L’autre génocide imputable à la Chine : celui des Rohingyas en Birmanie

Les États-Unis ont reconnu le génocide des Rohingyas en Birmanie, mais non la culpabilité de la Chine

Par Anders Corr
26 mars 2022 14:56 Mis à jour: 31 mars 2022 14:31

Après cinq années de terreur contre les Rohingyas en Birmanie, le gouvernement des États-Unis a finalement qualifié les faits de génocide. Le secrétaire d’État Antony Blinken a rendu publique cette dénomination le 21 mars au Musée commémoratif de l’Holocauste à Washington.

Il a fallu du temps pour nommer le génocide car Washington ne voulait pas pousser davantage le régime birman dans les bras de la Chine. Les responsables espéraient au contraire détourner la junte militaire birmane de l’étreinte peu démocratique de Pékin.

Mais suite au coup d’État de février 2021, moins de deux semaines après l’investiture du président Joe Biden, la dégradation des conditions de vie des Rohingyas, la reprise des crimes de guerre et enfin l’invasion russe en Ukraine proche d’être un génocide contre les Ukrainiens, l’administration Biden s’est ravisée.

Non moins de 1, 1 million de personnes ont fui l’État de Rakhine en Birmanie depuis qu’ont repris en 2017, les meurtres, les viols, les mutilations, les tortures et les incendies de villages. Plus de 900 000 d’entre elles vivent désormais dans les camps de réfugiés au Bangladesh. Près de 600 000 sont piégées en Birmanie, où elles sont victimes de graves persécutions.

La terreur qui règne actuellement en Ukraine, où 10 millions de personnes ont fui ce pays qui comptait auparavant 44 millions d’habitants, a peut-être incité Joe Biden à agir en faveur des Rohingyas. Qualifier de génocide la violence déployée par la Russie contre le peuple et l’État ukrainiens – que le président russe Vladimir Poutine souhaite faire disparaître – est tout à fait approprié.

Tout le monde est capable de reconnaître un génocide en voyant les faits, éviter de nommer pour ce qu’elles sont ces violences à l’encontre des civils offre une échappatoire à la communauté internationale pour éviter de prendre les mesures qui s’imposent et ne pas honorer sa responsabilité de protéger (R2P).

Les génocides dont sont victimes les Rohingyas et l’Ukraine viennent s’ajouter à ceux qui se déroulent actuellement contre le peuple du Tigré en Éthiopie, les Ouïghours, les Tibétains et les membres du Falun Gong en Chine. Ces génocides ne sont pas tous reconnus à l’heure actuelle.

Mais ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’ils bénéficient tous en dernier lieu de l’appui de Pékin. Le Parti communiste chinois (PCC) cherche à « nettoyer » sa population de toute diversité religieuse et linguistique en faveur non seulement du communisme chinois, mais du communisme Han sous le règne d’un seul homme : Xi Jinping, chef du PCC. Tous les régimes dictatoriaux qui imposent des génocides savent que le Parti communiste chinois (PCC) soutient le « droit » des autres régimes à réprimer à son instar les diversités au sein de leur population.

Le PCC exporte ainsi son modèle génocidaire dans les dictatures sur lesquelles il a une influence, y compris, bien évidemment, la Russie, la Birmanie et l’Éthiopie.

En ce moment même, Pékin encourage probablement d’autres pays à suivre sa politique étrangère « pragmatique » qui ignore l’éthique, les normes et les droits de l’homme et à s’engager dans les génocides. Il pourrait s’agir de l’Arabie Saoudite, de l’Iran ou de la Syrie. Ce pourrait être les Philippines. Tous sont relativement violents en termes de politique intérieure ou étrangère.

La priorité du PCC : le pouvoir. Créer le chaos et engendrer un vide de pouvoir, voilà la stratégie par laquelle il peut intervenir, proposer sa médiation, étendre son emprise.

« Le pouvoir est au bout du fusil », selon la célèbre devise de Mao Zedong. Une réalité que Xi Jinping s’emploie à concrétiser au niveau mondial en encourageant les massacres et les génocides contre son propre peuple ou ceux d’autres pays.

