L’approche jugée trop laxiste de l’Église catholique à l’égard des relations homosexuelles suscite de plus en plus d’opposition au sein de l’Église

Deux semaines après la publication de son "Fiducia Supplicans", le Vatican peine à se défendre

Par James Baresel
9 janvier 2024 01:13 Mis à jour: 9 janvier 2024 11:59

Deux semaines bien remplies se sont écoulées depuis la publication de « Fiducia Supplicans », un document du Vatican abordant la question de la bénédiction des personnes ayant des relations homosexuelles. En raison de ce texte, le Vatican se retrouve face à une opposition croissante de la part de conférences épiscopales nationales, de membres éminents de la hiérarchie catholique, d’ordres religieux et d’associations de prêtres.

Publié le 18 décembre 2023, « Fiducia Supplicans » témoigne de la réticence du pape François à embrasser certaines doctrines que la théologie catholique considère comme étant infaillibles (c’est-à-dire qui ne peuvent être modifiées, même par un pape ou un concile réunissant tous les évêques), notamment celle selon laquelle les actes homosexuels constituent des péchés graves.

Publié par un département du gouvernement central de l’Église appelé le Dicastère pour la doctrine de la foi, le document a un statut « officiel » mais n’est pas « infaillible ».

Il est formulé en des termes précis, et tend à vouloir faciliter l’acceptation de facto des relations homosexuelles, tout en prétendant affirmer que les bénédictions accordées aux couples de même sexe n’ont pas pour but de bénir ou de sanctionner leurs relations.

Mais dès le 22 décembre, il était devenu clair que l’opposition prenait une ampleur difficilement gérable, puisque les conférences épiscopales du Canada, de la Croatie, de la Pologne, de l’Ukraine et de pas moins de 12 pays africains ont tous explicitement rejeté le texte.

Elles ont été rejointes par au moins une demi-douzaine de diocèses de divers pays.

Certains ont publié des déclarations condamnant purement et simplement le document.

D’autres ont interdit les bénédictions pour les couples de même sexe, sachant que celles-ci seraient inévitablement interprétées comme validant un point de vue qui, selon eux, n’est pas celui du texte.

L’archevêque de Zagreb, Drazen Kutlesa, président de la conférence épiscopale croate, a interprété la déclaration de manière créative : « Si quelqu’un se trouve dans un certain état, en particulier dans un état de péché, l’Église veut lui accorder une attention et un soin particuliers. »

Des personnalités de premier rang se sont exprimées sur le sujet.

Le cardinal allemand Gerhard Muller – ancien chef de la Congrégation (et aujourd’hui Dicastère) pour la Doctrine de la Foi – a publié une longue critique et a qualifié la bénédiction des couples de même sexe de blasphème.

Autre voix importante, le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, a demandé que toutes les conférences épiscopales du continent se joignent à celles qui ont déjà publiquement dénoncé le texte, écrivant que « l’ambiguïté de cette décision [du Vatican] n’est pas acceptable » : « L’ambiguïté de cette déclaration [du Vatican] – qui se prête à de nombreuses interprétations et manipulations – suscite beaucoup d’incompréhension parmi les fidèles et je crois que nous devons nous exprimer clairement sur cette question afin de donner une orientation claire à nos chrétiens. »

Quant à l’archevêque Charles Chaput, qui a longtemps été l’un des prélats les plus influents en Amérique du nord, il a écrit que « Fiducia Supplicans » était « un exercice à double sens consistant à affirmer et à réfuter simultanément l’enseignement catholique sur la nature des bénédictions et leur application aux relations ‘irrégulières' ».

De même, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, connue pour être dominée par des hommes critiques à l’égard de l’initiative du pape François, a publié une déclaration tiède se contentant de dire que le document n’avait aucune portée sur la doctrine catholique.

De son côté, l’Église gréco-catholique ukrainienne, la plus importante Église de « rites orientaux », qui sont placés sous la juridiction du pape mais ont leurs propres évêques et diocèses, leur propre forme de messe, et que l’on retrouve en Europe de l’Est, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, s’est également opposée à cette initiative.

