La brigade loups, au cœur de la difficile cohabitation entre l’élevage et le sauvage

Par afp
14 juin 2019 10:38 Mis à jour: 12 juillet 2019 20:32

Le soleil se couche sur des brebis et leurs agneaux rassemblés dans un enclos. Devant eux, face à une vallée des Alpes françaises, deux guetteurs s’installent: ce sont des membres de la brigade loups, venus protéger ce troupeau après plusieurs attaques.

Le pâturage se trouve à 1.500 mètres d’altitude, dans le parc national du Mercantour, frontalier avec l’Italie. Les éleveurs pratiquent un élevage extensif dans ce paysage escarpé où alternent pâtures, bois et rochers.  La région abrite chamois, bouquetins, chevreuils, cerfs, sangliers, mouflons. Et depuis le début des années 1990, des loups venus d’Italie, alors qu’ils avaient été exterminés en France.

Deux binômes de la brigade sont présents pour protéger les plus de 1.500 bêtes domestiques après trois attaques en journée, dont deux dans le cœur du parc où tout tir est interdit. Les jeunes hommes, âgés 26 à 32 ans, ont entamé leur mission lundi, avec un repérage des lieux où se sont déroulées les attaques, les accès possibles pour les loups, la protection du troupeau un berger, six chiens, un enclos mobile pour la nuit où il est parqué.

Il est 20 heures passées. Un binôme déploie son équipement près des brebis avant la nuit: une carabine de chasse équipée d’une lunette à vision thermique, deux caméras à vision thermique et des vestes chaudes. Ils passeront plusieurs heures à leurs postes d’observation en s’efforçant de se faire le plus discret possible.

« Sans le thermique, on n’est rien », résume l’un des membres de la brigade, soumise à l’anonymat. Le matériel permet de distinguer les animaux même en pleine nuit, une nécessité quand les alentours sont vite plongés dans l’obscurité malgré un temps clair et une nuée d’étoiles. « Le loup s’adapte tout le temps », racontent ces passionnés de nature, expliquant avoir été surpris par « l’intelligence » de l’animal.

Depuis son retour en France, le grand prédateur déchaîne les passions. Le « Canis lupus » classé vulnérable sur la liste rouge française de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ne peut être tué, sauf dérogation en cas par exemple de dégâts importants sur les troupeaux.

Sa population n’a cessé de croître, son territoire de s’étendre et les attaques d’augmenter. L’Hexagone compte environ 530 adultes. En 2018, près de 3.700 attaques ont eu lieu contre plus de 12.500 animaux, essentiellement des ovins, en particulier dans les Alpes-Maritimes, et les Alpes-de-Haute-Provence.

La brigade loups, créée en 2015, compte onze hommes de terrain qui interviennent dans les foyers d’attaques. Ils ont appris sur le tas et « acquis une expérience inégalée sur le loup » et son comportement, assure Nicolas Jean, de l’Office national de la faune sauvage (ONCFS), dont dépend la brigade.

Aujourd’hui, ils forment des lieutenants de louveterie, des bénévoles dotés du permis de chasse. La présence de la brigade une semaine chez un éleveur lui permet « de souffler un peu », racontent ses membres. « A certains endroits, le monde de l’élevage est à bout ».

Pour Nicolas Jean, le rôle de la brigade est de « prélever » des loups dans le cadre du quota fixé par le gouvernement, mais « la protection ne doit donner lieu à une course à l’armement. Sur 53 loups pouvant être tués en 2019 le plafond vient d’être relevé, 38 l’ont déjà été. En 2020, ce chiffre augmentera à une centaine de loups.

L’ONCFS étudie l’impact des tirs pour savoir s’ils remplissent leur rôle pour faire diminuer la prédation ou s’ils peuvent avoir l’effet inverse en déstructurant des meutes. L’ingénieur de l’ONCFS aimerait pouvoir équiper des loups de colliers émetteurs pour étudier leur comportement « mais nous avons beaucoup de mal à trouver un site pour capturer un loup et le relâcher ».

L’éleveur Michaël Viale, lui, rêve de se débarrasser du carnassier. « Le loup est un terroriste des montagnes », assène l’homme de 39 ans, le visage sec et souriant, qui a vu les attaques contre ses bêtes se multiplier depuis dix ans. « J’ai connu la liberté pour mes brebis et moi aussi », « on ne les parquait pas la nuit, je n’avais pas besoin d’un berger, de chiens, de cette brigade », raconte-t-il en montrant sa bergerie, après avoir passé des nuits à dormir avec son troupeau.

Les membres de la brigade « comprennent notre détresse », apprécie-t-il. Mais ils ne peuvent pas rester la nuit entière, à lui de gérer la surcharge de travail causée par la présence du loup, les pertes. « Le loup, on ne s’en défera pas », regrette-t-il. L’association de conservation des grands prédateurs Ferus déplore de son côté que l’Etat augmente le nombre de loups pouvant être tués, sans mettre plus l’accent sur les moyens de protection.

Les quatre hommes de la brigade quittent les pâturages la dernière nuit de leur mission sans avoir vu le loup pointer le bout de son nez.

D.C avec AFP

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