La campagne anti-corruption de Xi Jinping dans une phase déterminante

19 mai 2015 11:46 Mis à jour: 26 octobre 2015 18:34

 

Plusieurs signes montrent que la campagne anticorruption du dirigeant chinois Xi Jinping est dans une impasse: le procès de l’ancien et tout-puissant chef de la sécurité intérieure est retardé; le patron de la lutte anticorruption a prononcé un discours galvanisant dénonçant la corruption dans une province qui devait déjà être «nettoyée»; alors que les enquêtes et les purges parmi les hauts responsables ne se font plus qu’au compte-gouttes.

Selon les analystes, cette pause indique que la lutte intestine entre les factions du Parti communiste chinois (PCC) est arrivée à un stade critique et que les décisions qui seront prises dans un avenir proche seront décisives. Elles conduiront à l’élimination complète des opposants à Xi Jinping ou à l’affaiblissement du pouvoir de ce dernier et à un règlement de comptes éventuel.

Le magazine en langue chinoise Mingjing a récemment participé au débat en publiant à la Une de son dernier numéro un gros titre interpellateur: Arrêt brusque de la campagne anticorruption; la chasse aux «gros tigres» est suspendue. L’article laisse entendre que l’ancien dirigeant du régime Jiang Zemin et son proche lieutenant Zeng Qinghong ont réussi à freiner la campagne de purge du PCC dirigée par Xi Jinping et Wang Qishan, secrétaire du Comité central pour l’inspection disciplinaire du Parti chargé de la mise en œuvre de cette campagne.

L’article affirme que Zeng Qinghong empêche Zhou Yongkang, l’ex-chef de la sécurité intérieure, d’être condamné à mort bien que Zhou ait reconnu avoir commis de nombreux meurtres. En outre, il exige que plusieurs hauts responsables, dont Ling Jihua, l’assistant de Hu Jintao, prédécesseur de Xi Jinping, ainsi que Guo Boxiong, ancien second responsable des forces armées, soient blanchis et ne reçoivent qu’une petite sanction en raison de leurs liens avec Jiang Zemin.

Mingjing tente également de remettre en question la légitimité de la campagne menée par Xi Jinping et Wang Qishan, pointant du doigt l’enrichissement présumé des membres de la famille de Xi Jinping. Il est impossible de distinguer clairement si l’article de Mingjing rapporte des faits ou s’il les invente de toutes pièces sur l’ordre de certaines forces politiques en Chine. Dans un cas comme dans l’autre, les observateurs sont d’accord pour dire que la campagne anticorruption de Xi Jinping semble avoir ralenti et que de nombreuses enquêtes visant des hauts responsables semblent être suspendues.

Selon Chen Pokong, auteur et spécialiste de la politique du régime communiste chinois, l’affirmation selon laquelle la vieille garde de Jiang Zemin et Zeng Qinghong est la cause de la paralysie actuelle de la campagne anticorruption de Xi Jinping paraît crédible.

Dans un entretien téléphonique, Chen Pokong a déclaré que la crise politique et le combat entre les deux adversaires Xi Jinping et Jiang Zemin pourraient être résumés par l’expression chinoise «Si tu meurs, je vis».

Depuis que le centième «tigre» (terme utilisé par le PCC pour désigner les hauts responsables) Zhao Liping, ancien vice-président du Comité régional de la Mongolie intérieure au sein de la Conférence consultative politique du peuple chinois, a été arrêté en mars dernier, les arrestations ont presque cessé. On ne compte que deux autres responsables arrêtés depuis.

Selon le South China Morning Post basé à Hong Kong, le procès de l’ex-membre du Politburo Zhou Yongkang a également été reporté parce que ce dernier tenterait de revenir sur ses aveux.

Par ailleurs, du 8 au 10 mai dernier, Wang Qishan s’est rendu dans la province du Zhejiang (est de la Chine) alors que le plus gros «tigre» de la région – Si Xinliang, ancien vice-président du Comité régional du Zhejiang au sein de la Conférence consultative politique du peuple chinois – avait déjà été arrêté. Comme les visites de Wang Qishan précèdent habituellement des opérations locales de purge anticorruption, les observateurs sont restés perplexes sur les raisons de la visite de Wang Qishan dans le Zhejiang alors qu’il aurait pu se rendre non loin de là à Shanghai, le bastion de Jiang Zemin, où un certain nombre d’enquêtes et de purges ont déjà eu lieu.

Chen Pokong affirme que Xi Jinping et Wang Qishan doivent vite accélérer l’application de leur campagne anticorruption afin de déraciner les forces de Jiang Zemin avant qu’elles ne répliquent.

Gao Wenqian, universitaire et auteur de la biographie de Zhou Enlai, a présenté son analyse de la campagne anticorruption lors d’une discussion politique avec Voice of America.

«C’est une question de vie ou de mort pour Xi Jinping et Wang Qishan. Ils chevauchent un tigre et ils ne peuvent plus en descendre. La portée et l’ampleur de leur campagne a dépassé ce qu’ils avaient planifié et s’ils la mènent jusqu’au bout, le Parti communiste chinois pourrait s’écrouler. Mais s’ils l’arrêtent, ils pourraient être dévorés par le tigre.»

«Donc, ils ne savent plus comment progresser. Ils font un pas, annoncent quelque chose, puis font un autre pas et annoncent encore autre chose.»

Selon Chen Pokong, si Jiang Zemin, qui a presque 90 ans, tombe gravement malade ou décède, la tâche serait plus facile. Mais s’il continue à mettre des bâtons dans les roues de la machine de Xi Jinping, sans relâche jusqu’au 19e Congrès national du PCC en 2017, alors les dirigeants actuels feront probablement face à des représailles.

Chen Pokong fait une suggestion à ce propos: une alliance avec les libéraux et les réformateurs pour contrer les conservateurs.

«Actuellement, Xi Jinping essaie de combattre en même temps les conservateurs et les libéraux, ce qui ne lui simplifie pas la tâche», a précisé Chen Pokong. Mais s’il présente aux Chinois la lutte contre la corruption comme un véritable moyen de construire un État de droit, et s’il transfère réellement le pouvoir du Parti à des institutions réellement indépendantes, alors il ne s’engagera pas seulement dans une lutte interne du PCC, mais il mettra aussi la Chine sur les rails d’une gouvernance plus légitime.

Évidemment, Xi Jinping a un exemple positif à suivre, celui de Taiwan, que l’ancien premier ministre Chiang Ching-Kuo avait petit à petit libéré de l’autoritarisme à la fin des années 1980.

Chen Pokong a conclu: «Si Xi Jinping fait preuve de sagesse, il s’alignera avec le peuple, bénéficiera de son soutien et son nom sera transmis à la postérité.»

Version originale: China’s Anti-Corruption Campaign Enters Crucial Phase

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