Aujourd’hui répandu dans diverses parties du monde, le rite ukrainien a simplement insisté sur le fait que la « Fiducia Supplicans » ne s’appliquait pas à eux.

Cette réaction, combinée à une forte opposition du public, a rapidement conduit certains des membres les plus « gay-friendly » de la hiérarchie catholique à faire marche arrière.

Le jour de la publication de « Fiducia Supplicans », l’archevêque de Salzbourg, Franz Lacker, président de la conférence épiscopale autrichienne, exprimait non seulement son enthousiasme à l’égard de ce texte et parlait en termes positifs des relations homosexuelles, mais allait même jusqu’à dire qu’il serait de toutes façons pratiquement impossible pour les prêtres de refuser de bénir des couples de même sexe.

Mais deux jours plus tard, son porte-parole faisait volte-face, déclarant que « aucune obligation personnelle ne peut découler du sentiment d’ouverture général [à l’égard des couples homosexuels] ».

Face à cette opposition généralisée, le cardinal Victor Manual Fernandez – chef du Dicastère pour la doctrine de la foi depuis juillet 2023 – a tenté de limiter les dégâts dans une interview qu’il a accordée au site d’information catholique « The Pillar », publiée le 23 décembre.

Pratiquement tous les acteurs de cette question ont interprété le document comme un pas vers une approche plus laxiste des relations homosexuelles – une impression d’autant plus forte qu’un texte antérieur publié par le prédécesseur du cardinal Fernandez (le cardinal Luis Ladaria Ferrer) condamnait purement et simplement la bénédiction des couples de même sexe, au grand dam du pape François.

Le cardinal Fernandez souligne que le texte a pour objectif partiel d’empêcher une poignée de diocèses et de conférences épiscopales d’Europe d’instituer des rituels formels de mariage entre personnes de même sexe, et que cet aspect devrait être reconnu par les détracteurs du texte. Il a également indiqué qu’il discuterait personnellement de cette question avec les évêques allemands qui rejettent de manière virulente les croyances catholiques traditionnelles.

Mais il a également tenté de donner des interprétations plus alambiquées aux déclarations des évêques africains.

Les évêques camerounais avaient expliqué que les actes homosexuels étaient « stériles, hédonistes et pervers » et qu’ils étaient « des signes évidents de la décadence implosive des civilisations ».

Puis ils avaient insisté sur le fait que : « Le rejet n’est en aucun cas une discrimination, mais une protection légitime des valeurs constantes de l’humanité face à un vice qui est devenu l’objet d’une revendication de reconnaissance légale ».

Quant aux évêques de Zambie, ils les avaient qualifiés d’ « actes de grave dépravation », avaient recommandé d’être « à l’écoute de notre héritage culturel qui n’accepte pas les relations entre personnes de même sexe » et avaient mentionné « la loi de notre pays qui interdit les unions et les activités entre personnes de même sexe ».

Malgré cela, le cardinal Fernandez a présenté les évêques africains comme étant plus ou moins sur la même ligne que lui, affirmant qu’il comprenait bien « l’inquiétude des évêques de certains pays d’Afrique ou d’Asie, où le fait d’être homosexuel peut vous conduire en prison. »

« [La persécution] est un affront à la dignité humaine qui afflige certainement les évêques et les défie dans leur rôle de guides. Il est probable que les évêques ne veulent pas exposer les personnes homosexuelles à la violence », a-t-il dit.

Ces commentaires n’ont font qu’intensifier l’avalanche des critiques.

Plusieurs autres conférences épiscopales nationales ont publié des déclarations, de même que les confréries américaine, australienne et anglaise du clergé catholique, au moins deux ordres religieux et notamment plusieurs cardinaux nommés par le pape François lui-même, dont le cardinal uruguayen Daniel Sturla et le cardinal singapourien William Seng Chye.

L’initiative du pape François a échoué et les experts se demandent si cela n’aura pas un impact sur le conclave qui élira son successeur. Les bureaucrates du Vatican font face à un flot ingérable de requêtes de couples de même sexe qui demandent la bénédiction du pape.

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