude Poizat – Oui c’est justement le piège idéologique et politique mis en place par les militants animalistes. Ceux-ci commencent par construire un soi-disant « problème » pour pouvoir ensuite proposer leurs « solutions ». C’est un peu la démarche du pompier-pyromane si vous voulez. Les animalistes prétendent en effet que les humains seraient « en guerre » contre les animaux, et donc ils proposent de « faire la paix ».

Cela signifie en réalité que toutes les activités qui reposent sur la collaboration homme-animal doivent être dénoncées comme injustes. Fondamentalement, les animalistes mettent en cause la domestication des animaux par les humains, car elle reviendrait à dominer, exploiter et opprimer injustement les bêtes. Que ce soient les chiens, les chats, les bœufs, les chèvres, les moutons, les cochons, les chevaux etc., tous les animaux qui sont utilisés par les humains d’une façon ou d’une autre, afin de produire soit des biens soit des services, sont désignés comme des « victimes » de l’être humain – lequel est plus ou moins implicitement (et souvent explicitement) désigné comme un « bourreau des animaux ».

Ce schéma dialectique reposant sur la mise en opposition du bourreau et de la victime (qui rappelle la « dialectique du Maître et de l’Esclave, du philosophe G. Hegel) est un schéma généralement utilisé par les militants de gauche, se réclamant du marxisme, pour tenter de transformer la société. Autrefois, on opposait les bourgeois aux prolétaires, aujourd’hui, on oppose les humains aux animaux. L’élevage animal, le dressage, des activités comme l’équitation ou par exemple la fauconnerie, les animaux de cirque évidemment, tout cela est appelé à disparaître par les animalistes. Ainsi, par exemple, la mairie de Paris a voté en 2023 l’interdiction des balades à dos de poney pour les enfants dans tous les parcs de la ville, sous la pression d’une association animaliste appelée PAZ (« Paris Animaux Zoopolis »).

Au fond, les animalistes voudraient revenir sur les acquis de ce que l’on appelle la « révolution néolithique », laquelle s’est produite dans différentes régions du monde, notamment au Proche-Orient, il y a environ 10 000 ans. Leur idéal serait de revenir à une société de « chasseurs-cueilleurs » où les humains n’auraient plus affaire qu’à des animaux sauvages. C’est pourquoi je dis que les animalistes voudraient en effet éloigner l’homme de l’animal. La proximité qui existe aujourd’hui entre les humains et les animaux domestiques, la collaboration millénaire entre les éleveurs et leurs bêtes par exemple, doit être éliminée, effacée de nos sociétés. L’animalisme est l’une des formes que peut prendre la « cancel culture » aujourd’hui !

Pour vous, les animalistes ne rendent donc pas service aux animaux ?

Je pense que si l’on met en place une politique conforme aux objectifs de l’idéologie animaliste, cela ne rendra service ni aux animaux ni aux humains. Beaucoup d’humains devront se séparer de leurs animaux, les animaux domestiques et aussi les animaux dits « de compagnie ».

Je ne suis pas certain que les millions d’humains susceptibles d’être concernés par une telle politique seraient très heureux de cela ! On mettra à terre tout un écosystème économique qui fait vivre aujourd’hui des milliards d’êtres humains partout sur la planète.

Cela entraînera la disparition de milliers d’espèces animales qui n’existent plus qu’à l’état domestique. Et si l’on rend certaines espèces domestiques à la vie sauvage, cela entraînera des désordres et des déséquilibres qui affecteront la faune et la flore sauvages. Reste la solution de la destruction programmée des animaux domestiques, soit par la stérilisation soit par l’euthanasie. Certains animalistes l’envisagent. Est-ce que ce serait un progrès ? Je n’en suis pas certain !

Vous avez récemment publié un ouvrage « Pro-steak » aux éditions Albin Michel. Quel est l’objet de votre livre ? Réhabiliter la consommation de viande ?

L’objet de mon livre « Pro steak » est de défendre la consommation de viande qui est aujourd’hui l’objet de nombreuses attaques qui me paraissent souvent exagérées et injustifiées. J’essaie de rétablir certaines vérités, souvent occultées par des slogans simplistes et militants mis en avant par des « végétaro-animalistes » et qui ont pour but de discréditer l’alimentation carnée en général.

La consommation de viande n’est mauvaise ni sur le plan éthique, ni sur le plan économique, ni sur le plan diététique, ni sur le plan écologique, ni sur le plan gastronomique ! Tout est une question de dosage. Tout excès est toujours mauvais bien entendu, et je ne plaide nullement en faveur de la surconsommation ni du gaspillage alimentaire ! Mais j’affirme qu’une consommation de viande limitée et raisonnable n’a que des effets bénéfiques.

En revanche, la suppression totale de la viande de notre régime alimentaire entraînerait toute une série de conséquences néfastes tant sur notre santé que sur notre économie, ou bien sur les animaux eux-mêmes ainsi que sur l’environnement et même sur le climat !

Vous écrivez au début de votre ouvrage : « Outre la nécessité quasi-animale de se « remplir la panse », l’acte de se nourrir comporte chez les humains une dimension éminemment sociale liée à la commensalité du repas ». Pour vous, certains mouvements cherchent à détruire cette dimension sociale ?

Oui bien entendu, l’alimentation est au cœur de la vie sociale, et le repas est ce qui rassemble les gens. Cela est vrai dans toutes les sociétés, sur tous les continents et à toutes les époques. En s’attaquant à l’alimentation, et notamment à l’alimentation carnée, la mouvance végétaro-animaliste crée un clivage qui risque de séparer et même d’opposer les gens…. un de plus ! Or cela est fait de manière volontaire et consciente, puisqu’il s’agit en réalité de s’en prendre à l’ordre social et politique tout entier. La question de la consommation de viande est un « levier stratégique » pour transformer en profondeur tous les rapports sociaux. Ce projet est assumé par les militants animalistes qui ne s’en cachent pas !

Pour ma part, je déplore que la gastronomie française traditionnelle soit attaquée au travers de ce militantisme anti-viande. Je pense d’ailleurs que c’est l’un des objectifs des animalistes que de s’en prendre à l’un des piliers de la prospérité française et de son « soft power » gastronomique. Car je n’imagine pas la gastronomie française sans viande, sans charcuterie ni sans fromage – et je parle ici bien entendu des aliments originaux à base de produits animaux, et pas des « aliments de substitution » que les végétaro-animalistes voudraient aujourd’hui nous imposer, et qui sont souvent peu qualitatifs et peu savoureux !

Comment peut-on sérieusement imaginer une France sans jambon de Paris, sans saucisson de Lyon, sans côte de bœuf de Salers, sans pot-au-feu, sans cassoulet ni choucroute, sans camembert de Normandie, sans reblochon de Savoie ni sans roquefort aveyronnais etc.?!

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