Le Conseil de surveillance de Facebook appelle à une censure plus juste

Par Tom Ozimek
20 décembre 2022 17:45 Mis à jour: 20 décembre 2022 17:46

Le Conseil de surveillance de Meta, société mère de Facebook, a récemment attiré l’attention de l’entreprise sur l’existence de failles au niveau de son système de « contrôle croisé ». Le Conseil de surveillance, un organe quasi-indépendant créé pour conseiller le géant des réseaux sociaux en matière de politique de contenu, affirme que les utilisateurs prestigieux ou reconnus bénéficient de davantage de droits en la matière que les profils ordinaires. 

Le groupe consultatif a appelé l’entreprise à revoir son système de vérification croisée, qui est défini comme un système de vérification ayant pour but de « prévenir les erreurs engendrées par la présence de faux-positifs ». Il invite l’entreprise à rendre son système plus transparent, plus facilement accessible et, dans certains cas, à censurer davantage.

Le Conseil de surveillance est connu pour être la « Cour suprême » de Facebook. Dans son avis consultatif sur le programme de vérification croisée de Meta, également appelé « XCheck » (pdf), le Conseil affirme que le système « présente des lacunes dans des domaines clés qui nécessitent des correctifs ».

Meta présente son programme de vérification croisée comme un outil qui lui permet de faire la chasse aux faux positifs, et éviter que des restrictions non souhaitées ne s’appliquent à certaines publications. Pour y parvenir, le système établit des listes d’utilisateurs privilégiés tels que les gouvernements, les organisations de défense des droits de l’homme ou les grandes entreprises. Celles-ci bénéficient alors d’un traitement préférentiel en matière de politique de contenu.

Cet audit a été commissionné par Meta elle-même, à la suite de la publication d’un article du Wall Street Journal l’année dernière. Selon l’article du média américain, un grand nombre d’utilisateurs prestigieux bénéficient d’un traitement privilégié, et sont autorisés à publier des contenus qui seraient censurés s’ils étaient publiés par des profils ordinaires. L’entreprise se voyait également reprocher de mettre plus de temps à retirer les publications problématiques des utilisateurs prestigieux, alors même que l’entreprise emploie des personnes physiques spécifiquement formées à cette tâche.

Parmi les 32 recommandations du conseil de surveillance en vue d’une refonte du système de vérification croisée, il est demandé à Meta d’élargir ses critères d’admission à la liste VIP et à être plus strict sur l’application des règles d’utilisation dans certains cas.

Par exemple, il lui est demandé de supprimer ou de masquer tout contenu en cours d’investigation, ou encore « de rendre le système de vérification croisée et la façon dont il fonctionne considérablement plus transparent ». En ce qui concerne les critères d’accès à la liste VIP par exemple, l’entreprise pourra définir des « critères clairs et connus de tous ».

Meta a répondu qu’elle examinerait ces recommandations et y répondrait dans les 90 jours.

Des contenus problématiques supprimés de façon tardive

La commission écrit dans son rapport que le système de vérification croisée est construit pour donner davantage de privilèges aux utilisateurs qui génèrent des intérêts financiers pour l’entreprise, au détriment des comptes non-lucratifs, tels que les comptes associés à des causes humanitaires ou aux droits de l’homme. 

« Nous avons constaté que le programme semble davantage répondre à des préoccupations commerciales », a écrit le conseil.

« Le conseil de surveillance est conscient que Meta est [avant tout] une entreprise. Cependant, en offrant une protection supplémentaire à certains utilisateurs sélectionnés en grande partie en fonction d’intérêts commerciaux, le système de contrôle croisé autorise que des contenus problématiques restent en ligne plus longtemps que s’ils avaient été publiés par des profils normaux. Cette situation peut s’avérer préjudiciable. »

En 2019, l’algoritme du système de contrôle croisé a empêché les modérateurs de l’entreprise de supprimer un post publiés par Neymar, dans lequel la star brésilienne du football partagait les photos d’une femme nue. Pourtant la publication était en infraction claire avec les règles contre « l’imagerie intime non consensuelle » de l’entreprise, précise le Wall Street Journal.

Le Conseil de surveillance avait alors reproché à Meta de ne pas être « entièrement disposé » à communiquer ouvertement sur son système de contrôle croisé.

Dans leur avis publié le 6 décembre, ils déclarent que les critères d’admissibilité au programme électif doivent devenir plus transparents et s’appliquer à tous de façon égale.

« Le conseil réitère ses réserves quant à l’équité d’accès aux avantages de la vérification croisée », disent-ils.