Sur la question des musulmans Rohingyas, la Chine s’est efforcée de faire obstacle aux sanctions de l’ONU qui auraient dû être imposées au régime birman.

« Le soutien agressif de la Chine et sa volonté de défendre l’armée du Myanmar dans les forums internationaux, tels que les Nations unies, offrent au régime birman une couverture diplomatique », selon Rachel Lambert (chercheuse Asia program) du Wilson Center, un think tank basé à Washington.

En défendant le régime birman, Pékin est partiellement responsable du génocide des Rohingyas.

Selon Rachel Lambert dans un article publié en 2022, la Chine n’hésite pas à mettre à profit la crise pour pousser ses projets de développement en Birmanie (Initiative ceinture et route), mais surtout pour bloquer la R2P (responsabilité de protéger) et « rendre inerte » le processus international (ce qui lui laisse le champs libre pour persécuter les populations du Xinjiang).

« La Chine a certainement des intérêts économiques et géostratégiques au Myanmar : elle y détient d’importants investissements et s’oppose naturellement à ce que d’autres nations accroissent leur influence chez un voisin proche. »

« Toutefois, l’ingérence de Pékin dans le sort des Rohingyas semble fondée essentiellement sur la crainte de créer des précédents qui pourraient avoir un impact sur sa propre politique intérieure, notamment dans le Xinjiang. »

Lors d’un voyage à Rangoon, en janvier 2021, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a promis de soutenir la Birmanie pour gérer la question des violences perpétrées contre la minorité musulmane des Rohingyas ainsi que celles résultant des minorités ethniques armées. Ensuite, les deux parties ont discuté des investissements liés à l’Initiative ceinture et route pour signer finalement un protocole d’accord afin de lancer une étude de faisabilité d’une liaison ferroviaire entre Mandalay, deuxième ville du Myanmar, et la ville portuaire de Kyaukpyu, dans l’océan Indien.

En d’autres termes, Pékin n’avait qu’un but : lier davantage la Birmanie à son économie par le biais de la dette nécessaire à la construction du chemin de fer et d’une connexion ferroviaire supplémentaire vers sa province du Yunnan. La Chine dispose déjà d’un réseau de pipelines qui achemine le pétrole et le gaz vers le Yunnan depuis la baie du Bengale.

En 2018 déjà, le United States Institute of Peace (USIP) notait que Pékin protégeait la Birmanie des sanctions de l’ONU. Le régime du PCC a « offert un soutien formel et matériel pour sa gestion des prétendues attaques terroristes [des Rohingyas] », selon l’USIP.

La lutte contre le terrorisme a été le prétexte invoqué par la Birmanie pour justifier son génocide contre les Rohingyas, tout comme le PCC l’a fait pour le génocide contre les Ouïghours.

Comme les atrocités commises ailleurs, le génocide contre les Rohingyas a attiré l’opprobre mondial sur la Birmanie et a poussé son gouvernement dans les bras de la Chine. Connaissant cette dynamique, Pékin a eu tout intérêt à soutenir la Birmanie dans sa répression, notamment en promettant des échanges économiques et un soutien diplomatique aux Nations unies.

Il est grand temps pour la communauté internationale de reconnaître le terrible impact du PCC sur la paix et les droits de l’homme, non seulement en Chine mais dans le monde entier, de l’Europe à l’Asie du Sud-Est en passant par l’Afrique. Une fois ce fait reconnu, il sera enfin possible de prendre des mesures efficaces pour se protéger, comme d’imposer, par exemple, des sanctions économiques concrètes à l’encontre de Pékin.

Anders Corr est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’université de Yale (2001) et d’un doctorat en administration de l’université de Harvard (2008). Il est directeur de Corr Analytics Inc, éditeur du Journal of Political Risk, et a mené des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Ses derniers ouvrages sont « The Concentration of Power : Institutionalization, Hierarchy, and Hegemony » [La concentration du pouvoir : institutionnalisation, hiérarchie et hégémonie, ndt.] (2021) et « Great Powers, Grand Strategies : the New Game in the South China Sea » [Grandes puissances, stratégies globales : les nouvelles donnes en mer de Chine méridionale, ndt.] (2018).

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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