« Meta maintient des processus clairs afin d’identifier lesquels de ses utilisateurs sont habilités [à recevoir ce type de traitement préférentiel], par exemple les acteurs étatiques ou les partenaires commerciaux. En l’absence de critères clairs destinés aux autres utilisateurs, qui sont susceptibles de publier des contenus à forte valeur humanitaire, il est évident que le programme ne s’applique pas de façon égale à tout le monde. C’est notamment le cas des membres de groupes marginalisés ou qui sont la cible de discriminations. »

Dans un même temps, le conseil recommande à Meta d’être plus strict dans l’application de ses règles de publication lorsque les contenus postés par des entités privilégiées portent atteinte aux droits de l’homme.

« Le conseil reconnaît qu’une admissibilité universelle au système de prévention des erreurs va dans le bon sens », écrivent-ils. « Toutefois, un tel système devrait donner la priorité aux contenus qui ne sont pas encadrés par un système électif. »

« Il devrait fournir une protection renforcée [aux publications] qui oeuvrent à la défense des droits de l’homme. Il est compréhensible que Meta accorde des protections supplémentaires [à ses partenaires] pour éviter qu’une application trop stricte des règles ne nuise à ses propres intérêts commerciaux, comme dans le cas des listes électives. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de ses engagements en faveur des droits de l’homme. »

Concernant les critères d’éligibilité à la liste privilégiée, la priorité devrait être donnée aux défenseurs des droits de l’homme, aux représentants publics et aux journalistes, plutôt qu’aux célébrités, musiciens, partis politiques et grandes entreprises.

« Si des utilisateurs ont été acceptés [sur la liste privilégiée] en raison de l’intérêt commercial qu’ils suscitent, mais qu’ils publient de façon répétée des contenus en violation avec la politique de contenu, cette protection spéciale devrait alors leur être retirée. »

Nick Clegg, le président de Meta en charge des affaires internationales, a précisé dans un tweet que l’entreprise avait demandé au conseil de surveillance de se pencher sur le système de vérification croisée de l’entreprise « afin que nous puissions poursuivre notre travail d’amélioration du programme. »

Il a ajouté qu’afin de répondre pleinement aux recommandations de la commission, « nous nous sommes engagés à répondre sous 90 jours. »

La commission a également déclaré dans son rapport qu’elle a pris connaissance du programme de vérification croisée pour la première fois en 2021, lorsqu’elle s’est penché sur la décision de Facebook de suspendre le compte de l’ancien président Donald Trump. 

Facebook avait initialement suspendu Trump pour une durée indéterminée à la suite des émeutes du Capitol du 6 janvier 2021, avant de reconnaître finalement que la décision d’une interdiction permanente avait été excessive. L’entreprise a alors préféré prolonger la suspension de Trump de deux années supplémentaires, en déclarant qu’elle le réintégrerait « si le risque pour la sécurité publique avait diminué ».

La suspension de deux ans de Trump sur Facebook est censée prendre fin le 7 janvier 2023. 

Trump exonéré de fact-checkeurs sur Facebook

Après avoir annoncé qu’il se présentait à l’élection présidentielle en 2024, Donald Trump n’est plus soumis aux fact-checkeurs de Facebook. 

En vertue des règles de la plateforme, Trump, comme tout homme ou femme politique, jouit de cette exception à la règle de la plateforme.

Selon les politiques d’utilisation de Meta, le fact-checking ne s’applique pas aux publications et publicités de campagne des politiciens.

« Sont inclus [dans cette exemption] les mots prononcés par un politicien ainsi que les photos, vidéos ou autres contenus clairement identifiés comme ayant été créés par le politicien ou son équipe de campagne », selon les termes de Meta.

A la question de savoir pourquoi les politiciens ne sont pas soumis à cette règle, Facebook a répondu que leur « approche est fondée sur une croyance fondamentale (…) en la liberté d’expression, le respect du processus démocratique et la conviction que, en particulier dans les démocraties matures, et avec la présence d’une presse libre, le discours politique est le discours le plus commenté de tous ».

« De façon tout aussi essentielle, en limitant le discours politique, nous empêcherions les gens d’être complètement informés sur ce que disent leurs élus, et nous empêcherions les politiciens d’assumer la responsabilité de leurs paroles. » 

Trump est toujours à ce jour suspendu de Facebook, et son dernier message visible date du 6 janvier 2021, dans lequel il appelle « tout ceux qui sont au Capitole à rester pacifique » et à « respecter la loi et [la police], nos grands hommes et femmes en bleu ».

Cependant, une page « Team Trump » gérée par son groupe politique est toujours active et compte 2,3 millions de followers.

Twitter a également suspendu Trump de sa plateforme après les émeutes du 6 janvier 2021, mais le nouveau propriétaire de la plateforme, Elon Musk, est revenu sur cette décision.

Trump n’a pas encore publié de message sur Twitter depuis sa réintégration.

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